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19/01/2024 | FRANCE | N°23LY01395

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 19 janvier 2024, 23LY01395


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. E... ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 avril 2021 par laquelle le préfet de l'Isère lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... ... et de son fils, A... C....



Par un jugement n° 2103978 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à

compter de la notification du jugement.





Procédure devant la cour :



Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 avril 2021 par laquelle le préfet de l'Isère lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... ... et de son fils, A... C....

Par un jugement n° 2103978 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler le jugement n° 2103978 du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- les principes posés par les dispositions du 3° de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont une valeur constitutionnelle et peuvent constituer le fondement d'un refus de regroupement familial, y compris pour un ressortissant algérien, sans qu'y fasse obstacle l'absence de stipulations équivalentes dans l'accord franco-algérien ;

- au regard des condamnations dont il a fait l'objet, M. C... ne peut être regardé comme se conformant aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023 M. C..., représenté par Me Mallem, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 300 euros soit mise à la charge du préfet de l'Isère sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 7 septembre 1971 titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 9 mars 2030, a demandé, le 6 décembre 2019, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... D..., et de son fils, M. A... C.... Par une décision du 21 avril 2021, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus sur le fondement du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 21 mars 2023, dont le préfet de l'Isère interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 avril 2021.

2. D'une part, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. Peut être exclu de regroupement familial : 1 - un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) Lorsqu'un ressortissant algérien dont la situation matrimoniale n'est pas conforme à la législation française réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé, par les autorités françaises, à un autre conjoint. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ".

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles relatives à la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par ailleurs, la portée des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien est équivalente à celle des dispositions des articles L. 411-1 à L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'autorisation de regroupement familial et notamment à celles de l'article L. 411-5 de ce code qui énumèrent les motifs de refus d'une demande d'autorisation de regroupement familial susceptibles d'être opposés aux étrangers en général. Dès lors, la disposition du 3° de cet article, selon laquelle le bénéfice du regroupement familial peut être refusé au demandeur ne se conformant pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, n'est pas applicable aux ressortissants algériens. Au demeurant, l'accord franco-algérien ne comporte pas de stipulations semblables susceptibles de fonder un refus d'autorisation de regroupement familial pour un tel motif.

5. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. C..., le préfet de l'Isère a considéré que ce dernier ne satisfaisait pas à la condition prévue par les dispositions du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il avait été condamné, en septembre 2020, à six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une période probatoire de deux ans pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme. Cependant, il ressort de ce qui a précédemment été exposé aux points 2 à 4, que le préfet de l'Isère ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions pour rejeter la demande d'autorisation de regroupement familial présentée par M. C..., ressortissant algérien.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 avril 2021 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. C... et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif et de mettre à ce titre une somme de 1 300 euros à la charge de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01395
Date de la décision : 19/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MALLEM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-19;23ly01395 ?
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