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02/07/1998 | FRANCE | N°97MA05142

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 02 juillet 1998, 97MA05142


Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 24 et 29 septembre 1997 sous le n 97MA05142, présentées pour la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190), représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune demande à la Cour :
1 / de déclarer irrecevables du fait de la prescription quadriennale les sommes réclamées par l'EURL LE FANAL au titre de l'année 1986 ;
2 / de réformer le jugement n 91-1168 du Tribunal administratif de Nice du 20 juin 1997 en ce qu'il a déclaré la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN re

sponsable pour 1/3 du préjudice subi par l'EURL LE FANAL du fait de l'...

Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 24 et 29 septembre 1997 sous le n 97MA05142, présentées pour la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190), représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune demande à la Cour :
1 / de déclarer irrecevables du fait de la prescription quadriennale les sommes réclamées par l'EURL LE FANAL au titre de l'année 1986 ;
2 / de réformer le jugement n 91-1168 du Tribunal administratif de Nice du 20 juin 1997 en ce qu'il a déclaré la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN responsable pour 1/3 du préjudice subi par l'EURL LE FANAL du fait de l'absence de plage naturelle ;
3 / de juger la responsabilité de la commune non engagée pour perte d'exploitation de la plage naturelle ;
4 / de réformer ledit jugement en ce qu'il a déclaré la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN entièrement responsable du préjudice résultant des pertes d'exploitation d'un commerce de snack-glacier ;
5 / de juger que la commune n'est pas responsable de ce chef de préjudice subi par l'EURL LE FANAL ;
6 / à tout le moins de juger que la faute de l'EURL LE FANAL exonère pour 3/4 la responsabilité de la commune au titre de ces divers préjudices ;
7 / d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le préjudice d'exploitation de l'activité de restauration de l'EURL LE FANAL ;
8 / de condamner l'EURL LE FANAL aux dépens ;
9 / d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 20 juin 1997 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 1998 :
- le rapport de Mme NAKACHE, conseiller ;
- les observations de Me X... pour la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN ;
- les observations de Me Z... pour l'EURL LE FANAL ;
- et les conclusions de M. BENOIT, commissaire du gouvernement ;

Sur la déchéance quadriennale opposée par la commune pour l'année 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond." ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble du dossier de première instance que la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN n'a jamais opposé la prescription quadriennale aux créances alléguées par l'EURL LE FANAL devant le Tribunal administratif ; que par suite ses conclusions présentées pour la première fois devant la Cour tendant à ce que la créance concernant l'année 1986 soit déclarée prescrite, le gérant de l'EURL LE FANAL n'ayant formulé sa demande d'indemnisation qu'en 1991, sont irrecevables et doivent être écartées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN, concessionnaire des plages naturelles de son territoire relevant du domaine public maritime de l'Etat par arrêté du 12 février 1982, en a sous-traité l'exploitation par lots à des particuliers ; que par convention du 12 avril 1985 le lot n 3 de la plage de Carnoles situé à hauteur du ... a vu son exploitation sous-traitée à M. Raymond Y... ; qu'il ressort de l'ensemble des documents fournis et qu'il n'est pas sérieusement contesté que tant lors de la soumission du cocontractant le 3 avril 1985 que lors de la première année d'exploitation utile en 1986, ce lot d'une superficie de 300 m2 (30 mètres de long parallèle à la mer et 10 m de large) était constitué pour partie d'une portion du domaine public communal, 151,50 m2 sur le trottoir de la promenade, et pour le reste d'une partie sur le domaine public maritime de 148,50 m2 ; qu'il est constant que dès l'origine la partie "plage" située sur le domaine public maritime était amputée sur une profondeur de 2,50 m et sur toute sa longueur (soit pour une surface de 75 m2) par des enrochements nécessaires à la protection d'une canalisation (feeder) ; que le cocontractant de la commune devait pour l'exploitation de son lot construire un établissement de bains comportant une terrasse, selon permis de construire transféré par la commune, et assurer l'entretien courant de la plage concédée ; que le cahier des charges de la concession de plage naturelle par l'Etat à la commune figurant en annexe du sous-traité faisait obligation à la commune d'assurer "la conservation, la maintenance des plages dans les dimensions définies (par la concession) par des apports de matériaux, de sables" et d'établir "un profil convenable de la plage en début de saison avant le 15 avril de chaque année" ;

Considérant que la responsabilité de la commune envers son sous-traitant ne peut être recherchée, ainsi que l'ont relevé les premiers juges dans leur jugement interlocutoire du 25 juin 1996 dont le bien-fondé n'est pas remis en cause dans la présente instance, que sur le fondement du manquement par ladite commune à ses obligations contractuelles ; que
M. Y..., gérant de l'EURL LE FANAL chargée de l'exploitation de l'établissement du même nom sur le lot n 3, fait valoir que la commune ne lui a pas assuré la surface exploitable à laquelle il pouvait prétendre sur la base du sous-traité de 1985, d'une part en édifiant sur la portion du domaine public communal deux jardinières disposées en arcs de cercle de part et d'autre de son établissement, d'autre part en ne procédant pas aux travaux nécessaires à la préservation de la plage ;
Considérant en premier lieu que M. Y... a, conformément à ses obligations et au permis de construire transféré par la commune, construit sur la partie de son lot relevant du domaine public communal un bâtiment à usage de snack bar occupant une surface au sol de 48 m2 ; que la commune a édifié sur le trottoir concédé deux murets de part et d'autre du bâtiment disposés en arcs de cercle et destinés à supporter des jardinières ; que la surface exploitable de cette partie du lot attribué à M. Y... et sur laquelle l'EURL LE FANAL exerçait son activité s'est ainsi trouvée réduite du seul fait de la commune postérieurement à l'entrée en vigueur du sous-traité ; que la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN doit, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, être déclarée entièrement responsable du préjudice causé à l'EURL LE FANAL du fait de la perte d'exploitation partielle résultant de la diminution de la surface utilisable de cette partie du lot ; que sa responsabilité ne saurait être atténuée par la faute alléguée de son sous-traitant dans la mesure où d'une part celui-ci ne pouvait déduire, lors de sa soumission, de la seule présence de bacs à fleurs sur des parties non concédées du trottoir de la promenade, la détermination de la commune à en implanter sur son lot et où, d'autre part, la disposition desdits murets imputable à la seule commune a pour effet de rendre inexploitable la partie du trottoir située entre lesdits murets et la limite extérieure du lot n 3 du côté de la promenade ;

Considérant par contre en second lieu que M. Y... connaissait dès la conclusion du sous-traité la configuration des lieux et notamment la largeur de la plage naturelle (5m30 à partir de la mer et non 20 m comme il l'allègue) ainsi que la présence d'enrochements protecteurs du feeder sur une largeur de 2m50 à partir du mur de fond de plage ; qu'il a d'ailleurs choisi d'exploiter partiellement la surface enrochée en construisant au dessus une plate-forme en béton et une plate-forme à platelage amovible sur lesquelles il a étendu la terrasse de son établissement de restauration conformément au permis de construire modificatif obtenu ; que, lors de son engagement, la partie du domaine public maritime libre n'était donc que de 30 m de longueur sur 2,80 m de largeur ; que toutefois le bord de mer étant grevé de servitude de passage pour piétons dont le respect était inscrit dans le traité de sous concession, M. Y... ne pouvait prétendre à l'exploitation d'une activité de plagiste sur cette bande littorale, même si, en fait, en 1985 une vingtaine de matelas y ont été exploités selon ses propres déclarations ; qu'il s'ensuit que, même s'il est établi que la commune n'a procédé pendant la durée de la concession à aucun "engraissement" de la plage, l'EURL LE FANAL n'établit pas que l'inexploitation de la plage naturelle soit imputable à l'inaction de la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN ; que la responsabilité de la collectivité ne saurait donc être engagée envers l'EURL LE FANAL pour ce chef de préjudice ;
Considérant en outre que le Tribunal a opéré un partage de responsabilité pour ce chef de préjudice ; que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions incidentes de l'EURL LE FANAL tendant à ce que la responsabilité de la commune soit déclarée totale ;
Considérant enfin que compte-tenu de la configuration initiale des lieux et notamment de la faible profondeur de la plage naturelle et du choix opéré par M. Y... d'exploiter des tables de restaurant sur une terrasse en surplomb de la plage, la commune ne saurait être tenue responsable des difficultés d'exploitation nées des projections d'embruns, même violentes, sur ladite terrasse les jours de vent fort, cette circonstance étant à l'évidence prévisible par l'exploitant ;
Sur le préjudice de l'EURL LE FANAL :
Considérant que les données comptables retenues par l'expert désigné par le Tribunal administratif ne font l'objet d'aucune contestation chiffrée de la part de la commune ; que même si l'expert a fait siennes en partie les conclusions de l'expert auquel s'était adressé M. Y..., l'ensemble de ces documents, qui constituent les pièces du dossier de première instance, ont été communiqués à la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN qui avait toutes possibilités de les contester avant l'intervention du jugement attaqué du 20 juin 1997 ; que comme les premiers juges, la Cour peut à bon droit utiliser ces éléments pour déterminer le préjudice d'exploitation de l'EURL LE FANAL, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de nouvelle expertise de la commune ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'EURL LE FANAL exploite en terrasse de restauration 30 tables pour partie sur le domaine public communal (6 tables sur une terrasse sud de 16 m2) et pour partie sur dalle et plate-forme surplombant le domaine public maritime (24 tables sur 63 m2) ; qu'il ressort des constatations expertales auxquelles la commune n'oppose aucun justificatif chiffré probant, que, compte-tenu des termes de la sous concession, son bénéficiaire pouvait prétendre exploiter ainsi 52 m2 du côté sud et 33 m2 du côté nord sur le domaine public communal concédé ; que M. Y... puis L'EURL LE FANAL pouvait ainsi s'attendre à exploiter en activité de restauration une terrasse de 85 m2 auxquels s'ajoutaient les 63 m2 sur le domaine public maritime, soit au total 148 m2 ; que si l'EURL LE FANAL n'exploite en fait que 16 m2 de terrasse sur le domaine public communal côté sud, il est établi qu'elle disposait en outre du côté nord de 14 m2 qu'elle a choisi de ne pas exploiter ; que la surface exploitable est de 93 m2 au lieu de 148 m2 soit un déficit d'environ 18 tables ; que la période indemnisable doit être fixée de 1986 à juillet 1991 ; que M. Y... ne justifie pas, en effet, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'il aurait pu exercer son activité de restauration dès la saison 1985 compte tenu des nécessités de construire son établissement mais que, par contre, si les bacs à fleurs n'ont été installés qu'après la saison 1987, leur emplacement était réservé dès la construction du bâtiment ; que compte tenu des chiffres d'affaires effectivement réalisés pour 30 tables pour cette période, des coûts d'achat de marchandises, des frais fixes indépendants du nombre de tables exploitées et des potentialités d'exploitation (48 tables), le préjudice financier de l'EURL LE FANAL doit être évalué à 1.370.000 F en ce qui concerne le manque à gagner de l'activité de restauration ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus M. Y... ne pouvait s'attendre, compte tenu de la configuration des lieux, à exercer une activité de plagiste ; qu'il a d'ailleurs choisi d'étendre son activité de restauration sur le domaine public maritime ; que, par suite, il ne peut invoquer aucun préjudice indemnisable de ce chef d'activité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN doit être condamnée à verser à l'EURL LE FANAL une indemnité de 1.370.000 F portant intérêts au taux civil légal à compter du 13 juillet 1991, les intérêts acquis le 15 avril 1997 étant capitalisés ; qu'elle est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a fixé ladite indemnité à la somme de 2.754.022,06 F en principal ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN à verser à l'EURL LE FANAL la somme réclamée au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : L'indemnité mise à la charge de la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN est ramenée à la somme de 1.370.000 F (un million trois cent soixante dix mille francs) qui produira intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 1991, les intérêts acquis au 15 avril 1997 étant capitalisés.
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'appel incident de l'EURL LE FANAL est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN, à l'EURL LE FANAL et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - CONCESSIONS - DROITS ET OBLIGATIONS DES CONCESSIONNAIRES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - MAUVAISE EXECUTION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 7


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. BENOIT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 02/07/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 97MA05142
Numéro NOR : CETATEXT000007573534 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1998-07-02;97ma05142 ?
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