Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2006, présentée pour Mme Rattanaphone X, demeurant ... par Me Germa ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0104911 0104912 du 27 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle-même et son époux ont été assujettis au titre des années 1993 à 1995, ainsi que sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été personnellement notifiés au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2009,
- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la requérante a contesté devant le tribunal, par deux demandes distinctes, les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle-même et son époux ont été assujettis au titre des années 1993 à 1995 et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été personnellement notifiés sur la période comprise entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995 ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a joint ces deux demandes pour statuer par une seule décision ; que, cependant, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme X, d'une part, Mme X en tant que seule redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part ; qu'en statuant comme il l'a fait, par un jugement unique sur des conclusions concernant des contribuables différents, le tribunal a méconnu cette règle d'ordre public ; que, dans ces conditions, c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle Mme X a été assujettie en même temps que sur les compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X ;
Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, dans les circonstances de l'affaire, d'une part, d'évoquer la demande présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'elle concerne la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, après que les mémoires et pièces produites dans les écritures relatives au litige afférent à l'impôt sur le revenu auront été enregistrés par le secrétariat de la Cour sous un numéro distinct de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions relatives aux compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que Mme X ne conteste pas que l'ensemble des actes de la procédure de vérification, et notamment la notification de redressement du 10 décembre 1996, ainsi que l'avis de mise en recouvrement, libellés à son prénom et au nom patronymique de son mari, lui sont normalement parvenus ; qu'il résulte de l'instruction que la requérante utilisait elle-même indifféremment son nom marital ou son nom patronymique dans l'exercice de son activité professionnelle ; qu'ainsi, et alors même qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 6 Fructidor An II, les citoyens doivent être désignés, dans les actes, par le nom de famille et les prénoms portés en l'acte de naissance , la procédure d'imposition suivie à l'égard de Mme X n'est pas entachée d'irrégularité du fait qu'elle a été libellée à son nom d'épouse ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :
Considérant que Mme X exploite un restaurant asiatique à l'enseigne Le Dragon , à Perpignan, comportant, en outre, une activité de vente à emporter ; que le vérificateur a écarté la comptabilité tenue par la requérante au motif principal que les recettes perçues par la requérante étaient globalisées en fin de journée et n'étaient pas assorties de justifications permettant d'en reconstituer le détail ; que si Mme X soutient que ce type d'enregistrement comptable ne peut justifier le rejet de la comptabilité, la globalisation journalière des ventes ne peut être admise que lorsque le contribuable est en mesure de justifier du détail des opérations de ventes par la production d'autres documents comptables et notamment d'un brouillard de caisse détaillé ; qu'en l'espèce, le ministre fait valoir, sans être contredit, que la requérante n'a produit aucune pièce justificative du détail de ses recettes ; que la circonstance que les méthodes de paiements seraient différenciées en sortie de caisse ne peut suffire à régulariser les graves irrégularités affectant l'enregistrement des recettes ; qu'en outre, le vérificateur a également retenu que la comptabilité ne permettait pas de distinguer les recettes de plats à emporter et des ventes à consommer sur place et l'impossibilité de tirer un solde liquide de la caisse ; qu'à supposer, ainsi que le soutient la requérante, que les autres manquements relevés n'était pas fondés ou insuffisamment graves, les irrégularités ci-dessus mentionnées étaient de nature à priver la comptabilité de toute valeur probante ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
Considérant que les rappels de taxe sur la valeur en litige ont fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application des dispositions de l'article L.66 3° du livre des procédures fiscales, en l'absence de dépôt par Mme X de ses déclarations dans le délai légal au titre de l'ensemble de la période en litige ; qu'elle supporte la charge de prouver l'exagération des bases d'impositions en litige par application des articles L.193 et R.193-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que pour chacune des années soumises à vérification, le vérificateur a procédé à la reconstitution des recettes réalisées par Mme X par application de la méthode dite des vins dont l'objet est de déterminer, à partir du dépouillement des notes clients qui lui on été présentées, le pourcentage de vin vendu par rapport aux recettes réalisées sur place ; que le chiffre d'affaires total a ensuite été reconstitué en appliquant le coefficient ainsi déterminé à la quantité de vin réellement vendue, de laquelle le vérificateur a déduit les offerts et les consommations du personnel ; que s'agissant des ventes à emporter, le vérificateur a, en accord avec le contribuable et en l'absence de justificatifs de ces ventes, ajouté à la reconstitution ainsi opérée, la moitié des recettes déclarées ;
Considérant, en premier lieu, que Mme X soutient que le vérificateur aurait commis des erreurs dans la détermination du pourcentage de vin consommé au restaurant, au motif que dans son dépouillement, il aurait tenu compte des tickets de vente à emporter ; que si la requérante produit pour chaque année en litige un tableau censé retracer les ventes à emporter dont le vérificateur aurait, à tort, tenu compte, elle ne justifie pas de la réalité des chiffres reportés sur ce tableau, correspondant selon elle aux erreurs du vérificateur ; que le ministre conteste en défense la prise en compte par le vérificateur des notes de plats à emporter, dès lors qu'aucun justificatif de ces ventes ne figurait dans la comptabilité ; qu'ainsi, la requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'erreur commise par le vérificateur dans les pourcentages qu'il a déterminés ;
Considérant, en deuxième lieu, que Mme X fait valoir que le vérificateur n'a pas tenu compte du vin utilisé en cuisine, à raison d'une cuillérée par part de poisson et deux cuillérées par part de viande et représentant annuellement une centaine de bouteilles ; qu'il résulte de l'instruction que si le vérificateur n'avait initialement pas retenu l'utilisation de vin pour la confection des plats, l'administration a admis, suite à l'avis de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, un pourcentage de 7 % pour la confection des plats et des cocktails ; que la requérante, qui n'apporte pas la preuve de l'utilisation de vin pour chacun des plats qu'elle propose dans son établissement, ainsi que de la quantité nécessaire à chaque recette, n'établit pas que le pourcentage de 7 % en définitive retenu par l'administration serait insuffisant ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante fait valoir que le pourcentage de 10 % retenu par le vérificateur pour les offerts et les consommations du personnel est insuffisant au regard des manifestations festives qu'elle organise à l'occasion du nouvel an, du nouvel an chinois et de vernissages, au cours desquels un cocktail est offert aux participants ; que, cependant, la requérante qui n'établit pas avec précision le nombre de personnes participant aux festivités qu'elle invoque, ni la quantité de vin réellement offerte, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le taux de 10 % retenu par le vérificateur au titre des offerts et des consommations du personnel serait insuffisant ;
Considérant, en quatrième lieu, que si Mme X fait état de deux vols survenus dans son établissement au cours de l'année 1995, l'administration a, au cours de l'instance engagée devant le tribunal administratif et en raison de la production des procès-verbaux de police des 27 juin et 17 novembre 1995, accepté de tenir compte de ces évènements en lui accordant un dégrèvement de 18 705 euros ; que la requérante n'établit pas que ce dégrèvement serait insuffisant ;
Considérant, enfin, que le vérificateur n'avait pas l'obligation de corroborer les résultats obtenus par la mise en oeuvre d'une seconde méthode ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme X n'est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 27 avril 2006 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période comprise entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1995 est rejetée.
Article 3 : Les productions de Mme X enregistrées sous le n° 06MA02075 en tant qu'elles concernent l'impôt sur le revenu, seront rayées du registre de la Cour administrative d'appel pour être enregistrées sous un numéro distinct.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Rattanaphone X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 06MA02075