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15/12/2022 | FRANCE | N°20LY01448

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 20LY01448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiées Montabert a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2013 à 2016.

Par un jugement n°1805807 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé la SAS Montabert des rappels de taxe foncière mis à sa charge au titre de

s années 2015 et 2016 et des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiées Montabert a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2013 à 2016.

Par un jugement n°1805807 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé la SAS Montabert des rappels de taxe foncière mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des intérêts de retard correspondants et, dans un article 2, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai 2020 et 9 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement et de rétablir l'imposition à hauteur de la somme de 319 217 euros dégrevée en exécution dudit jugement.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a déchargé la société Montabert des intérêts de retard alors qu'aucun intérêt de retard n'a été mis en recouvrement ;

- la procédure d'imposition est régulière dès lors que le principe du contradictoire, conformément à l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, ne s'applique pas en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ; en outre, la mention figurant sur les lettres du 8 et 14 septembre 2016 visant uniquement " l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée " comme impôts et taxes soumis au contrôle sur l'avis de vérification de comptabilité constitue une erreur de plume ;

- les impositions supplémentaires sont justifiées ; la valorisation et la détermination des éléments imposables effectuées par l'entreprise n'est pas correcte ; certaines immobilisations à caractère foncier acquises avant 2009 ne figuraient pas dans la base déclarée en 2009 et certains biens acquis depuis 2009 n'ont pas été intégrés dans les bases passibles de la taxe foncière.

Par trois mémoires, enregistrés les 15 octobre 2020, 11 janvier 2021 et 10 mars 2021 (non communiqué), la SAS Montabert, représentée par Me Aubin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le motif pour lequel le tribunal l'a déchargée des sommes en litige est fondé et que les impositions mises à sa charge sont injustifiées.

Par un courrier du 16 juillet 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la cour administrative d'appel en matière de taxe foncière.

Une réponse à ce moyen soulevé d'office, enregistrée le 4 août 2020, a été produite pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance et a été communiquée.

Une réponse à ce moyen soulevé d'office, enregistrée le 15 octobre 2020, a été produite pour la SAS Montabert et a été communiquée.

Une ordonnance du 9 février 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS Montabert des rappels de taxe foncière mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Sur les conclusions tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2015 et 2016 :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " ( ...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année (...) ". Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

3. Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ".

4. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Lyon a, par son jugement n°1805807 du 21 janvier 2020, statué en premier et dernier ressort sur les conclusions de la SAS Montabert tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, dès lors que, par ce même jugement, il n'a pas statué sur des conclusions aux fins de décharge de la cotisation supplémentaire de cotisation foncière des entreprises assise sur la valeur locative des mêmes biens appréciée les mêmes années, qui aurait été celles versées par cette société au titre des années 2017 et 2018. Par suite, la cour n'est pas compétente pour statuer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer au Conseil d'État les conclusions de la requête relatives aux cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SAS Montabert a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.

Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 restant en litige :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. La circonstance que le jugement attaqué a déchargé à tort la SAS Montabert des intérêts de retard afférents aux rappels de cotisation foncière des entreprises pour les années 2013 à 2016 alors qu'aucun intérêt de retard n'avait été mis à la charge de celle-ci reste sans influence sur la régularité dudit jugement dès lors, d'une part, que la décharge prononcée à tort n'a entraîné aucun dégrèvement et, d'autre part, que les premiers juges n'ont pas statué ultra-petita.

En ce qui concerne le motif de décharge retenu par les premiers juges :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Aux termes de l'article R. 13-1 du même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment :/ a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ;/ b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre alors applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification./ Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". Aux termes de l'article L. 51 du même livre : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (...)". Aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : / 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts (...) ". Aux termes, enfin, de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".

7. D'autre part, l'article 1467 A du code général des impôts prévoit que " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. "

8. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 6 ci-dessus que, d'une part, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsque, en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par celle-ci, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude et que, d'autre part, la régularité de la vérification de comptabilité suppose, sauf si la loi en dispose autrement, le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, même lorsque les impositions supplémentaires mises à la charge de ce dernier ne sont pas la conséquence d'une procédure de rectification contradictoire conduite sur le fondement des articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales. Il en va ainsi, notamment, du droit d'être informé préalablement à la vérification de comptabilité des années soumises à vérification, auquel se réfère l'article L. 47 de ce livre, et du droit de ne pas subir une nouvelle vérification de comptabilité au regard des mêmes impôts ou taxes pour la même période, auquel se réfère l'article L. 51 du même livre.

9. En second lieu, il résulte des dispositions citées aux points 6 et 7 ci-dessus que l'administration qui avise un redevable de ce qu'elle envisage de procéder à une vérification de comptabilité portant sur des opérations relatives à une période déterminée peut, en conséquence de cette vérification, régulièrement assujettir ce redevable à des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises due au titre d'années d'imposition dont la période de référence définie à l'article 1467 A du code général des impôts est comprise dans la période vérifiée. Il lui appartient également, le cas échéant, de tirer les conséquences, au titre d'années d'imposition ultérieures, des constatations effectuées sur ces opérations.

10. Il résulte des mêmes dispositions que lorsqu'un redevable est avisé de ce que l'administration envisage de procéder à une vérification de comptabilité portant sur ses déclarations fiscales d'une période déterminée, celle-ci peut régulièrement prendre connaissance au cours du contrôle des éléments servant de base à la cotisation foncière des entreprises due au titre d'une ou plusieurs années couvertes par cette même période, y compris lorsque ces éléments sont des immobilisations dont le redevable a disposé au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A du code général des impôts, et alors même que cette période de référence n'aurait pas été expressément mentionnée dans l'avis de vérification.

11. Il résulte de l'instruction que la SAS Montabert a été avisée le 29 janvier 2016 de l'avis de vérification du 27 janvier 2016 par lequel l'administration entendait procéder à une vérification de comptabilité concernant " l'ensemble de [ses] déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ". Elle a été rendue destinataire le 1er septembre 2016 d'une lettre n° 953-VG l'informant que la procédure de vérification de comptabilité visant l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée s'était conclue sans rectification. En revanche, elle a reçu un courrier daté du 14 septembre 2016 lui notifiant des rappels de cotisation foncière des entreprises pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016.

12. Il résulte également de l'instruction, et il n'est plus sérieusement contesté par l'administration, que les rectifications en litige mises à la charge de la SAS Montabert pour les années 2015 et 2016 en matière de cotisation foncière des entreprises étaient la conséquence de la vérification de comptabilité engagée le 3 mars 2016. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 9 que l'administration a pu régulièrement porter à la connaissance de la société Montabert des rectifications en matière de cotisation foncière des entreprises sur les années 2013 et 2014 mais également sur les années 2015 et 2016 dès lors que la période de référence définie à l'article 1467 A du code général des impôts pour ces années étaient incluses dans la période vérifiée et que l'administration s'est bornée à tirer les conséquences des constatations opérées, concernant la consistance des aménagements réalisés par la société, dans le cadre de l'examen, au cours de la vérification de comptabilité, des écritures comptables des exercices clos en 2013 et 2014. L'administration n'était pas tenue à ce titre d'adresser à la SAS Montabert préalablement un avis de vérification pour les années 2015 et 2016 ni une proposition de rectification. En outre, la SAS Montabert ne conteste pas avoir pu engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur durant la vérification de comptabilité ni ne soutient avoir été privée d'une garantie au cours de celle-ci. Elle a été par ailleurs invitée à présenter des observations suite au courrier du 14 septembre 2016, qui mentionne par erreur un avis de vérification limité à l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a déchargé la SAS Montabert des rappels de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge pour les années 2013 à 2016 au visa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

13. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Montabert devant le tribunal administratif de Lyon et la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

14. D'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base : 1 ° la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1518 B du même code : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...) / Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 2006 et pour les opérations mentionnées au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : / a. 90 % de son montant avant l'opération pour les opérations entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis (...). "

15. Le prix de revient d'une immobilisation, dont se déduit la valeur locative à comprendre dans les bases de la cotisation foncière des entreprises, est la valeur d'origine pour laquelle cette immobilisation a été inscrite au bilan. Cependant, lorsqu'une société acquiert des immobilisations à l'occasion d'une fusion réalisée selon un traité d'apport retenant comme valeur d'apport la valeur nette comptable, le prix de revient de ces immobilisations, au sens de l'article 1499 du code général des impôts, n'est pas la valeur d'origine des immobilisations dans les comptes de la société apporteuse, qui avait constitué un prix de revient pour cette société, mais la valeur réelle ayant le caractère de valeur d'apport pour la société recevant ces immobilisations. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts, que pour les immobilisations acquises par voie de fusions réalisées après le 1er janvier 2006, cette valeur ne peut être inférieure à 90 % de son montant avant l'opération pour les opérations entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis.

16. Il est constant qu'au cours de l'année 2009, la société Etablissements Montabert a été absorbée, par voie de fusion, par la société Doosan Equipements de construction, devenue depuis la SAS Montabert. Dans sa déclaration modèle U souscrite le 20 octobre 2009, après la fusion, la SAS Montabert a mentionné comme valeur d'apport, s'agissant de son établissement situé à Saint-Priest, pour le terrain, la somme de 725 258 euros et pour les constructions, la somme de 6 022 086 euros. L'administration fiscale estime qu'elle a à tort omis de porter sur cette déclaration le prix de revient des agencements fonciers qu'elle a inscrits au bilan de l'exercice clos en 2009 soit un montant de 255 000 euros au titre des aménagements des terrains et un montant de 13 621 253 euros pour l'aménagement des constructions que l'administration a ramené à 31 746 euros pour les terrains et 7 287 334 euros pour les constructions en limitant ces montants aux seuls aménagements qui avaient une valeur nette comptable positive à la date de la fusion. Toutefois, il ressort du traité de fusion, dans sa partie " désignation et évaluation de l'actif apporté ", que la valeur nette comptable au 31 décembre 2008 des agencements des terrains s'élevait à 48 941 euros et celle des agencements des bâtiments de l'établissement de Saint-Priest à 5 295 808 euros. La SAS Montabert est, par suite, fondée à soutenir que seule cette valeur doit être prise en compte. Il y a lieu, dans ces conditions, de réduire la base imposable à la cotisation foncière des entreprises de la SAS Montabert pour les années 2013 à 2016 à hauteur de ces montants au titre des agencements et de la décharger en conséquence et dans cette proportion des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge pour lesdites années.

17. Si l'administration revendique l'application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts, elle ne conteste pas dans ses écritures que la valeur nette comptable d'apport des agencements en litige concernant les terrains et les constructions telle qu'elle ressort du traité de fusion est supérieure à la valeur plancher de l'article 1518 B du code général des impôts. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.

18. D'autre part, sont exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

19. La SAS Montabert, qui exerce une activité de conception, production et commercialisation d'équipements hydrauliques de démolition et de forage, soutient que certains de ses équipements entrent dans le champ de la définition visée au point 18 et doivent être exonérés de cotisation foncière des entreprises. Il résulte de l'instruction que les équipements, seuls en litige, visés par les factures 130109, 130110, 13 011 relatifs à l'acheminement de l'électricité en l'occurrence des armoires d'alimentation électrique et le centre de commande numérique des fours utilisés dans le processus de traitement thermique des pièces fabriquées, par les factures 100063, 100069 à 100080 relatifs aux équipements liés au puisage de nappe phréatique - tuyaux servant au refroidissement des fours de processus de traitement thermique, par les factures 90104, 110056 relatifs à l'acheminement des fluides de refroidissement (bloc de refroidissement) et par la facture 140127 relatif à l'assècheur d'eau sont situés dans l'établissement situé à Saint-Priest où la SAS Montabert exerce une activité industrielle de fabrication de perforateurs, de brises-roches et d'équipements de forage. Il n'est pas contesté par l'administration que ces biens sont spécifiquement adaptés aux activités exercées dans l'établissement et qu'ils ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381. Par suite, la SAS Montabert est fondée à soutenir que ces biens doivent être exonérés de cotisation foncière des entreprises, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, dès lors qu'ils répondent à la définition des équipements et biens spécialisés.

20. Enfin, le prix de revient des immobilisations industrielles passibles de la cotisation foncière des entreprises, évalué selon la méthode comptable, est celui qui est inscrit à l'actif du bilan. L'administration peut se fonder sur les énonciations comptables opposables à la société pour inclure dans la valeur locative des immobilisations le montant des travaux inscrits en tant qu'immobilisations, sauf pour la société à démontrer que ces travaux constitueraient en réalité des charges déductibles ou qu'elle aurait inscrit en tant qu'immobilisations des biens exclus par nature des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises ou exonérés de celle-ci.

21. La SAS Montabert soutient que l'administration a pris en compte dans la base imposable à la cotisation foncière des entreprises des travaux portant sur des immobilisations qui ont le caractère de travaux de réparation courante n'augmentant pas la valeur locative de l'établissement. Il résulte de l'instruction que les dépenses réalisées en 2013 intitulées " réfection éclairage TGBT local sous-sol " pour 2 980,30 euros et en 2014 intitulées " réfection de tout l'éclairage et PC du local rangement cuisine " pour 1 995,20 euros, " réfection peinture des sols du bureau " contrôle " pour 1 889,50 euros et " réfection des murs des vestiaires hommes du restaurant " pour 1 572 euros constituent des travaux de réparations courantes n'augmentant pas la valeur locative de l'établissement eu égard notamment au faible montant engagé et à la nature des travaux réalisés. La SAS Montabert est ainsi fondée à demander que ces dépenses soient distraites de la base imposable.

22. En revanche, eu égard à la nature des autres travaux listés dans la pièce jointe n°19 de la requête introductive d'instance déposée devant le tribunal par la SAS Montabert et à leur montant, les dépenses afférentes, en 2010 au remplacement des climatiseurs, en 2012 à la rénovation des sanitaires, en 2013 à la réfection de la boucle d'eau de refroidissement des fours, à la pose d'un urinoir caniveau, au réaménagement des urinoirs, à la réfection des enrobés et en 2014 au remplacement des couvertines suite à la réfection de la toiture du bâtiment et aux travaux de réfection de la toiture, doivent être regardées comme afférentes à des travaux de nature à modifier les caractéristiques physiques du bâtiment exploité et, par suite, à conduire à une révision de la valeur locative de l'immeuble.

23. Il résulte de tout de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS Montabert des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge pour les années 2013 à 2016 à hauteur d'un montant excédant les bases imposables telles qu'elles résultent de la prise en compte des éléments visés aux points 16, 19 et 21 du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation du jugement n°1805807 du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a déchargé la SAS Montabert des rappels de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, sont renvoyées au Conseil d'État.

Article 2 : Les bases d'imposition de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SAS Montabert a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 sont réduites à concurrence de la prise en compte des montants visés aux points 16, 19 et 21 du présent arrêt.

Article 3 : La fraction des rappels de cotisation foncière des entreprises mis à la charge de la SAS Montabert au titre des années 2013 à 2016 à hauteur des bases définies à l'article 2 sont remis à la charge de la société Montabert.

Article 4 : Le jugement n°1805807 du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS Montabert une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SAS Montabert.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01448

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01448
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité. - Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : AUBIN EMMANUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;20ly01448 ?
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