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18/03/2004 | FRANCE | N°99MA00093

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 18 mars 2004, 99MA00093


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 janvier 1999 sous le n° 99MA00093, présentée pour M. et Mme X, demeurant chez M. et Mme Y ...), par Me MARTY-ETCHEVERRY, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 93-3918 en date du 8 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de la délibération en date du 31 mai 1990 par laquelle le conseil municipal de Saint-Jean-Cap-Ferrat a décidé de préempter l'immeuble dénommé Palais

Montfleury et, d'autre part, de tous les actes pris en fonction des délibéra...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 janvier 1999 sous le n° 99MA00093, présentée pour M. et Mme X, demeurant chez M. et Mme Y ...), par Me MARTY-ETCHEVERRY, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 93-3918 en date du 8 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de la délibération en date du 31 mai 1990 par laquelle le conseil municipal de Saint-Jean-Cap-Ferrat a décidé de préempter l'immeuble dénommé Palais Montfleury et, d'autre part, de tous les actes pris en fonction des délibérations des 6 octobre et 14 décembre 1989 par lesquelles le conseil municipal a, d'une part, institué un droit de préemption urbain et, d'autre part, délégué au maire l'exercice de ce droit de préemption ;

Classement CNIJ : 68-02-01-01-01

C

2°/ de faire droit à leur demande de première instance ;

3°/ de confirmer l'enquête du service juridique de la Direction Départementale de l'Equipement des Alpes-Maritimes ;

4°/ de confirmer l'enquête administrative de la pharmacie de Marseille en date du 23 mars 1993 ;

5°/ de confirmer que les actes administratifs en date des 26 novembre 1991 et 27 février 1992 sont annulés pour faux et usages de faux en écriture publique ;

6°/ de confirmer que l'arrêté préfectoral en date du 23 février 1970 a été violé ;

7°/ de désigner un expert à la charge de la commune pour démontrer la dilapidation de l'argent public et fixer les préjudices qu'ils ont subis depuis le 28 juin 1988 du fait des délits administratifs commis par la commune ;

8°/ de confirmer que la collusion de la commune avec les sociétés S.A. S.F.3.I, EURL SF III, SARL PRIVILEGE, S.A. MAISON PRIVILEGE a débuté le 21 mars 1989, pour faux et usage de faux en écriture publique ;

9°/ de confirmer que la commune a signé en toute connaissance de cause ;

10°/ de confirmer que tous les écrits, les actes administratifs signés entre la commune et ces sociétés doivent être annulés d'office ;

11°/ de reconnaître que le lieu d'implantation de leur officine de pharmacie était une zone de non droit ;

12°/ de condamner la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat pour tous les délits administratifs commis ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts qu'ils ont subis depuis le 28 juin 1988 avec la possibilité de récupérer les dommages et intérêts auprès des auteurs des délits commis ;

13°/ de condamner la commune et les sociétés S.A.I.E.M., SCIC, SCIC AMO pour faux et usages de faux en écriture publique ;

Ils soutiennent, en premier lieu, qu'ils avaient bien intérêt à agir à l'encontre des décisions attaquées dès lors que le congé qui leur avait été signifié était caduc ; qu'ils avaient tous deux intérêt à agir à titre personnel dès lors qu'ils occupaient les locaux à un titre professionnel pour l'exploitation de l'officine de la pharmacie et à titre de local d'habitation ;

Ils soutiennent, en deuxième lieu, que la décision de préemption prise par le conseil municipal le 31 mai 1990 est illégale dès lors que seul le maire était à cette date compétent pour prendre cette décision du fait de la délégation de compétence qui lui avait été consentie par le conseil municipal par une délibération en date du 14 décembre 1989 ; qu'en outre, cette délibération n'était pas exécutoire à défaut d'avoir été transmise au représentant de l'Etat ;

Ils soutiennent, en troisième lieu, que l'acte d'achat administratif N° 4124 est illégal et non exécutoire ; que, contrairement aux affirmations du commissaire du gouvernement, la société SF III n'était pas propriétaire de l'immeuble et n'a pas sollicité sa rétrocession ; que la commune a violé les lois administratives et que le tribunal administratif était qualifié pour en connaître ; que le jugement relatif à leur congé est du 4 mai 1994 et non du 19 décembre 1990 ; qu'ils n'entendaient pas exciper de l'illégalité de la préemption faite par la commune mais demandaient la confirmation de l'enquête de la Direction Départementale de l'Equipement du 22 juillet 1993 ; que le tribunal était compétent à l'égard des actes pris par le maire ; que le tribunal a transmis les mémoires de la commune à leur ancien avocat et qu'ils ont été de ce fait dans l'incapacité d'assurer leur défense ; que du fait des décisions municipales de préemption, ils n'ont pu continuer à exploiter l'officine de pharmacie ce qui a engendré un préjudice dont la commune est responsable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2003, présenté pour la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, représentée par son maire en exercice, par Me SZEPETOWSKI, et par lequel elle conclut au rejet de la requête et à ce que les appelants soient condamnés au paiement, d'une part, d'une somme de 10.000 euros pour procédure abusive et, d'autre part, d'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Elle fait valoir que les époux X étaient locataires, au titre de leur domicile personnel, d'un appartement dans un immeuble sis à Saint-Jean-Cap-Ferrat, qui était la propriété de Mme Z et, au titre de son activité de pharmacienne, pour Mme X seule, d'un bail commercial ; que Mme Z, désirant vendre à la Société SF III l'entier immeuble, a fait délivrer aux époux X, un congé avec offre de vente, pour l'appartement (bail d'habitation) ; que les intéressés n'ayant pas donné suite, la vente est intervenue au profit de cette société le 28 juin 1988 ; que les époux X se maintenant indûment dans les lieux, la Société SF III a saisi le tribunal d'instance de Villefranche pour obtenir, d'une part, la validation du congé et, d'autre part, leur expulsion en leur qualité d'occupants sans titre ; qu'il a été fait droit à cette demande par une ordonnance en date du 11 janvier 1989, confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1990 ; que les intéressés ont été expulsés de leur local d'habitation le 17 avril 1991 ; que la Société SF III ayant manifesté son intention de vendre l'immeuble à la Société PRIVILEGE, a notifié à la commune, titulaire du droit de préemption, une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) ; que, par une délibération en date du 31 mai 1990, le conseil municipal a manifesté son intention de préempter aux conditions de la (DIA) ; que, par une délibération en date du 23 novembre 1990, transmise au préfet le 30 novembre 1990, la commune a décidé d'acquérir à l'amiable les biens de la société SF III ; que s'agissant de cette dernière société, contrairement à ce que soutiennent les appelants, elle existait bien en 1989 , ladite société étant immatriculée comme une Société Anonyme au capital de 5.000.000 F RCS PARIS B 341 271369 ; quant à la Société PRIVILEGE, qui existait antérieurement à 1991, elle avait cédé ses droits ; qu'à la suite de la caducité de la préemption, un protocole d'accord est intervenu le 26 décembre 1991, entre la commune, la Société SF III et la Société PRIVILEGE aux termes duquel, la Société SF III confirmait la vente du bien en cause à la commune, cette dernière indemnisant pour sa part la Société Maison PRIVILEGE en contrepartie de la renonciation de cette dernière à l'achat dudit bien ; que, par un acte administratif en date du 27 février 1992 dont plusieurs originaux ont été transmis en préfecture, la Société SF III a vendu à la commune l'immeuble Palais MONTFLEURY ; que si une différence s'est révélée entre l'un des originaux et les autres, cette seule différence ne concernait que la description du local commercial des X ; que la plainte déposée à ce sujet par ces derniers a donné lieu à une décision de relaxe de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence ; que les époux X n'ont pas donné suite aux procédures qu'ils avaient engagées le 21 avril 1992 devant le Tribunal de Grande Instance de Nice pour obtenir la nullité des ventes consenties à SF III, à PRIVILEGE et à SOTEC ; que Mme X a fait l'objet d'une liquidation judiciaire qui a entraîné la résolution du bail commercial dont elle bénéficiait ; que les procédures engagées par les intéressés à l'encontre du maire de la commune pour faux en écritures publiques ont abouti à des décisions de relaxe ;

Elle soutient en ce qui concerne le caractère exécutoire de la délibération du 31 mai 1990, que cette délibération n'a pas été transmise en préfecture dès lors qu'une nouvelle délibération en date du 23 octobre 1990, transmise au préfet, a décidé l'acquisition hors préemption des biens en cause ; que s'agissant de l'annulation des ventes, cette demande ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ; que le jugement attaqué doit être confirmé quant à l'absence d'intérêt à agir des époux X ; que s'agissant de la demande d'expertise, il convient de rappeler qu'à la date de l'introduction de leur requête, les époux X avaient été expulsés de leur logement en vertu de décisions de justice fondées sur un acte de vente de 1988 ; que si seule Mme X était titulaire d'un bail commercial en sa qualité de pharmacienne, seul son liquidateur aurait pu la représenter dès lors qu'elle était en liquidation judiciaire et qu'en tout état de cause, son préjudice est inexistant dès lors que l'intéressée s'est maintenue dans les lieux jusqu'à sa liquidation judiciaire ;

Vu la lettre du président de la formation de jugement transmise aux parties en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2004, présenté par M. et Mme X et par lequel ils précisent, en réponse à la lettre susvisée relative au moyen d'ordre public susceptible d'être soulevé par la Cour que, s'agissant de leurs conclusions visant à reconnaître que le lieu d'implantation de leur officine est une zone de non droit, ces conclusions doivent s'entendre comme sollicitant l'annulation de l'autorisation administrative ayant permis l'ouverture de l'officine comme étant non conforme aux dispositions du code de la santé publique ; que, s'agissant des conclusions relatives aux faux en écriture publique, le juge administratif a le pouvoir d'annuler les actes administratifs corrélatifs à l'acte argué de faux ; qu'ils s'associent au moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune tendant à leur condamnation pour recours abusif ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2004, présenté pour M. et Mme X et régularisant le mémoire susvisé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2004 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que M. et Mme X étaient locataires, au titre de leur domicile personnel, d'un appartement dans un immeuble, propriété de Mme Z, sis à Saint-Jean-Cap-Ferrat, et dans lequel, Mme X seule disposait également d'un bail commercial au titre de son activité de pharmacienne ; que, la propriétaire, désirant vendre à la Société SF III l'entier immeuble, a fait délivrer aux époux X, un congé avec offre de vente, pour l'appartement au titre du bail d'habitation ; que les intéressés n'ayant pas donné suite, la vente est intervenue au profit de cette société le 28 juin 1988 ; que, les époux X se maintenant indûment dans les lieux, la Société SF III a saisi le Tribunal d'Instance de Villefranche pour obtenir, d'une part, la validation du congé et, d'autre part, leur expulsion en leur qualité d'occupants sans titre ; qu'il a été fait droit à cette demande par une ordonnance de référé en date du 11 janvier 1989, confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1990, les intéressés étant expulsés de leur local d'habitation le 17 avril 1991 ; que la Société SF III ayant manifesté son intention de vendre l'immeuble à la Société PRIVILEGE, a notifié le 25 avril 1990 à la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, titulaire du droit de préemption, une déclaration d'intention d'aliéner ; que, par une délibération en date du 31 mai 1990, le conseil municipal a manifesté son intention de préempter aux conditions de la déclaration d'intention d'aliéner et a, par une délibération en date du 23 novembre 1990, transmise au préfet le 30 novembre 1990, décidé d'acquérir les biens de la société SF III au prix pour lequel la Ville avait préempté ; que, toutefois, le prix n'ayant été ni payé ni consigné dans le délai fixé à l'article L.211-5 du code de l'urbanisme, la société a demandé la rétrocession de l'immeuble le 15 juin 1991 ; que, cependant, un protocole d'accord est intervenu entre la commune et la Société SF III le 26 novembre 1991 et la commune a alors acquis ce bien à l'amiable au prix de 5.675.000 F par un acte en date du 27 février 1992 ; que M. et Mme X ont demandé au Tribunal administratif de Nice d'annuler les délibérations précitées des 31 mai et 23 novembre 1990, une délibération de décembre 1994 relative à un avenant à un prêt consenti à la commune par la Caisse des Dépôts et Consignations pour transformer le laboratoire de la pharmacie en deux appartements, tous les actes administratifs postérieurs pris en fonction des délibérations du 6 octobre 1989, instituant le périmètre du droit de préemption urbain sur la commune, et 14 décembre 1989 par laquelle le conseil municipal a délégué le droit de préemption au maire ; qu'ils ont également sollicité que le tribunal saisisse l'autorité judiciaire compétente au sujet d'un faux en écriture publique concernant l'acte de vente du 27 février 1992, et qu'il confirme l'enquête de la Direction Départementale de l'Equipement du 22 juillet 1993 selon laquelle la préemption du 31 mai 1990 était illégale ; que les intéressés ont, en outre, demandé que soit prononcée la nullité du protocole d'accord du 26 novembre 1991 ainsi que de l'acte de vente du 27 février 1992, que soit nommé un expert judiciaire pour évaluer leur préjudice et le montant de la dilapidation des deniers publics ; qu'ils ont, également demandé la condamnation de la commune pour le non respect d'un arrêté préfectoral de 1970 ; qu'en appel, ils demandent, en outre, à la Cour de confirmer l'enquête de la pharmacie de Marseille du 23 mars 1993, de confirmer la violation de l'arrêté préfectoral du 23 février 1970, de confirmer la collusion de la commune avec les sociétés S.A. S.F.3 I, EURL SF III, SARL PRIVILEGE et S.A. Maison PRIVILEGE, pour faux et usage de faux en écriture publique, de confirmer que tous les écrits, actes administratifs signés entre la commune et les sociétés en cause doivent être annulés d'office, de reconnaître que le lieu d'implantation de leur officine était une zone de non droit, de condamner la commune pour délits administratifs et de condamner la commune et les sociétés pour faux et usages de faux en écritures publiques ; que, par un jugement en date du 8 octobre 1998, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme X, qui interjettent régulièrement appel dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que selon les dispositions de l'article R.107 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur : Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif... par un des mandataires mentionnés à l'article R.108, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R.211 et suivants, ne seront accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. ; que, selon les dispositions de l'article R.93 du même code : A l'exception de la notification prévue aux articles R.209 et R.212 ci-après, les actes de procédure seront valablement accomplis à l'égard du mandataire mentionné à l'article R.108... ;

Considérant que, dans le cas où, au cours d'une même procédure, des mémoires sont présentés au nom d'une partie par des mandataires différents, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel doit, s'il y a doute sur l'identité du mandataire ayant seul qualité pour représenter cette partie, inviter celle-ci à la lui faire connaître ;

Considérant que la requête de M. et Mme X, enregistrée le 4 novembre 1993 au greffe du Tribunal administratif de Nice, a été présentée devant ce dernier sous la signature de Me FRENCH KEOGH JAMES, avocat ; que, toutefois, à compter du 9 mars 1998 , les mémoires présentés devant ledit tribunal au nom de M. et Mme X l'ont été sous la signature de Me MARTY-ETCHEVERRY, sans que M. et Mme X aient fait connaître qu'ils avaient déchargé Me FRENCH KEOGH JAMES de son mandat ou que Me FRENCH KEOGH JAMES ait fait connaître qu'il entendait y mettre fin ; que, dans ces conditions, il appartenait au tribunal administratif d'inviter M. et Mme X à lui indiquer le nom du mandataire qui était seul habilité à les représenter ; que le tribunal s'est abstenu d'effectuer une telle démarche et s'est borné à communiquer les actes de la procédure , jusqu'au 1er septembre 1998 à Me FRENCH KEOGH JAMES, puis à compter de cette date à Me MARTY-ETCHEVERRY ainsi qu'à Me FRENCH KEOGH JAMES qu'il a convoqué tous deux à l'audience ; que M. et Mme X sont, par suite, fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif ainsi que sur leurs conclusions d'appel ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 31 mai 1990 :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération en date du 31 mai 1990, par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat a décidé de préempter l'immeuble en cause appartenant à la Société SF III, n'a pas fait l'objet d'un retrait et que l'accord amiable intervenu entre la commune et la Société SF III au titre de ce bien ne peut être regardé comme ayant eu un tel effet ; que, par suite, la demande déposée par M. et Mme X devant le tribunal administratif et tendant à l'annulation de ladite délibération était recevable ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 4 novembre 1993 à laquelle ils ont introduit leur requête devant le tribunal administratif, M. et Mme X n'étaient plus locataires de leur local d'habitation sis dans l'immeuble préempté dès lors que le bail, dont ils étaient titulaires, avait pris fin le 30 septembre 1988 à la suite du congé pour vente qui leur avait été notifié, et dont la validité a été confirmée par une ordonnance de référé en date du 11 juin 1989, elle-même confirmée par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 19 décembre 1990 ; que les intéressés ont été, en outre, expulsés de ce local le 17 avril 1991 ; que, par suite, les époux X ne justifiaient pas d'un intérêt leur conférant qualité pour demander l'annulation de la délibération du 31 mai 1990 ;

Mais, considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme X était titulaire, à titre personnel pour exercer son activité de pharmacienne, d'un bail commercial dans un local de l'immeuble préempté ; que ce bail ayant pris effet le 1er avril 1985 arrivait à expiration le 31 mars 1994 et n'a été résilié, selon les mentions du jugement du Tribunal de commerce de Nice en date du 28 janvier 1997 produit en appel par la commune, que le 19 octobre 1995 ; que, par suite, Mme X, qui était locataire d'un local commercial faisant partie de l'immeuble préempté à la date de la demande déposée devant le tribunal administratif, justifiait à ce titre d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer devant la juridiction administrative la délibération susvisée du 31 mai 1990 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat doit être écartée ;

En ce qui concerne la légalité de la délibération du 31 mai 1990 :

Considérant que l'article L.213-2 du code de l'urbanisme prévoit que le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption ; qu'aux termes du I de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982 susvisée, ultérieurement codifié à l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales : Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. ; qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L.213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions combinées avec celles précitées de la loi du 2 mars 1982, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat ; que la réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat a reçu le 25 avril 1990 la déclaration d'intention d'aliéner relative à l'immeuble appartenant à la Société SF III ; que si , par la délibération en date du 31 mai 1990 contestée, le conseil municipal a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune, il est constant que la délibération en date du 31 mai 1990 précitée n'a jamais été transmise au représentant de l'Etat dans le département ; que, par suite, à défaut d'une telle transmission dans le délai de deux mois susmentionné, la délibération du 31 mai 1990 est entachée d'illégalité ; que, dès lors, Mme X est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération en date du 14 décembre 1989, le conseil municipal de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat a, sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L.122-20 du code des communes, délégué au maire de la commune l'exercice du droit de préemption urbain ; que, par suite, seul ce dernier était compétent pour exercer un tel droit au nom de la commune ; que, dès lors, Mme X est également fondée à soutenir que la délibération susvisée est entachée d'incompétence ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 23 novembre 1990 :

Considérant que Mme X, qui, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, justifie d'un intérêt à contester cette délibération, demande l'annulation de la délibération du 23 novembre 1990 ; que ladite délibération, en décidant l'acquisition de l'immeuble en cause de la Société SF III au prix pour lequel la Ville avait préempté, s'est bornée à mettre en oeuvre le droit de préemption irrégulièrement exercé par le conseil municipal par sa délibération du 31 mai 1990 ; qu'elle doit, par voie de conséquence, être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du protocole d'accord du 26 novembre 1991 et de l'acte de vente du 27 février 1992 :

Considérant que les actes susvisés, conclus avec une société privée par la commune dans le cadre de la gestion de son domaine privé, et qui ne comportent pas de clauses exorbitantes de droit commun, présentent le caractère de contrats de droit privé ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de tels actes ; que, par suite, la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat est fondée à soutenir que ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à ce que la Cour confirme la collusion de la commune avec les Sociétés S.A S.F. 3 I, EURL SF III, SARL PRIVILEGE et S.A. PRIVILEGE, pour faux et usages de faux en écriture publique et de confirmer que tous les écrits, actes administratifs signés entre la commune et les sociétés en cause doivent être annulées d'office :

Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence ou les conséquences d'un éventuel faux en écriture publique ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce que la Cour confirme, d'une part, l'enquête de la Direction Départementale de l'Equipement du 22 juillet 1993, d'autre part, l'enquête de la pharmacie de Marseille du 23 mars 1993, en outre la violation d'un arrêté préfectoral du 23 février 1970 :

Considérant que la juridiction administrative ne peut être saisie que de conclusions dirigées contre une décision ; que, par suite, les conclusions susvisées sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce que la Cour reconnaisse que le lieu d'implantation de l'officine de pharmacie est une zone de non droit :

Considérant que si, dans le dernier état de ses conclusions, Mme X a indiqué que lesdites conclusions devaient s'entendre comme tendant à l'annulation de l'autorisation administrative ayant permis l'ouverture de l'officine de pharmacie, elle n'a pas identifié la décision administrative ainsi contestée ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de tous les actes administratifs postérieurs pris en fonction des délibérations en date des 6 octobre et 14 décembre 1989 :

Considérant que Mme X n'a précisé ni la nature, ni la date ni l'objet des actes administratifs qu'elle entendait ainsi contester ; que, par suite, les conclusions susvisées sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation d'une délibération de décembre 1994 :

Considérant que les conclusions susvisées ne sont pas assorties de moyens de nature à démontrer l'illégalité de la délibération contestée ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de condamnation de la commune pour le non respect d'un arrêté préfectoral du 23 février 1970 :

Considérant que l'agissement fautif de la commune allégué n'est pas établi ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de condamnation de la commune pour délits administratifs pour faux et usages de faux en écriture publique :

Considérant qu'en tant qu'elles visent la condamnation de la commune pour faux et usages de faux en écriture publique, les conclusions susvisées ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative ; qu'elles sont, en outre, dépourvues de toute précision permettant d'en apprécier la portée, en tant qu'elles ont pour objet la condamnation de la commune pour délits administratifs ; que les conclusions susvisées ne peuvent , dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de désignation d'un expert judiciaire aux fins d'évaluation du préjudice subi par Mme X et le montant de la dilapidation des deniers publics :

Considérant, d'une part, qu'en se bornant à alléguer une dilapidation des deniers publics sans établir d'agissement fautif de la commune et en se prévalant de leur seule qualité de contribuable, les époux X n'établissent pas la nécessité de la mesure d'instruction qu'ils revendiquent ; que, d'autre part, Mme X n'établit pas que le préjudice allégué résultant de la fermeture de son officine de pharmacie résulterait directement de l'illégalité de la délibération en date du 31 mai 1990 susvisée ; qu'il suit de là que l'expertise réclamée serait frustratoire ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de transmission au Procureur de la République :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X ont saisi les juridictions judiciaires compétentes des faits allégués de faux en écriture publique qui auraient été commis par le maire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat et ont, au demeurant prononcé la relaxe ; que, par suite, et, en tout état de cause, les conclusions susvisées doivent être rejetées comme dépourvues d'objet ;

Sur les conclusions formulées par la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat tendant à ce que la Cour condamne M. et Mme X pour procédure abusive :

Considérant que, par la présente décision, Mme X a partiellement obtenu satisfaction ; qu'ainsi la procédure qu'elle a diligentée ne présente pas le caractère d'une procédure abusive ; que, dès lors, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie qui perd pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamnée à payer à la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice en date du 8 octobre 1998 est annulé.

Article 2 : Les délibérations du conseil municipal de Saint-Jean-Cap-Ferrat en date des 31 mai et 23 novembre 1990 sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nice par M. et Mme X et le surplus de la requête sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions formulées par la commune sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et celles tendant à la condamnation de M. et Mme X pour procédure abusive sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat et au ministre de l'équipement, des transports, du logement du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 26 février 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 18 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

Signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA00093 2


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : MARTY-ETCHEVERRY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 18/03/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99MA00093
Numéro NOR : CETATEXT000007584266 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-18;99ma00093 ?
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