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01/07/1999 | FRANCE | N°96MA01848

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Pleniere, 01 juillet 1999, 96MA01848


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée par M. Alain COLOMBEAU ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 août 1996 et le 20 janvier 1997 sous le n° 96LY01848, présentés par M. Alain X..., demeurant ... ;
M. COLOMBEAU demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille en d

ate du 3 juin 1996, en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des cot...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée par M. Alain COLOMBEAU ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 août 1996 et le 20 janvier 1997 sous le n° 96LY01848, présentés par M. Alain X..., demeurant ... ;
M. COLOMBEAU demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 juin 1996, en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu maintenues à sa charge au titre de l'année 1985 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en date du 4 novembre 1950,
Vu le traité sur l'Union Européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 1999 :
Le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
Les observations de M. COLOMBEAU ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;

Considérant que l'impôt sur le revenu dû par M. COLOMBEAU au titre de l'année 1985 a été mis en recouvrement le 15 juillet 1986 pour un montant de 48.364 F, non compris l'imposition des revenus agricoles que celui-ci avait pu retirer du fonds rural qu'il exploite à Arles, laquelle a fait l'objet d'un rôle supplémentaire mis en recouvrement le 30 novembre 1987, pour un montant de 15.335 F ; que, par le jugement attaqué du 3 juin 1996, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. COLOMBEAU tendant à être déchargé tant des impositions primitives que des impositions supplémentaires maintenues à sa charge après le prononcé d'un dégrèvement de 4.098 F ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1988 du 29 décembre 1988 : "les rôles homologués avant la publication de la présente loi et jusqu'au 1er mars 1989 par un fonctionnaire de la direction générale des impôts ayant au moins le grade de directeur divisionnaire sont réputés régulièrement homologués" ; que les rôles litigieux ont été homologués, avant la publication de ladite loi, par un directeur divisionnaire des impôts ; qu'ils doivent, dès lors, être réputés régulièrement homologués, alors même que ledit directeur n'aurait pas été régulièrement délégué à cette fin ; que M. COLOMBEAU soutient, cependant, que la disposition susmentionnée ne saurait avoir pour effet de permettre aux rôles ainsi validés d'interrompre une prescription régulièrement acquise, pour l'impôt dû au titre de l'année 1985, le 31 décembre 1988, date à laquelle la loi précitée du 29 décembre 1988, publiée au Journal Officiel du 30 décembre 1988, ne pouvait être entrée en vigueur sur le territoire de la commune d'Arles ;
Considérant que, par les dispositions précitées du III de l'article 21 de la loi du 29 décembre 1988, le législateur a entendu éviter que se développent, pour un motif touchant exclusivement à la répartition des attributions entre agents publics, des contestations pouvant entraîner pour l'Etat, et pour les autres collectivités publiques pour le compte desquelles sont perçus des impôts par voie de rôle, des conséquences dommageables ; que ces dispositions peuvent, compte tenu des motifs qui les justifient, et sans que soient méconnus le principe général de la non rétroactivité des textes à caractère répressif, ni aucun autre principe de valeur constitutionnelle, avoir pour effet de rétablir les rôles qu'elles valident dans leur effet interruptif de prescription, alors même que cette prescription aurait été acquise à la date de leur entrée en vigueur ;

Considérant que la validation de certains rôles par le III de l'article 21 de la loi du 29 décembre 1988 n'est pas au nombre des actes pris par les autorités françaises pour la mise en oeuvre du droit communautaire ; que le requérant ne saurait utilement se prévaloir, pour soutenir que cette validation ne s'étend pas aux impositions prescrites à la date de son entrée en vigueur, des principes fondamentaux du droit communautaire, tels que le respect des droits de la défense et la sécurité juridique, issus du traité de Rome du 25 mars 1957, et expressément mentionnés par le 2° de l'article F du traité sur l'Union Européenne ; que le moyen ainsi invoqué ne peut, dès lors, qu'être rejeté, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;
Considérant que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : "1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un Tribunal indépendant et impartial qui décidera soit des contestations sur les droits et obligations de caractère civil, soit de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; que le juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à obtenir la décharge ou la restitution d'une imposition dont la régularité, le bien-fondé, ou l'exigibilité sont contestés, statue sur des droits ou obligations qui affectent le patrimoine des contribuables, et qui présentent un caractère civil au sens des stipulations précitées ; que, dès lors, lesdites stipulations peuvent, en l'espèce, être utilement invoquées ;

Mais, considérant que le droit de toute personne à un procès équitable ne peut être regardé comme méconnu du fait de l'intervention d'une mesure législative à portée rétroactive, lorsque cette mesure est justifiée par des motifs d'intérêt général, même si elle prive le contribuable de la possibilité, soit de faire valoir devant le juge un moyen qui aurait justifié la décharge de l'imposition litigieuse, soit de se prévaloir d'une prescription ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, les dispositions du III de l'article 21 de la loi du 29 décembre 1988 sont justifiées par un motif d'intérêt général, dès lors que leur seul objet est de priver d'effets une irrégularité relative à la répartition des compétences entre agents publics, sans conséquences sur les droits et garanties des contribuables et affectant l'établissement de nombreuses impositions ; que les contribuables concernés par ces rôles n'ont pas été privés du droit de contester le bien-fondé des impositions en cause ni de se prévaloir des garanties prévues par la loi pour l'établissement de l'impôt ; qu'ainsi lesdites dispositions ne sauraient être regardées comme incompatibles avec le droit à un procès équitable énoncé par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'imposition litigieuse serait prescrite doit être rejeté ;
Sur la délégation de pouvoir accordée par le préfet pour l'homologation des rôles :
Considérant que le Tribunal administratif a, en outre, motivé le jugement attaqué en relevant que le directeur des services fiscaux de Marseille et ses collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire avaient reçu délégation de pouvoir du préfet des Bouches-du-Rhône en matière d'homologation des rôles, par un arrêté du 3 février 1989 ; que ce motif étant surabondant, M. COLOMBEAU ne saurait utilement invoquer son caractère erroné ;

Sur la procédure de fixation du forfait agricole :
Considérant que l'article L. 4 du livre des procédures fiscales prévoit que le classement des exploitations de polyculture prévu à l'article 64 du code général des impôts est effectué par l'administration des impôts, puis est communiqué au maire pour être affiché en mairie ; que l'article R. 4-1 du même livre précise que cet affichage doit durer 15jours et qu'il doit comporter la liste des exploitations, avec l'indication de leur superficie et de leur catégorie ;
Considérant qu'un certificat délivré par le maire d'Arles atteste que l'affichage susmentionné a été effectué le 3 décembre 1986 ; que l'exactitude de ces faits, qui n'est contredite par aucune des pièces du dossier, ne saurait être mise en doute par le fait que ce certificat ne mentionne pas le nom de l'adjoint qui l'a signé par délégation du maire, ni par le fait que cette délégation n'aurait pas été régulièrement publiée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cet affichage n'aurait pas comporté l'ensemble des indications exigées par l'article R. 4-1 précité du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. COLOMBEAU n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, en tant qu'elle concernait les impositions maintenues à sa charge ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, soit condamné à verser à M. COLOMBEAU la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. COLOMBEAU est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. COLOMBEAU et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 96MA01848
Date de la décision : 01/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - LEGALITE DES DISPOSITIONS FISCALES - LOIS - CADispositions législatives validant des rôles signés par une autorité incompétente - Possibilité d'invoquer les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Existence (1).

19-01-01-01-01 Le juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à obtenir la décharge ou la restitution d'une imposition dont la régularité, le bien-fondé ou l'exigibilité sont contestés, statue sur des droits ou obligations qui affectent le patrimoine des contribuables, et qui présentent un caractère civil au sens des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- RJ1 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT A UN PROCES EQUITABLE (ART - 6) - CHAMP D'APPLICATION - CAApplicabilité au contentieux de l'assiette (1).

26-055-01-06-01 Le juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à obtenir la décharge ou la restitution d'une imposition dont la régularité, le bien-fondé ou l'exigibilité sont contestés, statue sur des droits ou obligations qui affectent le patrimoine des contribuables, et qui présentent un caractère civil au sens des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les dispositions du III de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1988, du 29 décembre 1988, validant des rôles signés par une autorité incompétente, dont le seul objet est de priver d'effets une irrégularité relative à la répartition des compétences entre agents publics, sans conséquence sur les droits et garanties des contribuables et affectant l'établissement de nombreuses impositions ne méconnaissent pas ces stipulations.


Références :

CGI 64
CGI Livre des procédures fiscales L4, R4-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-1
Loi du 29 décembre 1988 art. 21 Finances rectificative pour 1988

1. Sol. infirmée par CE, 1999-11-26, Guénoun, T. p. 726, 742, 789


Composition du Tribunal
Président : M. Hertgen
Rapporteur ?: M. Guerrive
Rapporteur public ?: M. Duchon-Doris

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1999-07-01;96ma01848 ?
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