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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY01972

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY01972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... et M. A... B..., chacun en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 janvier 2021 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement nos 2101002 - 2101003 du 1er juin 2021, le tribunal administ

ratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... et M. A... B..., chacun en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 janvier 2021 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement nos 2101002 - 2101003 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2021, M. B... et Mme D..., représentés par Me Sabatier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ain du 20 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour ou de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité entachant les refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité entachant les refus de délivrance d'un titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français ;

Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité entachant les refus de délivrance d'un titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... et Mme C... D..., ressortissants arméniens nés respectivement le 30 septembre 1981 et le 4 juillet 1983, sont entrés en France le 21 janvier 2015 accompagnés de leurs enfants mineurs. Le 2 mars 2015, ils ont sollicité le bénéfice de l'asile. Par des décisions du 31 décembre 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes, décisions confirmées le 5 décembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 23 novembre 2017, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 4 octobre 2018, dont la légalité a été confirmée par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel du 31 octobre 2019, le préfet de l'Ain a rejeté leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 9 septembre 2020, M. B... et Mme D... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 20 janvier 2021, le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français. M. B... et Mme D... relèvent appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. M. B... et Mme D... se prévalent de la durée de leur séjour et de leur intégration en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme D... sont entrés en France en janvier 2015 à l'âge respectivement de trente-quatre et trente-deux ans et se sont maintenus irrégulièrement en France malgré les obligations de quitter le territoire prises en leur encontre le 4 octobre 2018. La circonstance que M. B... et Mme D... bénéficient tous deux d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à leur conférer un droit au séjour. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie dont tous les membres ont la nationalité, et alors que M. B... et Mme D... n'établissent pas être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine, ni à ce que leurs enfants poursuivent leur scolarité dans ce pays. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions de refus de délivrance de titre de séjour ne portent pas au droit de M. B... et Mme D... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, elles n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la situation de M. B... et Mme D... ne laisse apparaître aucune circonstance exceptionnelle ni aucune considération humanitaire de nature à justifier leur admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de l'Ain n'a ainsi pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant leur régularisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

5. Les moyens invoqués à l'encontre des refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour.

6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

7. Les moyens invoqués à l'encontre des refus de délivrance d'un titre de séjour et des décisions portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi seraient illégales en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. M. B... et Mme D... ne peuvent utilement exciper de l'illégalité des refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il résulte de ce qui précède qu'ils ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français.

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " III. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. Il ressort des mentions des arrêtés contestés que le préfet de l'Ain a indiqué, sans se contredire, que M. B... et Mme D... sont entrés en France en 2015, s'y maintiennent irrégulièrement après avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, que les trois enfants mineurs du couple ont vocation à suivre leurs parents en Arménie, qu'ils ne font pas état de lien intense, stable et ancien en France et qu'ils ont conservé des attaches sociales, familiales et culturelles dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que les intéressés ne constitueraient pas une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. B... et Mme D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et tendant à la mise à la charge de l'État en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme C... D.... Copie en sera adressée et au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY01972


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 15/12/2022
Date de l'import : 18/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01972
Numéro NOR : CETATEXT000046752109 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly01972 ?
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