Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la commune de BREIL-SUR-ROYA ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 mars 1997 sous le n 97LY00640, présentée pour la commune de BREIL-SUR-ROYA, représentée par son maire en exercice, par Me Z..., avocat ;
La commune de BREIL-SUR-ROYA demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 23 décembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la délibération de son conseil municipal en date du 7 octobre 1996 relative à l'enlèvement ou à la destruction des loups du Mercantour, d'autre part, estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions du déféré du préfet des Alpes-Maritimes tendant au sursis à l'exécution de cette délibération ;
2 / de rejeter la demande du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation de la délibération susmentionnée du 7 octobre 1996 ;
Vu les autres pièces de dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la directive n 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;
Vu la convention signée à Berne le 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu rural de l'Europe ;
Vu la loi n 76-629 de 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n 71-552 du 9 juillet 1971 ;
Vu le décret n 79-696 du 18 août 1979 créant le parc national du Mercantour ;
Vu l'arrêté du 22 juillet 1993 portant modification de l'arrêté du 17 avril 1981 modifié fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 1998 :
- le rapport de M. GONZALES, premier conseiller ;
- les observations de Me Z... pour la commune de BREIL-SUR-ROYA ;
- les observations de M. X... pour le préfet des Alpes-Maritimes ;
- les observations de Mme Y... pour la Chambre départementale d'agriculture des Alpes-Maritimes ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que par délibération en date du 7 octobre 1996, le conseil municipal de la commune de BREIL-SUR-ROYA a demandé au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder à l'enlèvement des loups du Mercantour et, à défaut pour le préfet de déférer à cette demande, a chargé le maire de mettre en application les dispositions de l'article L.2122-21-9 du code général des collectivités territoriales et de requérir les habitants de la commune à l'effet de procéder à la destruction des loups ; que le Tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération au motif qu'elle fait application d'une disposition législative incompatible avec la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;
Considérant que cette convention a pour objet d'assurer notamment la conservation de la faune sauvage et de son habitat naturel, les espèces visées, au nombre desquelles figure expressément le loup d'Europe, étant celles qui évoluent à l'état naturel sur le continent européen, ladite convention ne faisant sur ce point aucune distinction en fonction de la présence effective ou non de spécimens de ces espèces sur le territoire national d'un état signataire de la convention ; qu'en ce qui concerne l'espèce "Canis lupus", si la commune requérante soutient que les loups qui se manifestent depuis peu dans le massif du Mercantour auraient été artificiellement introduits dans ce territoire, il ressort au contraire des pièces du dossier que leur installation est due à une migration naturelle en provenance d'Italie ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la commune, les mesures de protection édictées en faveur des espèces vulnérables telle que l'espèce "Canis lupus" par cette convention publiée en France par le décret n 90-756 du 22 août 1990, sont applicables aux loups se trouvant en liberté sur le territoire national ;
Considérant, à cet égard, d'une part, que chaque partie contractante est invitée par l'article 6 de cette convention à prendre "les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage concernées" ; que ce même article prévoit que "seront interdites pour ces espèces toutes formes de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle" ; que si l'article 9 de la convention permet de déroger à une telle interdiction, c'est à la condition, toutefois, "qu'il n'existe pas d'autre solution et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée", et qu'elle s'exerce, en outre, "dans l'intérêt de la protection de la faune", "pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ; dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ..., à des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l'élevage", ou "pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées ..., la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains animaux en petites quantités" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article L.2122-21 du code général des collectivités territoriales issues de la loi n 96-162 du 21 février 1996 : "Sous le contrôle du Conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département , le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du Conseil municipal et, en particulier : 9 ) de prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs de droit de chasse, à ce dûment invités, toutes les mesures nécessaires à la destruction ... des loups ... remis sur le territoire" ; que de telles dispositions, qui autorisent la destruction systématique des loups sur le territoire national, excédent, par leur généralité, les possibilités de dérogation prévues par l'article 6 de la convention de Berne ; qu'elles sont par conséquent incompatibles avec ladite convention ; qu'il en résulte que la délibération du conseil municipal de la commune requérante, qui, dès lors que le préfet n'a pas donné suite à l'invitation qu'elle lui faisait de "faire procéder à l'enlèvement des loups", revêt un caractère décisoire en permettant au maire de prendre les mesures nécessaires pour la destruction des loups sur le territoire de cette commune, est dépourvue de base légale ; qu'ainsi la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération ;
Article 1er : La requête susvisée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de BREIL-SUR-ROYA, au MINISTRE DE L'INTERIEUR, au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et au préfet des Alpes-Maritimes. Copie en sera adressée au Parc National du Mercantour.