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15/04/2004 | FRANCE | N°99MA01738

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 15 avril 2004, 99MA01738


Vu le recours transmis par télécopie, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 septembre 1999 sous le n° 99MA001738, présenté, au nom de l'Etat, par le ministre de l'équipement, des transports et du logement ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 95-4877 en date du 3 juin 1999, en tant que, par ledit jugement, le Tribunal administratif de Marseille a retenu l'entière responsabilité de l'Etat et a accordé à M. et Mme X, en réparation des préjudices subis par les intéressés du fait des inondations successives de leur prop

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Vu le recours transmis par télécopie, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 septembre 1999 sous le n° 99MA001738, présenté, au nom de l'Etat, par le ministre de l'équipement, des transports et du logement ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 95-4877 en date du 3 juin 1999, en tant que, par ledit jugement, le Tribunal administratif de Marseille a retenu l'entière responsabilité de l'Etat et a accordé à M. et Mme X, en réparation des préjudices subis par les intéressés du fait des inondations successives de leur propriété, une indemnité de 395 000 F pour le coût des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée effectués en pure perte et de la démolition des travaux en cause ;

Classement CNIJ : 60-02-05-01-01

60-04-01-02-01

C

Il fait valoir que M. et Mme X ont obtenu le 9 août 1984 un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé sur le territoire de la commune de BEDARRIDES, au lieu-dit Les Verdeaux, qui avait fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif délivré le 5 décembre 1983, lesdites décisions ayant été délivrées au nom de l'Etat ; que la maison d'habitation des intéressés a fait l'objet d'inondations en avril 1986, septembre 1992 et novembre 1994 ; que M. et Mme X ont demandé au Tribunal administratif de reconnaître comme engagée la responsabilité de l'Etat au motif que ni le certificat d'urbanisme positif ni le permis de construire ne mentionnaient que le terrain d'assiette de la construction en cause était situé dans une zone inondable ; qu'un expert désigné, par voie de référé, a déposé son rapport devant le tribunal administratif le 6 décembre 1995 ;

Il soutient, en premier lieu, que, si l'Etat a commis une faute en délivrant un permis de construire pour une maison de plain-pied dans un secteur soumis à un risque d'inondation, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu l'entière responsabilité de l'Etat ; qu'en effet, il appartenait à M. et Mme X, lorsqu'ils ont déposé leur demande de permis de construire, de s'informer sur les dispositions d'urbanisme applicables à leur terrain et notamment de prendre connaissance du plan d'occupation des sols (POS) et également d'exiger du notaire et du constructeur toutes les informations utiles relatives au terrain en cause ; qu'ainsi, les premiers juges auraient dû retenir une faute de la victime ; que les premiers juges auraient dû également retenir une faute du constructeur dès lors que M. et Mme X ont fait appel pour la construction de leur maison à un professionnel de l'immobilier, en l'occurrence La Maison Occitane ; que ce dernier a commis une faute en construisant une maison de plain-pied dans une zone soumise au risque d'inondation ; que ce fait du tiers est également de nature à exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité ; qu'ainsi, un partage de responsabilité devait être prononcé ;

Il soutient, en deuxième lieu, que les premiers juges ont statué ultra petita en accordant une indemnisation pour le coût des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée effectués en pure perte et de la démolition de ces travaux dès lors que les requérants de première instance n'avaient pas présenté de demande tendant à l'indemnisation de ce préjudice mais uniquement une indemnisation couvrant le coût d'aménagement de la mise hors crue de leur habitation en se référant aux conclusions de l'expert ; que ce préjudice n'étant pas directement lié à la faute de l'administration, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont écarté mais qu'en revanche ils ne pouvaient, alors qu'ils n'étaient pas saisis de conclusions sur ce point, allouer une indemnisation pour le coût des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée et de démolition de ces travaux ; que l'évaluation de ce chef de préjudice effectuée par le tribunal administratif ne peut être confirmé dès lors que les premiers juges ont raisonné par analogie avec le montant correspondant aux travaux nécessaires pour la mise en conformité du premier étage ; qu'à cet égard, l'expert n'a pas expliqué à partir de quelles informations la somme de 350 000 F pouvait être retenue pour l'évaluation du préjudice subi ; qu'ainsi, en l'absence d'éléments permettant de chiffrer précisément ce préjudice, le tribunal administratif ne pouvait accorder une indemnisation sur ce fondement ;

Vu l'exemplaire original du recours susvisé, enregistré le 6 septembre 1999 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à M. et Mme X par le président de la formation de jugement à l'effet de produire des observations en défense, et restée sans effet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2004 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que le ministre de l'équipement, des transports et du logement relève régulièrement appel du jugement susvisé en date du 3 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à payer à M. et Mme X et leurs enfants une indemnité pour les préjudices résultant des inondations successives de leur habitation et qui étaient la conséquence de la délivrance, au nom de l'Etat, d'un permis de construire illégal une construction à usage d'habitation dans un secteur inondable du territoire de la commune de BEDARRIDES ; que le ministre n'interjette appel dudit jugement qu'en tant que les premiers juges ont retenu l'entière responsabilité de l'Etat et ont mis à la charge de l'Etat une indemnité de 395 000 F en réparation du coût des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée de ladite construction réalisés en pure perte par les intéressés ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont obtenu le 9 août 1984 un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison à usage d'habitation de plain-pied sur un terrain situé sur le territoire de la commune de BEDARRIDES, au lieu-dit Les Verdeaux ; que cette décision, intervenue sur le fondement du plan d'occupation des sols (POS) rendu public le 5 octobre 1981, antérieurement à l'approbation de ce document d'urbanisme le 27 mars 1986, a été délivré au nom de l'Etat en vertu de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur ; que le rapport de présentation du POS rendu public précisait que certaines zones étaient soumises à des risques d'inondation, notamment en zones urbaines UA et UD au nombre desquelles figurait le lieu-dit Les Verdeaux ; que selon les dispositions de l'article UD 10 du règlement dudit document : Dans les secteurs soumis à des risques d'inondation, toute construction à usage d'habitation devra disposer d'un étage partiel dont le plancher sera établi au minimum à la cote 28 NGF ; qu'ainsi, le permis de construire délivré le 9 août 1984, qui autorisait la réalisation d'une maison d'habitation de plain-pied sur un terrain situé au lieu-dit Les Verdeaux ne respectait pas ces prescriptions ; que, par suite, en délivrant ledit permis de construire, l'autorité administrative a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet avait fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif délivré, au nom de l'Etat, le 5 décembre 1983 ; que ni ce certificat d'urbanisme ni le permis de construire délivré le 9 août 1984 ne comportait de prescriptions particulières mentionnant le risque d'inondation auquel était soumis le terrain d'assiette du projet en cause ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas allégué que la situation particulière du terrain aurait été de nature, par ses caractéristiques naturelles, à alerter M. et Mme X sur le risque d'inondation qu'il présentait ; que, dans ces conditions, en l'absence de tout élément pouvant laisser suspecter un tel risque, M. et Mme X n'ont commis aucune faute en ne s'assurant pas de la conformité, au regard du risque d'inondation, de leur projet aux prescriptions du règlement du POS ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que M. et Mme X auraient commis une faute de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité ;

Considérant, en troisième lieu, que si le ministre fait valoir que le constructeur de la maison de M. et Mme X aurait dû lui-même s'assurer de la réglementation d'urbanisme applicable au terrain d'assiette du projet en cause, cette abstention, qui est postérieure à la délivrance du permis de construire illégal du 9 août 1984, n'est pas de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu l'entière responsabilité de l'Etat ;

Sur le préjudice matériel :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a retenu le chef de préjudice lié au coût d'aménagement du rez-de-chaussée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les demandeurs de première instance ont demandé l'allocation d'une indemnité de 395 000 F correspondant aux travaux de mise hors crue de l'habitation en cause par l'édification d'un étage sur la construction existante de plain-pied, entérinant l'évaluation de ce seul chef de préjudice effectuée par l'expert désigné par voie de référé ; qu'ayant estimé que les requérants n'étaient pas fondés à demander une telle somme pour ce chef de préjudice, les premiers juges ont toutefois accordé ladite indemnité au titre du coût des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée de ladite construction réalisés en pure perte par les intéressés ; que, pour déterminer ce montant, les premiers juges ont estimé que le coût de réalisation du rez-de-chaussée devait être regardé comme équivalent à celui évalué par l'expert pour le premier étage ;

Considérant qu'en l'absence dans le dossier de tout élément chiffré permettant d'évaluer le chef de préjudice correspondant au coût de réalisation du rez-de-chaussée, qui n'avait fait l'objet d'aucune estimation ni par les requérants ni par l'expert alors que de tels éléments auraient pu être fournis par les demandeurs de première instance, le préjudice qui a été indemnisé par les premiers juges ne présentait pas de caractère certain quant à son montant ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à verser ladite indemnité aux intéressés ; qu'il est, dès lors fondé à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 433 500 F (quatre cent trente trois mille cinq cent francs) 66 086,65 euros (soixante six mille quatre-vingt six euros et soixante-cinq centimes) que l'Etat a été condamné à verser à M. et Mme X par le jugement susvisé du 3 juin 1999 du Tribunal administratif de Marseille est ramenée à 5 869, 29 euros (cinq mille huit cent soixante neuf euros et vingt-neuf centimes ) 38 500 F (trente huit mille cinq cent francs ) .

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 juin 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et à M. et Mme X.

Délibéré à l'issue de l'audience du 1er avril 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 15 avril 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

Signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA01738 7


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 15/04/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99MA01738
Numéro NOR : CETATEXT000007584884 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-04-15;99ma01738 ?
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