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10/02/2004 | FRANCE | N°99MA00217

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 10 février 2004, 99MA00217


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 février 1999, sous le N° 99MA00217 présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

Classement CNIJ : 19 04 01 02 04

C+

1°/ d'annuler le jugement en date du 22 octobre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a accordé à M. Michel X, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi

que des pénalités y afférentes, qui lui avaient été assignés, au titre des années 198...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 février 1999, sous le N° 99MA00217 présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

Classement CNIJ : 19 04 01 02 04

C+

1°/ d'annuler le jugement en date du 22 octobre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a accordé à M. Michel X, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui avaient été assignés, au titre des années 1988, 1989, et 1990 ;

2°/ de décider que M. Michel X sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, à raison de l'intégralité des droits des pénalités correspondant à une base imposable de 520.760 F en 1988, 270.830 F en 1989, 125.210 F et 152.700 F en 1990 ;

3°/ de remettre à la charge de M. Michel X les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, pour 148.051 F ;

Il soutient :

- que le jugement du Tribunal administratif de Bastia, en soutenant que l'administration s'était livrée à un emport irrégulier de documents comptables, a commis une erreur de droit ;

- qu'en jugeant que le fait d'emporter des relevés de comptes bancaires, qui se sont avérés être des comptes mixtes, sans demande préalable du contribuable, le vérificateur avait commis un emport régulier, le tribunal a confondu les deux procédures de vérification de situation fiscale personnelle, et de vérification de comptabilité, dont avait fait l'objet le contribuable ; que les documents litigieux dont le contribuable alléguait l'emport irrégulier sont des relevés de comptes privés ouverts auprès de la banque méditerranéenne de dépôt, et de la société générale ; que ces relevés bancaires litigieux ont été présentés, par M. Michel X à l'administration fiscale dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, lors de l'entrevue qui s'est déroulée dans les locaux de l'administration, le 21 octobre 1991 ; qu'au cours de cet entretien, le contribuable n'a pas précisé que ces comptes enregistraient également des opérations à caractère professionnel ; que le caractère mixte des comptes a été révélé lors de leur examen, qui a fait apparaître que le contribuable encaissait sur ses comptes personnels des recettes professionnelles non comptabilisées ; que les relevés bancaires litigieux ont été restitués le même jour ; que c'est donc à tort qu'il est fait grief à l'administration fiscale d'avoir pratiqué un emport irrégulier de documents comptables dans le cadre de la vérification de comptabilité ;

- que l'apport volontaire du contribuable de documents bancaires, et leur restitution le même jour ne peuvent être qualifiés d'un emport de documents comptables ; qu'à défaut cela interdirait dans une telle espèce toute vérification de comptabilité ; que la jurisprudence s'est prononcée à plusieurs reprises dans ce sens ; que l'administration fiscale n'a aucun moyen lorsqu'elle examine des documents dans le cadre d'un examen de situation fiscale personnelle, de savoir, a priori, s'ils enregistrent également des opérations professionnelles ; que la position du tribunal administratif reviendrait à interdire de pratiquer plusieurs vérifications dans un tel cas ;

- qu'il y aura lieu pour la Cour d'examiner les autres moyens soulevés par le contribuable dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;

- que, contrairement à ce que soutient le contribuable, un avis de vérification pour l'examen de sa situation fiscale personnelle lui a bien été adressé pour les années 1988, 1989 et 1990 ; la circonstance qu'il n'a pas réclamé cet avis est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

- que le contribuable n'a informé l'administration fiscale de la modification de sa situation personnelle qu'en 1991 ; qu'à la suite de ce renseignement, un avis d'examen séparé lui a été adressé pour la période du 28 mai 1990 au 31 décembre 1991 ; que les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales ont bien été respectées ;

- que le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire manque en fait ; que la vérification ayant débuté dans l'entreprise en présence du contribuable la charge de la preuve incombe ; que les opérations de contrôle ont débuté le 25 septembre 1991, et se sont poursuivies le 22 octobre suivant dans les locaux de l'entreprise, pour se terminer le 19 novembre 1991 ;

- que les impositions sont fondées ;

- que le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions, car il n'a pas répondu dans un délai d'un mois, aux notifications de redressements qui lui ont été adressées, les 7 décembre 1991, 22 et 24 juillet 1992 ; que, par ailleurs, le contribuable a déposé hors délai sa déclaration d'ensemble des revenus de l'année 1989, malgré envoi d'une mise en demeure ;

- que les revenus fonciers sont constitués par des sommes figurant au crédit de comptes bancaires du contribuable, et constituées selon lui par le produit de location de divers biens immobiliers ;

- que les redressements sur bénéfices industriels et commerciaux résultent de la participation du contribuable dans une société de construction vente ;

- que, s'agissant de la vérification de comptabilité, le contribuable est réputé avoir tacitement accepté le redressement, à l'exception de deux sommes de 30.000 F, et 18.400 F, pour lesquelles il a formulé des observations ;

- que, s'agissant des recettes encaissées directement sur ses comptes bancaires personnels, la loi du 30 décembre 1986 n'a pas été appliquée et son chiffre d'affaires n'a pas contrairement à ce qu'il soutient, été reconstitué ; que, par ailleurs, il n'a pas prouvé, comme il le devait, que les sommes réintégrées ne provenaient pas de recettes professionnelles ; que c'est donc à bon droit que ces crédits bancaires litigieux ont été rapportés aux recettes imposables conformément à l'article 93 du code général des impôts ;

- que, s'agissant de l'appartement reçu au cours de l'année 1988, le contribuable n'a jamais prouvé l'acquisition de cet appartement à titre onéreux ; que d'autre part, les déclarations relatives à cet appartement ont été contradictoires ; qu'à aucun moment l'origine de l'acquisition n'a été établie et que le redressement doit donc être maintenu ;

- que les pénalités sont justifiées, et ont été motivées dans les notifications de redressements ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 1999, présenté pour M. Michel X, par Me Yann LAHELLEC, avocat au barreau ;

M. Michel X demande à la Cour de rejeter le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de condamner l'Etat à lui restituer les frais irrépétibles engagés pour sa défense ;

Il soutient :

- que le recours est irrecevable, la Cour administrative d'appel de Marseille n'ayant été saisie que le 6 août 1999 ;

- que le contribuable a été privé de tout débat oral contradictoire ; que trois entrevues ont eu lieu : la première étant une prise de contact au cours de laquelle le dossier n'a pas été abordé ; qu'au cours de la seconde entrevue le vérificateur s'est contenté de se faire remettre les relevés de comptes bancaires ; que la troisième entrevue a eu pour objet d'informer le contribuable du déroulement de la procédure de redressement ; que dans de tels cas, la jurisprudence a considéré que le débat oral contradictoire était insuffisant ; que l'absence de débat est prouvée par la méthode de reconstitution puisque les redressements des revenus professionnels ne sont issus que de l'exploitation des documents remis au vérificateur lors de la mise en oeuvre de la procédure de l'article L.16 ;

- qu'il y a effectivement eu un emport irrégulier de documents comptables, qui, combiné à la demande de justifications, a précisément permis au vérificateur de faire la vérification sans engager de débat ; que l'argument du ministre, suivant lequel M. Michel X aurait caché la nature mixte de ses comptes bancaires est contraire à la réalité, et au surplus inopérant ; qu'en effet, l'exploitation des informations tirées des relevés bancaires emportés constitue le seul fondement de la motivation des redressements en matière de revenus professionnels et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la jurisprudence sanctionne systématiquement cette pratique ;

- que le vérificateur a, contrairement aux principes applicables en matière de vérification de comptabilité, réintégré en bloc toutes les sommes, sans prouver la nature de recettes de chacune d'entre elles, ce qui est prohibé par la jurisprudence ; que la lecture de la notification de redressement permet de prouver que l'ensemble des redressements professionnels et de taxe sur la valeur ajoutée correspond à la réintégration en bloc, dans les recettes, de la totalité des crédits bancaires demeurés injustifiés, à l'issue de la procédure de l'article L.16 ;

- que le tableau produit par l'administration fiscale, permet d'établir que le vérificateur a rectifié les recettes globalement, mais n'a pas été en mesure de prouver la nature de recette professionnelle de chacun des crédits réintégrés ; que la comptabilité du contribuable étant probante, les redressements ne sont pas fondés ; que dès lors, et contrairement à ce que soutient le ministre, le contribuable apporte la preuve du caractère infondé de la reconstitution de recettes opérée ;

- que la demande de justifications a été détournée de son objet, pour reconstituer les recettes professionnelles ; que de plus elle a été abusivement mise en oeuvre dès lors que la distorsion entre les crédits apparaissant sur les comptes bancaires et les revenus n'était pas suffisante, pour poser la question de l'article L.16 ;

Vu, enregistré le 22 mars 2000, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :

- que le recours est, contrairement à ce que soutient le contribuable, recevable le délai d'appel expirant le 26 février 1999, et l'enregistrement de la télécopie ayant eu lieu le 22 février ; que le renvoi d'attribution par le Conseil d'Etat est sans incidence sur la recevabilité de ce recours ;

- que le recours à l'article L.16, au titre des années 1989 et 1990, était possible ; que les sommes retenues par le vérificateur sont celles figurant au crédit des comptes ouverts à la société générale, à la BMD, au compte capital ouvert dans l'entreprise M. X, et au compte Crédit Lyonnais ouvert à son nom ; que les comptes utilisés sont ceux qui ont été présentés par le requérant comme étant des relevés de comptes bancaires privés, et que c'est donc à bon droit que l'administration a comparé les sommes figurant au crédit de ses comptes au bénéfice imposable déclaré et non aux recettes brutes ; que de plus, même si elle avait pu connaître le caractère mixte des comptes BMD et société générale, elle n'était pas en mesure, au moment de la demande de justifications, d'identifier les sommes, figurant sur ces comptes, correspondant à des recettes professionnelles ; que dès lors, la mise en oeuvre de l'article L.16 est régulière ;

- que la demande de frais irrépétibles sera rejetée ;

Vu, enregistré le 4 septembre 2000, le nouveau mémoire présenté pour M. Michel X ; M. Michel X conclut aux mêmes fins que ses précédente écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :

- que le recours à la procédure de l'article L.16 n'était pas possible, dès lors que dès le 13 décembre 1991, le vérificateur savait que les comptes société générale et BMD étaient des comptes mixtes ; qu'il ne pouvait donc pas les comparer aux revenus mais simplement aux recettes ; que le vérificateur pouvait utilement établir une balance de trésorerie ;

- que la demande de justifications a été détournée de son objet, puisqu'elle a servi à taxer les recettes professionnelles, alors que cela est prohibé par les dispositions de l'article L.69 du livre de procédure fiscale, et rappelé par la doctrine administrative et par la jurisprudence du conseil ;

- que la vérification de comptabilité est irrégulière, à défaut de tout débat contradictoire, puisqu'elle a été menée à partir de la demande de justifications, parce qu'elle est viciée par un emport irrégulier de documents comptables, et parce qu' elle a méconnu le principe de la valeur probante de la comptabilité ; que les crédits bancaires demeurés injustifiés à l'issue de la procédure de l'article L.16 ne pouvaient être taxés qu'au titre du revenu global, et non pas dans le cadre de la reconstitution d'un chiffre d'affaires, alors que la comptabilité n'avait pas été rejetée ;

Vu, enregistré le 12 mars 2001, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :

- que, s'agissant de la mise en oeuvre de la demande de justifications, M. Michel X a fait présenter le compte BMD en cause comme un compte personnel ; que par ailleurs la comptabilité présentée dans le cadre des opérations de vérification de comptabilité n'enregistrait pas les opérations figurant au crédit de ce compte ; que le contribuable ne peut donc se prévaloir du caractère professionnel de ce compte qui n'aurait pas permis l'engagement de la procédure de demande de justifications ;

- que ce sont les opérations de vérification et les réponses du contribuable, en cours d'examen de sa situation fiscale, qui ont mis à jour l'existence de recettes professionnelles non comptabilisées et non déclarées au crédit de ce compte ; que, de plus, la notification de redressements de 1991 concerne uniquement les revenus de l'année 1988 ; que pour 1989 et 1990, l'administration n'a eu connaissance du caractère mixte du compte qu'en février 1992 ; que le contribuable met donc en relation des documents d'années différentes ;

Vu, enregistré le 20 novembre 2003, le nouveau mémoire présenté pour M. X ; M. X conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et par les moyens :

- que la demande de justificatifs et d'éclaircissements a été abusivement mise en oeuvre, la vérificatrice connaissant la nature mixte des comptes du contribuable ;

- que l'administration a contrairement à ce qu'elle soutient procédé à une reconstitution à partir des seules réponses posées à la question L.16 ; que toutes les sommes non justifiées par la procédure L.16 ont été réintégrées dans le BNC ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance fixant au 4 décembre 2003, la clôture de l'instruction de l'instance ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2004 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que M. Michel X, qui exerçait au cours des années en litige la profession d'architecte, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 1988, 1989 et 1990 ; que par ailleurs, il a fait l'objet, avec son épouse, d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, portant sur la période du 1er janvier 1988 au 28 mai 1990, date de leur divorce ; que l'examen de situation fiscale personnelle s'est poursuivi à l'encontre de M. X, pour la période du 29 mai au 31 décembre 1990 ; que par jugement en date du 22 octobre 1998, le Tribunal administratif de Bastia a accordé à M. X la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, résultant de la vérification de comptabilité dont il avait fait l'objet, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête du contribuable ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il a accordé au contribuable la décharge des redressements résultant de la vérification de comptabilité ; que M. X présente des conclusions incidentes tendant à la décharge des redressements issus de l'examen de situation fiscale personnelle ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article R.*200-18 du livre des procédures fiscales : A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. ;

Considérant que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 22 février 1999, dans le délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que par suite la fin de non recevoir invoquée par M. Michel X ne saurait être admise ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, des deux premiers alinéas de l'article L.47 du LPF : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. - Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; que les agents de l'administration des impôts auxquels l'article L.13 du même livre impose de vérifier sur place la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables, ne peuvent procéder au contrôle de ces documents dans les locaux du service que sur demande expresse et formulée par écrit du contribuable concerné ;

Considérant que l'administration, qui est en droit, à l'occasion de la vérification de situation fiscale d'ensemble d'un contribuable, de demander à celui-ci de lui remettre les relevés de ses comptes et de prendre connaissance de ces derniers, y compris lorsqu'il apparaît qu'ils retracent à la fois des opérations privées et des opérations professionnelles et présentent ainsi, en partie, le caractère de documents comptables, n'est tenue de respecter les garanties dont les vérifications de comptabilité sont assorties par la loi, et notamment par les dispositions précitées des articles L.13 et L.47 du LPF, que dans le cas et à partir du moment où elle décide d'utiliser les données recueillies au cours de l'examen de ces comptes mixtes pour contrôler et, le cas échéant, pour redresser les bénéfices retirés par leur titulaire de son activité professionnelle ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que M. Michel X a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle, pour la période du 1er janvier 1988 au 28 mai 1990, puis pour la période du 29 mai 1990 au 31 décembre 1990, et que l'administration fiscale a, parallèlement, engagé une vérification de comptabilité de son activité d'architecte, au titre de ces trois années ; que le contribuable soutient que la vérificatrice aurait emporté des documents comptables au cours de la vérification de comptabilité alors que l'administration soutient que les documents litigieux lui auraient été remis dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation établie par le vérificateur le 21 octobre 1991 et contresignée par l'expert comptable du contribuable, qu'à cette date des documents comptables relatifs à deux comptes BMD et Société Générale ont été reçus par l'administration fiscale et rendus le même jour au contribuable ; que le lendemain, 22 octobre 1991, les opérations de vérification de comptabilité se sont poursuivies au sein de l'entreprise ; qu'il résulte de la description des faits telle que relatée ci dessus que les documents dont fait état M. X ont été remis spontanément par celui-ci dans le cadre de son examen de situation fiscale personnelle et n'ont pas été exploités dans le cadre de la vérification de comptabilité ; que la circonstance qu'à l'occasion de l'examen de situation fiscale personnelle du contribuable l'administration ait constaté que les comptes bancaires personnels de celui-ci retraçaient à la fois des opérations privées et des opérations professionnelles ne suffisent pas à établir que le vérificateur aurait procédé à un emport de documents comptables, de nature à vicier la vérification de comptabilité engagée ; que dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Bastia a considéré que le vérificateur avait emporté des documents comptables de l'entreprise et qu'il y a lieu de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia sur ce point ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l' appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Michel X devant le Tribunal administratif de Bastia ;

S'agissant de la régularité de la procédure de vérification de comptabilité :

Considérant en premier lieu que M. Michel X soutient qu'il aurait été privé des garanties afférentes au débat oral et contradictoire, dans l'entreprise, la vérificatrice s'étant contentée de taxer, en qualité de bénéfices non commerciaux, les revenus n'ayant pas été justifiés à l'issue de la demande de justification, formulée dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle ; que la vérification de comptabilité s'étant déroulée dans l'entreprise, il appartient au contribuable d'établir que la vérificatrice se serait opposée à tout dialogue ; qu'il résulte de l'instruction que la vérificatrice a été présente dans l'entreprise le 25 septembre 1991, date du début de la vérification, à laquelle elle a rencontré l'expert-comptable de M. Michel X, puis le 22 octobre 1991, et enfin le 19 novembre 1991 ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle se serait opposée à tout échange de vues, le contribuable n'établit pas avoir été privé des garanties attachées à l'existence d'un dialogue contradictoire ; qu'il en résulte que ce moyen ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que si M. X fait valoir que le vérificateur ne pouvait réintégrer à ses recettes le montant de sommes figurant sur ses comptes bancaires mixtes sans auparavant rejeter la comptabilité, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de rejeter la comptabilité d'un contribuable avant de réintégrer des recettes omises dans le cadre d'une vérification de comptabilité ; qu'un tel moyen doit donc être écarté ;

S'agissant de la régularité de la procédure de vérification de situation fiscale personnelle :

Considérant, en premier lieu, que si M. X fait valoir que l'examen de sa situation fiscale personnelle pour les années 1988 et 1989 et les quatre premiers mois de l'année 1990 aurait été irrégulier, aucun avis de vérification ne lui ayant été adressé, un tel moyen manque en fait, l'avis de vérification lui ayant été adressé une première fois le 20 août 1991, et étant revenu revêtu de la mention Non réclamé retour à l'envoyeur - absent avisé le 5 août 1991 , puis une copie lui ayant été adressée une seconde fois le 30 août 1991, courrier dont le contribuable a accusé réception le 4 septembre 1991 ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L.16 du LPF : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ... ;

Considérant que M. Michel X soutient que les conditions de mise en oeuvre de l'article L.16 du livre de procédure fiscale n'étaient pas remplies, le vérificateur ayant comparé les crédits figurant sur des comptes bancaires mixtes, avec son revenu déclaré, et non pas avec le montant des recettes ; qu'en tout état de cause un tel moyen est inopérant pour les revenus de l'année 1990, pour lesquels M. X se trouvait en situation de taxation d'office pour défaut de déclaration de ses revenus malgré une mise en demeure du 6 juillet 1990 ; qu'ainsi le moyen ne pourrait avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'imposition que pour l'année 1989 ;

Considérant qu'après avoir relevé à l'occasion de la vérification de situation fiscale personnelle de M. Michel X que les comptes bancaires du contribuable retraçaient des sommes beaucoup plus importantes que les revenus déclarés par lui, l'administration fiscale a, le 17 janvier 1992, adressé des demandes d'information à M. X sur l'origine de certains crédits bancaires ; que si les demandes formulées le 17 janvier 1992, portaient comme termes de comparaison les crédits figurant sur des comptes bancaires mixtes, avec les revenus bruts déclarés et non pas avec les recettes brutes issues de l'activité professionnelle, il ne résulte nullement de l'instruction, contrairement à ce que soutient le contribuable, que l'administration fiscale connaissait, au 17 janvier 1992, le caractère mixte de ses comptes bancaires ; qu'en effet la notification de redressements dont fait état M. Michel X, et qui mentionne le caractère mixte du seul compte bancaire n° 3502173 D dont M. X était titulaire à la Banque Méditerranéenne de Dépôts est relative à la seule année 1988, et ne mentionne nullement le caractère mixte du compte ouvert par le contribuable à la Société Générale ; que dans ces conditions, l'administration est fondée à soutenir que ce n'est qu'à la suite de la réponse aux observations formulées par le contribuable à ses demandes du 17 janvier 1992, qu'elle a pris connaissance du caractère mixte de plusieurs de ses comptes bancaires ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les conditions de mise en oeuvre de l'article L.16 du livre des procédures fiscales n'ont pas été, contrairement à ce que soutient M. X, méconnues ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède et de la chronologie des faits telle qu'elle a été précisée ci dessus que la vérificatrice n'a pas détourné la procédure prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales de son objet ;

Sur le bien fondé des redressements :

S'agissant du bien fondé des redressements opérés dans le cadre de la vérification de comptabilité :

Considérant qu'ont été réintégrées dans le cadre de la vérification de la comptabilité de l'activité d'architecte de M. X, des sommes considérées comme des honoraires encaissés directement sur ses comptes bancaires, ainsi que la valeur (240.000 F) d'un studio reçu le 24 novembre 1988, en paiement d'actes professionnels exécutés pour la société civile professionnelle Terra Nostra ;

Sur le principe des redressements opérés par la vérificatrice :

Considérant que M. X soutient qu'il appartenait à la vérificatrice d'établir le caractère professionnel de chacune des sommes réintégrées dans ses bénéfices non commerciaux ; qu'il résulte de l'instruction et des notifications de redressement, que la vérificatrice a établi une relation entre des sommes figurant sur les comptes bancaires personnels de M. X, les notes d'honoraires et les factures et les courriers adressés à ses clients ; qu'en procédant de la sorte, elle ne s'est pas limitée à réintégrer les sommes figurant sur les comptes bancaires de M. X, mais les a rapprochées de son activité professionnelle ; qu'il appartenait donc au contribuable et en réponse aux notifications de redressement qui lui ont été adressées de contester ces rattachements, ce qu'il n'a pas fait à l'exception des deux sommes contestées dans la réponse adressée le 23 janvier 1992 ; qu'il en résulte que le moyen invoqué par lui et tiré de l'irrégularité des réintégrations opérées, ne peut qu'être rejeté ;

Sur la charge de la preuve :

Considérant que le contribuable s'est borné à contester, dans la réponse adressée par le 23 janvier 1992, à la notification de redressement du 13 décembre 1991, les réintégrations issues de ses comptes bancaires pour des sommes de 30.000 F le 8 septembre 1988, et 18.400 F le 1er décembre 1988 ; que, par ailleurs, il n'a pas répondu dans le délai légal d'un mois qui lui était imparti à la notification de redressement du 22 juillet 1992 relative aux années 1989 et 1990 ; qu'il supporte donc, à l'exception des sommes de 30.000 F, 18.400 F et par application des dispositions de l'article R.*194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale ; que le redressement de 18.400 F n'est pas contesté par M. X ;

S'agissant des sommes de 30.000 F et 240.000 F réintégrées au titre de l'exercice clos en 1988 :

Considérant d'une part que si M. X a précisé, en réponse à la notification de redressement du 13 décembre 1991, que la somme de 30.000 F, créditée sur son compte le 8 septembre 1988, provenait de la vente d'un meuble, le seul document fourni par l'intéressé à l'appui de ses affirmations, est constitué par une attestation rédigée par lui même ; qu'en l'absence de tout autre pièce, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère imposable de cette somme ;

Considérant d'autre part que pour contester la réintégration dans ses revenus imposables d'une somme de 240.000 F correspondant au prix d'un studio situé à Santa Lucia du Mariani, reçu le 24 novembre 1988 en paiement d'honoraires versés par la SCP Terra nostra, M. X qui supporte sur ce point la charge de la preuve dès lors qu'il n'a pas remis en cause le principe de ce redressement dans ses observations à la notification de redressements en date du 13 décembre 1991, soutient que le bien immobilier aurait été acquis par lui auprès de M. Pierre Y, suivant acte authentique passé le 24 novembre 1988 ; que toutefois, la pièce produite par le contribuable, qui fait état d'un prix payé avant l'acte et hors de la vue du notaire et qui fait état des liens existant entre M. Y et la SCP Terra nostra, ne contredit pas les termes de la lettre en date du 23 janvier 1992, en réponse à la notification de redressements du 13 décembre 1991 et l'attestation jointe de M. Z, associé de la SCP Terra nostra faisant état de ce que le studio a été reçu en compensation à titre d'honoraires ; que par suite l'argumentation de M. X sur ce point ne peut qu'être rejetée ;

S'agissant des autres sommes rattachées aux BNC des années 1988 à 1990 :

Considérant que s'agissant des autres sommes rattachées à l'activité professionnelle du contribuable, celui-ci n'établit nullement le caractère non professionnel des sommes ainsi taxées ; que c'est donc à bon droit que celles-ci ont été réintégrées dans ses recettes imposables ;

Sur les pénalités appliquées :

Considérant que l'administration a, contrairement à ce que soutient M. X suffisamment motivé les pénalités de mauvaise foi appliquées aux seules recettes professionnelles du contribuable en faisant état de l'appréhension régulière et délibérée de la trésorerie de l'entreprise sur les comptes personnels et de l'entrée directe dans le patrimoine privé d'un bien immobilier reçu en paiement de prestations professionnelles ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X ce qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : M. X est rétabli aux rôles d'impôt sur le revenu des années 1988, 1989 et 1990 à raison des impositions dont il avait été déchargé par le tribunal administratif.

Article 2 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à M. X au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, et les pénalités y afférentes dont il avait été déchargé par le tribunal administratif seront remis à sa charge.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. X sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 27 janvier 2004, où siégeaient :

M. DUCHON-DORIS, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative,

M. DUBOIS et Mme PAIX, premiers conseillers,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 10 février 2004.

Le président assesseur, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Christophe DUCHON-DORIS Evelyne PAIX

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

15

N° 99MA00217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00217
Date de la décision : 10/02/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : LAHELLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-02-10;99ma00217 ?
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