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11/10/2001 | FRANCE | N°98MA00185

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3e chambre, 11 octobre 2001, 98MA00185


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 février 1998 sous le n° 98MA00185, présentée pour la SARL PENINSULIEGE, représentée par son gérant, et dont le siège est ..., par Me X..., avocat ;
La SARL PENINSULIEGE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 27 novembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations complémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1988, et des pénalités y afférentes ;> 2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;
3°/ de condamner l'Et...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 février 1998 sous le n° 98MA00185, présentée pour la SARL PENINSULIEGE, représentée par son gérant, et dont le siège est ..., par Me X..., avocat ;
La SARL PENINSULIEGE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 27 novembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations complémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1988, et des pénalités y afférentes ;
2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°/ d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué et à l'exécution des articles des rôles litigieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2001 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie ..." ;
Considérant que l'annulation par le juge judiciaire d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale, en application des dispositions précitées de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, interdit à l'administration d'opposer à cette personne morale les informations qu'elle a recueillies à cette occasion et affecte la régularité de la décision d'imposition de l'intéressée, dans la mesure où celle-ci procède de l'exploitation des informations ainsi recueillies ; qu'en revanche, l'opération de visite et de saisie, conduite à l'égard d'un contribuable, est distincte de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'un autre contribuable, alors même que l'administration se fonderait sur des faits révélés par cette opération pour établir l'imposition de ce dernier ; qu'il s'ensuit que l'annulation d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale, si elle interdit désormais à l'administration d'opposer à celle-ci les informations recueillies à cette occasion, ne fait pas obstacle à ce que l'administration, dans une procédure distincte concernant un autre contribuable, se fonde sur les faits révélés par l'opération annulée pour établir l'imposition de ce dernier ; qu'il n'en va toutefois autrement que lorsqu'il ressort de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge par l'administration que celle-ci cherche à obtenir, par la visite et la saisie, même si ces opérations ne visent pas des lieux dont le contribuable a personnellement la disposition, des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de l'intéressé pour éluder l'impôt ;

Considérant que pour contester les cotisations complémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1988, la SARL PENINSULIEGE invoque l'irrégularité de la procédure d'imposition au motif que l'administration a utilisé des documents saisis dans le cadre de la procédure prévue à l'article L.16 B du livre des procédures fiscales mise en oeuvre à l'encontre de la SARL MAISON PAIROT ; qu'en admettant même que l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 8 décembre 1992, annulant sans renvoi l'ordonnance par laquelle le président du Tribunal de Grande instance de Perpignan avait rejeté la demande de la SARL MAISON PAIROT contestant la régularité des opérations de visite et de saisie, ait pour effet de rendre nulles lesdites opérations, il ne ressort pas de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge par l'administration que celle-ci aurait cherché à obtenir, par la visite des locaux professionnels de la SARL MAISON PAIROT et du domicile de ses dirigeants, des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de la SARL PENINSULIEGE pour éluder l'impôt ; que, dès lors, et alors même que l'administration fiscale a fondé les impositions litigieuses sur des éléments provenant de documents saisis au cours de cette procédure, celle-ci est distincte de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la SARL PENINSULIEGE ; que, par suite, l'éventuelle nullité de cette opération ne peut être utilement invoquée par la SARL PENINSULIEGE ;
Sur le bien fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant que, si la détermination du fardeau de la preuve est, pour l'ensemble des contribuables soumis à l'impôt, tributaire de la procédure d'imposition suivie à leur égard, elle n'en découle pas moins, à titre principal, dans le cas des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes contestés par l'administration ;
Considérant, en particulier, que si l'acte contesté s'est traduit en comptabilité par une écriture portant soit sur des créances de tiers, des amortissements ou des provisions lesquels doivent, en vertu de l'article 38 du code général des impôts, être retranchés des valeurs d'actif pour obtenir le bénéfice net, soit sur les charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du même code et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du code, il appartient dans tous les cas au contribuable de justifier dans son principe et dans son montant de l'exactitude de l'écriture dont il s'agit quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
Considérant qu'en l'espèce les écritures litigieuses ayant eu pour effet de diminuer l'actif net par une diminution de la valeur du stock résultant de l'inventaire au 31 décembre 1988, la charge de prouver leur bien-fondé appartient dans tous les cas à l'entreprise ;
En ce qui concerne la dépréciation du stock au 31 décembre 1988 :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur et applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables" et qu'aux termes de l'article 38 du même code : "3 ... Les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient." ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la clôture de l'exercice, un cours inférieur au prix de revient, elle est en droit, à concurrence de l'écart constaté, de constituer une provision pour dépréciation ou éventuellement, à cette même fin, d'appliquer au prix de revient un abattement ; que, toutefois, cette provision ou cet abattement ne peuvent être admis que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;
Considérant que, pour justifier le montant de la réduction qu'elle a pratiquée sur le prix de revient de son stock, la SARL PENINSULIEGE produit un état des éléments de l'inventaire qui, selon elle, étaient détériorés ou dont le calibrage était périmé ; que ce document, qui reprend certains des produits figurant à l'inventaire dressé à la fin de l'exercice 1988, a été produit pour la première fois en appel et ne suffit pas à établir que les produits qu'il énumère seraient dépourvus de toute valeur, ni que de tels produits auraient été effectivement stockés avec l'ensemble des autres marchandises et décomptés à tort selon leur prix de revient en même temps que ces marchandises lors de l'inventaire dressé en 1988 ; que c'est, par suite, à bon droit, que l'administration fiscale a réintégré cette minoration du stock dans le résultat imposable de la société pour l'année en cause ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article L.195A du livre des procédures fiscales " ...la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses appartient à l'administration" ; que l'administration se borne à soutenir que le fait d'enregistrer en comptabilité un stock minoré de 223.097 F par rapport au stock tel qu'il avait été déterminé à partir des fiches d'inventaire relève d'une volonté manifeste d'éluder l'impôt ; que cette seule circonstance, dont il n'est pas établi qu'elle ne procéderait pas seulement d'une négligence à réunir en temps utile les éléments permettant de justifier de l'abattement pratiqué, ne démontre pas que le comportement de la SARL PENINSULIEGE procédait d'une intention délibérée de dissimulation ; que la société requérante est, par suite, fondée à contester les pénalités qui lui ont été appliquées ; qu'il y a lieu, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête relatif à ces pénalités, d'en prononcer la décharge ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL PENINSULIEGE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les pénalités afférentes au complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge desdites pénalités, de réformer en ce sens le jugement attaqué et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SARL PENINSULIEGE tendant à ce que l'Etat lui verse la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La SARL PENINSULIEGE est déchargée des pénalités afférentes au complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1988.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 27 novembre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de conclusions de la requête de la SARL PENINSULIEGE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL PENINSULIEGE et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE. Copie en sera adressée au Trésorier payeur général des Pyrénées-Orientales.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA00185
Date de la décision : 11/10/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS.


Références :

CGI 38, 39, 209
CGI Livre des procédures fiscales L16 B
Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. DUCHON-DORIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-10-11;98ma00185 ?
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