Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2200279 du 12 mai 2022, le tribunal a annulé l'interdiction de retour sur le territoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juin 2022, M. B..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant à trente jours le délai de départ volontaire, et désignant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision valant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure tirée de l'absence d'avis motivé rendu par la commission de titre de séjour ; ce vice l'a privé d'une garantie ;
- il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; au regard de sa situation, il justifie de circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires ;
- la décision valant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision valant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision valant refus de séjour et de la décision valant obligation de quitter le territoire ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de la décision valant refus de séjour et de la décision valant obligation de quitter le territoire.
La requête a été communiquée à la préfète de la Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président ;
- et les observations de Me Guillaume, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 5 juillet 1987, est entré irrégulièrement en France en 2009. Il relève appel du jugement du 12 mai 2022 en tant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Loire du 16 décembre 2021 refusant de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. " Aux termes de l'article R. 432-14 du même code : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que l'avis motivé de la commission doit être transmis à l'intéressé et au préfet avant que ce dernier ne statue sur la demande dont il a été saisi. Une telle communication constitue une garantie instituée au profit de l'étranger qui doit connaître le sens et les motifs de l'avis de la commission avant que la préfète ne prenne sa décision.
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté, la commission du titre de séjour prévue par les dispositions précitées a été saisie dans le cadre de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B... et que ce dernier, convoqué à cet effet compte tenu de sa résidence habituelle de plus de dix années en France, s'est présenté avec son conseil à la commission qui a émis, le 24 juin 2021, un avis défavorable à sa régularisation. Il apparaît que, par un courrier dont il a accusé réception le 22 septembre 2021, M. B... a reçu communication de cet avis, qui se borne à cocher la mention " avis favorable à la proposition de l'administration " et à indiquer le motif de la saisine " L. 435-1 - présence en France depuis plus de dix ans ". Aucune pièce versée au dossier ne permet d'affirmer que l'intéressé aurait eu connaissance du contenu exact de ce procès-verbal préalablement à l'intervention de l'arrêté litigieux, alors au demeurant que les dispositions de l'article R. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées prévoient la transmission à l'étranger du seul avis motivé rendu par la commission. Le défaut de communication à l'intéressé, dans les conditions prévues ci-dessus de l'avis motivé de la commission du titre de séjour a été de nature à le priver d'une garantie dès lors qu'il n'a pas eu la faculté, compte tenu du sens de cet avis et de ses motifs, de présenter des observations et, le cas échéant, des documents de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Par suite M. B... est fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que, dans la mesure rappelée plus haut, l'arrêté de la préfète de la Loire du 16 décembre 2021 doit être annulé, avec les autres décisions ici contestées.
6. Eu égard au motif d'annulation ainsi retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Loire de statuer à nouveau sur la demande de M. B... dans un délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte.
7. Dans les circonstances de l'espèces, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté de la préfète de la Loire du 16 décembre 2021, dans la mesure où il porte refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans les conditions prévues plus haut.
Article 3 : L'État à versera à M. B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Dejbiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
Le président, rapporteur,
V.-M. PicardLe président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY02485 2
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