La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2000 | FRANCE | N°97MA11434

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 24 octobre 2000, 97MA11434


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, le 30 juillet 1997 sous le n° 97BX01434, présentée pour la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, dont le siège social est ... Le Lez, représentée par son gérant, par Me Y..., avocat ;
La S.C.I. LES ROQUES BLANQUES demande à

la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Mo...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, le 30 juillet 1997 sous le n° 97BX01434, présentée pour la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, dont le siège social est ... Le Lez, représentée par son gérant, par Me Y..., avocat ;
La S.C.I. LES ROQUES BLANQUES demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, en date du 15 mai 1997, rendu dans l'instance n° 92-3753/3754, en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de mise en cause de la société SAMDA et en ce qu'il a limité à la somme de 106.533,38 F le montant de la condamnation de la commune d'EYNE ;
2°) de condamner la commune d'EYNE à lui verser la somme de 9.573.337 F en réparation du préjudice subi, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 17 juin 1991, les intérêts échus étant capitalisés ;
2°) de condamner la commune d'EYNE à lui payer la somme de 6.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'aux dépens, y compris les droits de timbre et de plaidoirie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2000 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES demande l'appel en cause de la société d'assurances SAMDA, assureur de la commune d'EYNE, aux fins de la voir garantir sa créance envers la commune ; que la responsabilité de la compagnie d'assurances ne pourrait toutefois être recherchée qu'à raison des obligations nées du contrat de droit privé qui la lie à son assurée ; qu'un tel litige ne relève pas de la compétence des juridictions administratives, alors même que celles-ci sont compétentes pour connaître du litige principal opposant la société requérante à la commune d'EYNE ; qu'il s'ensuit que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme irrecevables ses conclusions aux fins d'appel en cause et de déclaration de jugement commun dirigées contre la société d'assurances SAMDA ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, devant la Cour, la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES ne conteste pas le rejet par le Tribunal administratif des conclusions de sa requête n° 92-3753 tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune d'EYNE du 20 mai 1987 refusant de signer l'acte authentique de vente du terrain communal litigieux et à la constatation de l'existence de la vente consentie à M. X..., gérant de la S.C.I. requérante ; que ce dispositif donne satisfaction à la commune d'EYNE qui n'est, dès lors, pas recevable à contester les motifs retenus par le tribunal pour rejeter ladite requête ; que le litige devant la Cour est limité à l'appréciation de la responsabilité de la commune d'EYNE à raison de l'engagement non tenu de vendre à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES le terrain litigieux et à l'appréciation du préjudice en résultant pour cette société ;

Sur la prescription quadriennale :
Considérant que le fait générateur de la créance dont se prévaut la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES à l'encontre de la commune d'EYNE est constitué par le refus de cette dernière de réaliser la vente du terrain, conformément à la promesse du conseil municipal des 16 avril, 29 mai et 30 octobre 1984 et à la convention signée avec la société requérante le 27 avril 1984 ; que ce refus n'a été formalisé que le 20 mai 1987 et consigné dans le procès-verbal de difficultés dressé par acte notarié ; qu'il s'ensuit que la commune d'EYNE n'est pas fondée à soutenir que l'action à fin d'indemnisation introduite par la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES devant le Tribunal administratif le 29 octobre 1992, à la suite du rejet implicite de sa réclamation préalable adressée à la commune le 17 juin 1991, était atteinte par la prescription quadriennale instituée par la loi du 31 décembre 1968, ni, par voie de conséquence, que c'est à tort que le jugement attaqué a écarté la fin de non-recevoir qu'elle opposait sur ce fondement ;
Sur les autres fins de non-recevoir opposées par la commune d'EYNE :
Considérant que la promesse de vente et la convention litigieuses ont été conclues par la commune avec M. X..., agissant en qualité de gérant de la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES ; que la commune d'EYNE n'est donc pas fondée à soutenir que la S.C.I. requérante est dépourvue d'intérêt pour agir à fin d'indemnisation du préjudice subi du fait de la non réalisation de cette vente ;
Considérant que la réclamation préalable de la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES ayant été implicitement rejetée, aucune forclusion ne pouvait être opposée à sa requête à fin d'indemnisation; que la commune d'EYNE n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle soulevait, tirée de la tardiveté de la requête n° 92-3754 ;

Sur les conclusions relatives à la responsabilité de la commune d'EYNE :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la commune d'EYNE s'était engagée à vendre les terrains communaux litigieux à M. X..., gérant de la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, en vue de la réalisation d'aménagements touristiques ; qu'elle s'engageait également à modifier le plan d'occupation des sols pour rendre la zone concernée constructible ; que cet engagement a été renouvelé le 23 mai 1984 et le plan d'occupation des sols effectivement modifié dans le sens requis le 27 août 1984 ; que, tout au long de l'année 1984, la commune d'EYNE a encouragé la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES à verser les sommes prévues et à réaliser le projet convenu ; qu'il résulte de l'instruction que la commune, contrairement à ce qu'elle soutient, n'a manifesté son intention de ne pas donner suite à la promesse de vente conclue avec la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES que lorsque celle-ci a refusé d'accepter l'inclusion au contrat de vente d'une nouvelle clause accroissant ses obligations financières ;
Considérant, dans ces conditions, et alors même que son engagement initial était illégal, que la commune a, en ne donnant pas suite à sa promesse de vente, commis une faute de nature à engager sa responsabilité envers la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, dont les pièces du dossier établissent qu'elle n'a engagé de frais conséquents qu'après la modification du plan d'occupation des sols permettant la réalisation du projet et qu'elle a réglé, dans les délais prévus à la convention du 27 avril 1984, l'acompte de 300.000 F et le solde initialement prévu de la vente, soit 350.000 F ; que ladite convention prévoit la récupération de ces sommes en cas d'impossibilité juridique de réaliser le projet convenu ; que la S.C.I. n'a commis aucune faute ni imprudence de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a laissé à sa charge la moitié des conséquences dommageables du préjudice né pour elle du désengagement de la commune ; que, par contre, la commune d'EYNE n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité ; que celle-ci doit être reconnue pour l'intégralité du préjudice indemnisable de la S.C.1. LES ROQUES BLANQUES ;

Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES a réglé les honoraires du géomètre-expert et de l'architecte chargés de l'élaboration du projet pour des montants respectifs de 11.085,26 F et 33.720 F ; que, si elle réclame devant la Cour la somme de 2.495.775 F au titre des dépenses engagées, elle n'apporte aucun justificatif de paiement de sommes en relation avec le projet litigieux, supérieures à celles retenues par le Tribunal administratif et qui ont été ci-dessus rappelées ;
Considérant, en second lieu, que l'immobilisation de la somme de 300.000 F, versée le 30 avril 1984 à la commune et restituée au mois juillet 1991, sans que cette restitution puisse être considérée comme tardivement demandée, a causé à la S.C.I. demanderesse un préjudice directement lié à la faute commise par la commune, que le tribunal a évalué à 170.000 F, compte tenu des intérêts légaux de la période mentionnée ; que la S.C.I. appelante n'est pas fondée à obtenir une indemnisation sur une base supérieure égale, notamment, aux agios facturés par sa banque ; qu'elle n'apporte aucun élément probant pour contester l'évaluation faite par les premiers juges ;
Considérant qu'elle n'établit pas non plus, devant la Cour, avoir bloqué la somme de 350.000 F versée le 1er avril 1985, dans l'attente de la réalisation de la vente du terrain litigieux et qu'elle ne justifie pas du manque à gagner du fait de la non réalisation de l'opération engagée , qu'elle n'établit pas ainsi le caractère certain de ces chefs de préjudice qui ont donc été, à bon droit, écartés ;
Considérant, dans ces conditions, que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant son préjudice indemnisable à la somme de 214.805,26 F, le Tribunal administratif en ait fait une insuffisante appréciation ; que, compte tenu de la responsabilité totale de la commune retenue par le présent arrêt, celle-ci doit être condamnée à verser à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, la somme de 214.805,26 F ; que la S.C.I. LES ROQUES MANQUES est fondée également à demander que cette somme produise intérêts au taux civil légal, à compter du 17 juin 1991, date de réception de sa réclamation préalable ; qu'à la date d'enregistrement de sa requête d'appel, le 30 juillet 1997, plus d'une année d'intérêts étaient acquis ; que la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES est donc fondée à demander que les intérêts acquis à cette date soient capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune d'EYNE à verser à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES la somme de 6.000 F, tous frais inclus, sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant, par contre, que les dispositions dudit article font obstacle à ce que la commune d'EYNE, qui doit être regardée comme partie perdante, bénéficie du remboursement de ses frais d'instance ; que sa demande tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit donc être rejetée ;
Article 1er : La commune d'EYNE est condamnée à verser à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES la somme de 214.805,26 F (deux cent quatorze mille huit cent cinq francs vingt-six centimes), portant intérêts au taux civil légal à compter du 17 juin 1991, les intérêts acquis le 30 juillet 1997 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La commune d'EYNE versera à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES la somme de 6.000 F (six mille francs) sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus de la requête de la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES et l'appel incident de la commune d'EYNE sont rejetés.
Article 4 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la S.C.I. LES ROQUES BLANQUES, à la commune d'EYNE et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97MA11434
Date de la décision : 24/10/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-03-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 31 décembre 1968


Composition du Tribunal
Président : M. Berger
Rapporteur ?: Mme Nakache
Rapporteur public ?: M. Bocquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2000-10-24;97ma11434 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award