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16/03/2023 | FRANCE | N°21LY02117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 mars 2023, 21LY02117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les clos du Val de Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1802522 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 juin, 25 octobre et 23

décembre 2021, la SCI Les clos du Val de Drôme, représentée par Me Bobant, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les clos du Val de Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1802522 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 juin, 25 octobre et 23 décembre 2021, la SCI Les clos du Val de Drôme, représentée par Me Bobant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si l'acte notarié du 16 mars 2013 mentionne par erreur de la taxe sur la valeur ajoutée due par l'acheteur, la société Brezeme Entreprise et Promotion, cette erreur a été corrigée dans l'acte rectificatif du 26 juillet 2016 ;

- l'opération immobilière formalisée par l'acte du 16 mars 2013 n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, s'agissant non pas de la revente d'un bien immobilier, mais de la résolution d'une vente en l'état futur d'achèvement constatée par acte du 23 décembre 2010, ainsi que cela ressort des mentions de l'acte rectificatif du 26 juillet 2016 ;

- la société Brezeme Entreprise et Promotion atteste n'avoir jamais acquitté cette taxe, et ne l'avoir jamais récupérée, de telle sorte que tout risque de perte de recettes fiscales a été éliminé.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022.

Par lettre du 6 février 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement du 29 avril 2021 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a procédé d'office à une substitution de base légale, en substituant au fondement légal de l'imposition retenu par l'administration (1° du 2. du I de l'article 257 du code général des impôts) les dispositions du 3. de l'article 283 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 16 mars 2013, la SCI Les clos du Val de Drôme, qui a pour activité l'acquisition, l'administration et la gestion de tous biens immobiliers, a revendu à la société Brezeme Entreprise et Promotion, pour un prix de 897 000 euros TTC, le lot n° 100 d'un ensemble immobilier à Livron-sur-Drôme (Drôme) qu'elle avait acquis en l'état futur d'achèvement au même prix auprès de cette même société le 23 décembre 2010, sans déclarer la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 147 000 euros due par le vendeur dont faisait état l'acte notarié. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans cet acte sur le fondement du 1° du 2. du I de l'article 257 du code général des impôts. La SCI Les clos du Val de Drôme relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés à ce titre par avis de mise en recouvrement du 15 mai 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que la rectification était fondée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur les dispositions du 1° du 2. du I de l'article 257 du code général des impôts dans la proposition de rectification du 27 avril 2016, base légale rappelée dans la décision prise sur la réclamation préalable de la SCI Les clos du Val de Drôme, et qu'il ressort du dossier de première instance que l'administration n'a ni demandé une substitution de base légale, ni défendu le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en invoquant un autre fondement légal, le tribunal administratif s'est fondé, pour rejeter la demande de la requérante, sur les dispositions du 3. de l'article 283 du code général des impôts. Il a ainsi procédé d'office à cette substitution, ce qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de faire. Le jugement du 29 avril 2021 est, dès lors, entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par la SCI Les clos du Val de Drôme devant le tribunal administratif.

Sur la demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Le ministre qui, dans ses écritures d'appel, justifie le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige sur le seul fondement du 3. de l'article 283 du code général des impôts, doit être regardé comme sollicitant que soient substituées aux dispositions du 1° du 2. du I de l'article 257 du code général des impôts, celles du 3. de l'article 283 du même code.

5. Aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ". Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. La Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe. Ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales.

6. La SCI Les Clos du Val de Drôme fait valoir, d'une part, que c'est par erreur que cet acte du 16 mars 2013 fait état de la vente d'un bien immobilier à la société Brezeme Entreprise et Promotion, et de la soumission de celle-ci à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que les parties avaient entendu, en réalité, procéder à la résolution de la vente du 23 décembre 2010, faute pour le vendeur d'avoir achevé l'immeuble dans les délais impartis. Elle ajoute que cet acte du 16 mars 2013 a été rectifié par un nouvel acte authentique du 26 juillet 2016, qui stipule que sont retirés plusieurs paragraphes de l'acte authentique du 16 mars 213, dont le paragraphe intitulé " vente ", que les parties déclarent résoudre purement et simplement la vente du 23 décembre 2010 et que la société Brezeme Entreprise et Promotion, qui s'engage à restituer la somme de 224 967,60 euros à la SCI dans le délai d'un an, doit être considérée comme n'ayant jamais aliéné le bien en cause.

7. La mention, dans un acte authentique de cession d'un immeuble, d'un prix de vente comprenant la taxe sur la valeur ajoutée, équivaut à la facturation de cette taxe, au sens du 3. de l'article 283 du code général des impôts.

8. Si l'acte authentique rectificatif signé entre les deux parties le 26 juillet 2016 constitue, au regard de sa teneur et de ses mentions, une facture rectificative, même s'il a été conclu plus de trois ans après celui du 16 mars 2013 faisant état de la soumission de la vente à la taxe sur la valeur ajoutée, et après réception d'une proposition de rectification portant sur celle-ci, la SCI Les clos du Val de Drôme ne peut être regardée, de ce seul fait, comme ayant éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales. Cette preuve n'est pas davantage rapportée par les attestations, établies a posteriori, après la notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en juin et octobre 2021, par la société Brezeme Entreprise et Promotion et l'expert-comptable de cette dernière, selon lesquelles elle n'a pas récupéré la taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par suite, la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur l'acte de vente du 16 mars 2013 pouvait être rappelée sur le fondement du 3. de l'article 283 du code général des impôts. Dans ces conditions, la SCI Les clos du Val de Drôme, qui a été imposée au terme d'une procédure contradictoire excluant l'intervention de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, n'ayant été privée d'aucune garantie, la substitution de base légale demandée doit être accueillie.

9. Le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans l'acte notarié du 16 mars 2013 étant fondé sur ces dispositions, l'argumentation de la société requérante, tendant à démontrer que l'opération en litige n'entre pas dans le champ d'application du 1° du 2. du I de l'article 257 du même code, compte tenu de l'intervention de l'acte du 26 juillet 2016, est inopérante.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Les clos du Val de Drôme n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1802522 du 29 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Les clos du Val de Drôme devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les clos du Val de Drôme et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mars 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02117


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LGB-BOBANT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 16/03/2023
Date de l'import : 27/03/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY02117
Numéro NOR : CETATEXT000047318234 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-16;21ly02117 ?
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