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30/09/2003 | FRANCE | N°99MA00446

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 30 septembre 2003, 99MA00446


Vu, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 mars 1999, sous le numéro 99MA00446, la requête, et le 9 juillet 1999, le mémoire ampliatif présentés pour l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES, dont le siège social est ..., représenté par son directeur en exercice, par la SCP d'avocats DEFRENOIS et LEVIS ;

L'office DES MIGRATIONS INTERNATIONALES demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 22 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé l'état exécutoire émis le 20 décembre 1993 à l'encontre de

la S.A.R.L SOGECOM ;

Classement CNIJ : 335-06-02-03

C+

2°/ de rejeter la ...

Vu, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 mars 1999, sous le numéro 99MA00446, la requête, et le 9 juillet 1999, le mémoire ampliatif présentés pour l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES, dont le siège social est ..., représenté par son directeur en exercice, par la SCP d'avocats DEFRENOIS et LEVIS ;

L'office DES MIGRATIONS INTERNATIONALES demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 22 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé l'état exécutoire émis le 20 décembre 1993 à l'encontre de la S.A.R.L SOGECOM ;

Classement CNIJ : 335-06-02-03

C+

2°/ de rejeter la demande de la société et de la condamner à lui verser 15.000 F (quinze mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

L'Office soutient :

- que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne vise ni n'analyse les moyens des parties ;

- qu'en outre le tribunal administratif a soulevé à tort un moyen qui ne pouvait être regardé comme d'ordre public sans le justifier et de contradiction de motifs puisqu'il a en même temps affirmé que ce moyen était soulevé ;

- qu'enfin il a violé les droits de la défense en ne lui laissant qu'un délai de 3 jours pour y répondre et en ne donnant pas suffisamment de précisions sur ce moyen ;

- que, sur le bien-fondé, le jugement est en taché d'erreur de droit pour avoir considéré que le moyen tiré de la prescription triennale était d'ordre public ;

- que la contribution spéciale instituée par l'article L.341-7 du code du travail ne méconnaît pas l'article 6 susvisé ;

- qu'en effet, d'une part cet article ne s'applique qu'aux procédures contentieuses et que d'autre part la contribution spéciale ne constitue pas une sanction pénale mais une simple contribution financière et au maximum une sanction administrative qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la CEDH ;

- que, en tout état de cause, l'article 6 n'inclut pas le droit à bénéficier d'une prescription qui ne soit pas trentenaire ;

- que cette prescription trentenaire existe, par l'effet des dispositions combinées de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1953 et de l'article 341-34 du code du travail ;

- que, sur la réalité de l'infraction, le procès-verbal établi le 24 juillet 1986 constate que la SOGECOM a effectivement employé des personnes étrangères dépourvues de titre de séjour et que ces constatations font foi jusqu'à preuve du contraire ;

- que l'infraction est constituée du seul fait de cet emploi, et nonobstant la bonne foi de l'employeur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 30 juillet 1999, le mémoire en défense présenté pour la société SOGECOM, prise en la personne de son représentant légal en exercice, par Me X..., avocat ;

La société conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES à lui verser 15.000 F (quinze mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La société fait valoir :

- que, sur la prescription, la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail présente bien le caractère d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la CEDH ;

- que cette prescription ne peut être la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil mais celle de trois ans de l'article 8 du code pénal ;

- que, sur l'infraction elle-même, aucun élément intentionnel ne peut être relevé et qu'elle a été victime d'un renseignement erroné de l'administration du travail ;

Vu, enregistré le 2 novembre 1999, le mémoire complémentaire par lequel la société SOGECOM fait valoir que par un arrêt de section du 28 juillet 1999, GIE MUMM-PERRIER-JOUET, le Conseil d'Etat a jugé que la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail entre dans le champ d'application de l'article 8 de la CEDH ;

Vu, enregistré le 16 décembre 1999, le mémoire en réplique présenté pour l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES qui tend aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

L'Office soutient en outre :

- que si le Conseil d'Etat a reconnu que la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail entre dans le champ d'application de l'article 8 de la CEDH, il a rejeté le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité et l'arrêt montre que le contrôle effectué sur le fondement de l'article 6 ne peut l'être que dans le cadre de la procédure contentieuse et non de la procédure administrative ;

- que les règles de la prescription relèvent du fond du droit et non du déroulement du procès ;

- que le délai de prescription triennale n'a aucune vocation systématique à s'appliquer ;

- que la circonstance qu'elle aurait été victime d'un renseignement erroné de l'administration est sans influence sur le bien-fondé de la contribution ;

Vu, enregistré le 9 mai 2000, le mémoire complémentaire en réplique présenté pour l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES qui tend aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

L'Office soutient en outre que par trois jugements en date du 19 octobre 1999, le Tribunal administratif de Nice est revenu sur l'application de la prescription triennale en matière de contribution spéciale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre(date d'audience) 2003 :

- le rapport de Mme LORANT, présidente assesseur ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

- Sur la régularité du jugement :

Considérant que le jugement attaqué produit par l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES ne vise ni n'analyse les moyens des parties ; que le Tribunal administratif de Nice n'en a pas produit la minute ; que par suite ledit jugement doit être regardé comme ne répondant pas aux prescriptions de l'article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur ; que par suite le jugement susvisé est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL SOGECOM devant le tribunal administratif de Nice ;

- Sur le bien-fondé de la demande :

En ce qui concerne la prescription :

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L.341-6 du code du travail, nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'aux termes de l'article L.341-7 dudit code : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, premier alinéa, sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.141-8. Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application du présent article ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...)équitablement (...) par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ;

Considérant que la contribution spéciale instituée par l'article L.341-7 du code du travail, qui présente le caractère d'une sanction tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et n'a pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, appartient à la matière pénale au sens des stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même que le législateur a laissé le soin de l'établir et de la prononcer à l'autorité administrative ; que, par suite, les principes énoncés par lesdites stipulations lui sont applicables ;

Considérant cependant que si, selon les dispositions combinées des articles L.364-3 du code du travail et des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, le délit que constitue sur le plan pénal l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre de travail est effectivement prescrit à défaut d'acte d'instruction ou de poursuite à l'issue d'un délai de trois ans, la contribution spéciale qui, aux termes des articles L.341-6, 1er alinéa et L.341-7 du code du travail, sanctionne les mêmes agissements, est pour sa part indépendante de toute poursuite pénale et reste constitutive d'une amende en matière administrative dont il résulte des dispositions combinées de l'article 8 de la loi susvisée du 31 décembre 1953 et de l'article R.341-34 du code du travail que la prescription trentenaire de droit commun de l'article 2262 du code civil s'applique à elle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce qu'à la date de notification du titre exécutoire, le 27 décembre 1993, soit plus de trois ans après la constatation de l'infraction, la contribution spéciale aurait été prescrite manque en droit et en fait ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la contribution :

Considérant que le contrôle effectué le 24 juillet 1986 dans les locaux des établissements Palais bavarois et Palais oriental exploités par la société SOGECOM a permis de constater que la société SOGECOM employait 6 ressortissants étrangers démunis de titre de travail et a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal ; que l'infraction aux dispositions de l'article L.341-6 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; que par suite l'absence d'élément intentionnel est sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur qui a contrevenu auxdites dispositions ; que la circonstance que la société aurait été induite en erreur par les renseignements que lui aurait donnés l'administration du travail, si elle était éventuellement de nature à engager la responsabilité de l'Etat, est également sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SOGECOM n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire émis le 20 décembre 1993 à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la société SOGECOM étant la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées de ce chef ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 22 décembre 1998 est annulé.

Article 2 : La demande de la société SOGECOM devant le Tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOGECOM, à l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Délibéré à l'issue de l'audience du 16 septembre(date d'audience) 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

assistés de Mlle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 30 septembre(date de lecture) 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Nicole LORANT

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA00446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00446
Date de la décision : 30/09/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme LORANT
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : DEFRENOIS-LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-09-30;99ma00446 ?
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