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24/06/2003 | FRANCE | N°02MA01715

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 24 juin 2003, 02MA01715


Vu la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 août 2002, sous le n° 02MA01715, présentés pour la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE, dont le siège social est 29, rue Emriau à Paris (75015), représentée par le directeur de la région Sud-Est, domicilié 7-9, rue du 35ème Régiment d'Aviation, ZAC du Chêne à Bron (69500), par la SCP PERIE - DAMIANI - BIDAULT - IMBERT, société d'avocats ;

La SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 19 juin 2002 par lequel

le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. Michel Y, annulé l...

Vu la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 août 2002, sous le n° 02MA01715, présentés pour la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE, dont le siège social est 29, rue Emriau à Paris (75015), représentée par le directeur de la région Sud-Est, domicilié 7-9, rue du 35ème Régiment d'Aviation, ZAC du Chêne à Bron (69500), par la SCP PERIE - DAMIANI - BIDAULT - IMBERT, société d'avocats ;

La SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 19 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. Michel Y, annulé la décision en date du 15 janvier 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité annulant la décision de l'inspecteur du travail de Marseille de refuser l'autorisation de transfert de six salariés protégés à la Société Marine Consulting ;

Classement CNIJ : 66-075

C+

2°/ de déclarer légale ladite décision du 15 janvier 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité ;

3°/ d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;

Elle soutient :

- que la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE a décidé en 1998 de céder ses activités d'installation à faible valeur ajoutée, à la Société Marine Consulting ;

- que l'autorisation de transfert a été sollicitée auprès de l'inspecteur du travail ;

- que l'inspecteur du travail intervenant en remplacement de Mme Z n'a entendu que trois salariés protégés sur six, et a refusé au bout de près de deux mois l'autorisation sollicitée ;

- que sur recours hiérarchique le ministre a accordé cette autorisation ;

- que la notification par télécopie n'étant pas un mode de saisine régulier, la demande de M. Y devant le tribunal administratif était tardive et donc irrecevable ;

- que la décision de l'inspecteur du travail était illégale ;

- que l'autorisation de transfert d'un salarié protégé ne peut être refusée qu'en raison du caractère discriminatoire de cette mesure ;

- que le juge administratif n'a pas compétence pour statuer sur l'existence ou non d'une entité économique autonome et il ne peut en vérifier l'existence qu'après un renvoi devant le juge judiciaire ;

- que le tribunal administratif a donc outrepassé ses pouvoirs, en considérant qu'il n'y avait pas entité économique autonome ;

- que le ministre a conclu sans équivoque à l'existence d'une entité économique autonome et à celle d'une cession d'activité, enfin à l'appartenance des intéressés aux entités économiques cédées ;

- que la cession de l'activité autonome s'est accompagnée de la cession d'éléments d'actifs ;

- que les possibilités d'emploi ont persisté ;

- que seul l'inspecteur du travail de Marseille a refusé ce transfert ;

- que le jugement du 17 décembre 2001 du Tribunal de commerce de Paris renforce le constat selon lequel la cession porte sur une entité économique autonome entrant dans le champ d'application de l'article L.122-12, alinéa 2 du code du travail ;

- que les moyens présentés en première instance par M. Y ne peuvent prospérer, la décision du ministre étant motivée et pouvant légalement être collective et la circonstance que la demande de transfert ait été présentée le 29 juin 1998 n'ayant pas exercé d'influence sur l'issue de la procédure ou privé les salariés d'une garantie ;

- qu'il n'y a pas eu de discrimination ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2003, présenté par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;

Il soutient :

- que la réorganisation d'ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE a été présentée le 9 mars 1998 au comité d'établissement ;

- que les requêtes présentées par MM. LORDA, CORSO, Y et Mmes GAY et GONNET devant le tribunal administratif étaient tardives, seul le recours de M. MANFREDI étant recevable ;

- que la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE a cédé un ensemble organisé, dont on peut caractériser les métiers et qui permet l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2003, présenté pour M. Michel Y, qui conclut au rejet de la requête, et, en outre, à la condamnation de la Société Nextira One à lui verser une somme de 1.600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause ;

- que le contrat de sous traitance interdisait à la Société Marine de développer sa clientèle ;

- que les produits consommables, les véhicules, les locaux, n'ont pas été transférés ;

- qu'aucune somme n'a été réglée par Marine Consulting en contrepartie du transfert :

- que les requêtes de première instance étaient recevables ;

- que la décision du ministre du 15 janvier 1999 n'était pas motivée en fait ;

- que la demande de la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE était tardive ;

- que la ministre, s'estimant, contrairement à l'inspecteur du travail, valablement saisie, aurait du procéder à l'entretien individuel ;

- que les activités économiques cédées ne constituaient pas une entité économique autonome ;

- que la cession d'activité n'était pas réelle ;

- que la ministre n'a pas recherché si le transfert du contrat de travail n'était pas lié à l'exercice du mandat, le rattachement aux activités cédées ayant été fait de manière à inclure dans les salariés transférés, les salariés protégés ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 juin 2003, présenté pour la Société Nextira One, venant aux droits de la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE ; la Société Nextira One persiste dans les conclusions de la requête ;

Elle soutient en outre que la cour de cassation a considéré que les conditions d'application de l'article L.122-12 alinéa du code du travail étaient réunies ;

Vu les mémoires, enregistrés les 4 et 5 juin 2003, présentés pour M. Y, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2003 :

- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;

- les observations de Me IMBERT de la SCP PERIE - DAMIANI - BIDAULT - IMBERT, société d'avocats, pour la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE ;

- les observations de Me COHEN SEAT pour M. Michel Y ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que, si aux termes de l'article R.96 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur : La requête introductive d'instance devant le tribunal administratif doit être déposée au greffe, sauf disposition contraire contenue dans un texte spécial., ces dispositions n'ont pas par elle-mêmes pour effet, contrairement à ce que soutiennent la société requérante et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, d'interdire l'envoi d'une requête par télécopie ;

Considérant qu'il est constant que la télécopie de la demande formée par M. Y contre la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité qui lui a été notifiée le 1er février 1999 a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le lundi 29 mars 1999 ; qu'ainsi, et alors même que l'exemplaire original de cette demande, qui était nécessaire à sa régularisation n'a été enregistré que le 6 avril 1999, soit après l'expiration du délai de deux mois de recours contentieux, cette demande était recevable ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.122-12 du code du travail : S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ; et qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L.425-1 du même code : Lorsqu'un délégué du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application du deuxième alinéa de l'article L.122-12, le transfert de ce salarié doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ; qu'en vertu des articles L.236-11 et L.436-1, les mêmes règles sont applicables aux membres du comité d'entreprise et aux représentants syndicaux dans les comités d'entreprise et les comités d'hygiène et de sécurité ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles R.436-4, R.436-6 et R.436-9 du même code, le ministre, saisi d'un recours formé par l'employeur ou le salarié concerné dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur du travail, peut annuler ou réformer cette décision ;

Considérant que la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE, alors organisée en sociétés régionales, a décidé, au début de l'année 1998, la restructuration de ses services en agences spécialisées selon la nature des travaux et les circonscriptions géographiques ; que cette société et la société Marine Consulting sont convenues en juin 1998 de transférer à cette dernière entreprise, à compter du 1er juillet 1998, les agences grande diffusion et moyens systèmes de Marseille et de Nice, et l'agence travaux d'intervention rapide, chargées de certaines des activités exercées jusque là par la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE sud-est, la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE conservant les agences grande diffusion et moyens systèmes Corse, grands systèmes, réseaux données multiservices formation et divers services communs ; que la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE a sollicité le 29 juin 1998 de l'inspecteur du travail l'autorisation de transférer six salariés protégés, dont M. Y, concernés par l'opération ; que l'inspecteur du travail, par décision du 24 août 1998, n'a pas donné suite à cette demande d'autorisation, au motif que le deuxième alinéa de l'article L.122-12 du code du travail n'était pas applicable en l'espèce ; que, sur recours de l'employeur, le ministre de l'emploi et de la solidarité a, par décision du 15 janvier 1999, annulé cette décision de l'inspecteur du travail et autorisé le transfert des six salariés protégés concernés vers la Société Marine Consulting ; que, par le jugement en date du 19 juin 2002 dont la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE fait appel, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ladite décision ministérielle du 15 janvier 1999 ;

Considérant, en premier lieu, que, s'il résulte des dispositions précitées du code du travail que l'autorisation de transfert d'un salarié protégé ne peut être légalement refusée par l'autorité administrative que pour un motif tiré du caractère discriminatoire de la mesure de transfert concernant ce salarié, il appartient toutefois à l'administration, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'opération pour laquelle cette demande est faite constitue bien un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement au sens des dispositions précitées de l'article L.425-1 du code du travail ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L.425-1 du code du travail sont applicables en cas de cession d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels formant une unité économique conservant son identité et poursuivant un objectif propre, et dont l'activité est continuée ou reprise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les activités cédées, d'ailleurs sans contrepartie au 1er juillet 1998, à la Société Marine Consulting, n'avaient pas d'implantation géographique déterminée et, jusqu'à la réorganisation menée simultanément avec la recherche des modalités de cession des activités à faible valeur ajoutée, étaient groupées avec les autres activités dans la société régionale ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE Sud-Est ; que certains salariés concernés avaient des activités polyvalentes, dont beaucoup n'ont pas été cédées ; que, surtout, la formation du personnel et, plus encore, le domaine commercial restaient de la compétence exclusive de la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE, qui facturait aux clients les prestations exécutées, en vertu d'un contrat de sous-traitance, par la Société Marine Consulting ; qu'il s'agissait ainsi de la cession d'activités techniques distinctes, exécutées auparavant par la même entreprise, à un prestataire de services, par un seul contrat de sous-traitance, et non de la cession d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels conservant son identité et poursuivant un but propre ; que, par suite, et ainsi d'ailleurs que l'avait soutenu la Société Marine Consulting devant un tribunal d'instance de l'ordre judiciaire dans un litige distinct, relatif à la contestation, par l'entreprise sous-traitante, de la désignation de deux autres délégués syndicaux, les dispositions d'ordre public de l'article L.122-12 du code du travail ne s'appliquaient pas à la cession, par la société requérante, d'une fraction de ses activités à la Société Marine Consulting ; que la circonstance que, par arrêt du 31 janvier 2001, la Cour de cassation ait rejeté le pourvoi formé contre le jugement du tribunal d'instance, en écartant le moyen tiré de ce que l'article L.132-8 du code du travail, qui n'est pas en cause ici, n'était pas applicable, est sans influence à cet égard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 15 janvier 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

Considérant que l'intervention de la présente décision rend sans objet les conclusions susmentionnées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Nextira One à verser à M. Y la somme de 1.600 euros qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du 19 juin 2002 susvisé présentées par la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ALCATEL RESEAUX D'ENTREPRISE est rejeté.

Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de M. Y tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Nextira One, à M. Y et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Délibéré à l'issue de l'audience du 10 juin 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

M. ZIMMERMANN, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 24 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Franck ZIMMERMANN

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 02MA01715

9

N° MA


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01715
Date de la décision : 24/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: M. ZIMMERMANN
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : PERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-24;02ma01715 ?
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