La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°21LY00302

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 novembre 2022, 21LY00302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MMA IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Moderne Entreprises Canalisation (SOMEC) à lui verser la somme totale de 66 014,77 euros, en réparation du préjudice que lui a causé le versement de ce montant à son assurée, la SARL Degroot, au titre d'un sinistre qu'elle impute à des dommages de travaux publics.

Par un jugement n° 1905097 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021et régularisée le 8 février 2021, et un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MMA IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Moderne Entreprises Canalisation (SOMEC) à lui verser la somme totale de 66 014,77 euros, en réparation du préjudice que lui a causé le versement de ce montant à son assurée, la SARL Degroot, au titre d'un sinistre qu'elle impute à des dommages de travaux publics.

Par un jugement n° 1905097 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021et régularisée le 8 février 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 novembre 2021, la SA MMA IARD, représentée par la SELARL Legi 01, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905097 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner la société Moderne Entreprises Canalisation (SOMEC) à lui verser la somme totale de 66 014,77 euros, en réparation du préjudice que lui a causé le versement de ce montant à son assurée, la SARL Degroot, au titre d'un sinistre qu'elle impute à des dommages de travaux publics ;

3°) de condamner la société SOMEC à prendre en charge les frais de l'expertise ordonnée par le juge judiciaire à hauteur du montant restant dû de 1 956,48 euros et à lui rembourser la part qu'elle a réglée ;

4°) de mettre à la charge de la société SOMEC une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

* elle est subrogée dans les droits et actions de son assurée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

* le litige relève de la juridiction administrative s'agissant de dommages de travaux publics, la société SOMEC étant en l'espèce intervenue pour le compte du syndicat intercommunal des eaux Veyle-Reyssouze-Vieux-Jonc ;

* le tiers victime de dommages de travaux publics peut rechercher la responsabilité sans faute des intervenants, et ni la force majeure ni la faute de la victime ne sont établies ;

* elle est fondée à réclamer le remboursement de la garantie perte d'exploitation et de la garantie dommages aux biens ;

* elle est en outre fondée à demander le remboursement des frais de l'expertise ordonnée par le juge judiciaire ;

* le lien de causalité entre les dommages et l'intervention de la société SOMEC est suffisamment établi.

Par un mémoire enregistré le 23 août 2021, le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc, représenté par la SELARL Carnot, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, au rejet des conclusions d'appel en garantie formées contre lui par la société SOMEC ;

3°) infiniment subsidiairement, à ce que la société Aqualter soit condamnée à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui ;

4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société SOMEC, ou subsidiairement de la société Aqualter, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat intercommunal soutient que :

* c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la subrogation n'est pas établie ;

* subsidiairement, le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi ;

* les préjudices ne sont pas davantage établis ;

* l'appel en garantie de la société SOMEC doit subsidiairement être rejeté, dès lors que le vice, s'il était retenu, est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, et qu'en tout état de cause l'article 4.2.1.3 du CCAP réserve la responsabilité de l'entreprise après réception pour le cas des dommages causés aux tiers ;

* infiniment subsidiairement, la société Aqualter doit le garantir en tant que concessionnaire responsable du fonctionnement du réseau.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021, la SAS Moderne Entreprises Canalisation (SOMEC) et la société allemande HDI Global SE, représentées par la SCP Ducrot associés DPA, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, au rejet des conclusions d'appel en garantie formées par le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc ;

3°) infiniment subsidiairement, à ce que le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc et la société Aqualter soient condamnés à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle ;

4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés SOMEC et HDI Global SE soutiennent que :

* la requête est irrecevable en l'absence de subrogation ;

* subsidiairement, aucun lien n'est établi entre les dommages et les travaux réalisés par la société SOMEC, qui ont été réceptionnés sans réserve ;

* infiniment subsidiairement, elle doit être garantie par le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc, compte tenu de la réception des travaux, et par la société Aqualter, en charge du fonctionnement du réseau ;

* les préjudices ne sont pas établis.

Un mémoire complémentaire produit pour les sociétés SOMEC et HDI Global SE et enregistré le 25 octobre 2021 n'a pas été communiqué.

Un mémoire complémentaire produit pour la société MMA IARD et enregistré le 24 novembre 2021 n'a pas été communiqué.

Un mémoire complémentaire produit pour le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc et enregistré le 6 décembre 2021 n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 20 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2021 à 16h30. Par ordonnance du 8 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au 8 décembre 2021 à 16h30.

Par courrier du 28 septembre 2022, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur les deux moyens, relevés d'office, tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige portant sur un vice du branchement particulier en eau, qui se rattache aux relations entre un service public industriel et ses usagers, et de l'irrégularité du jugement pour ne pas avoir relevé l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2022 et rectifié le jour-même, la SA MMA IARD, représentée par la SELARL Legi 01, a présenté des observations sur le moyen d'ordre public, en exposant que les travaux sont des travaux publics et que l'ouvrage est un ouvrage public, et en indiquant en outre qu'écarter la compétence de la juridiction administrative entraînerait un déni de justice dès lors que la juridiction judiciaire a précédemment décliné sa compétence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code des assurances ;

* le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, rapporteur,

* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

* les observations de Me Clerc, représentant la société SOMEC,

* et les observations de Me Gneno-Gueydan, représentant le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal des eaux Veyle Reyssouze Vieux Jonc a fait réaliser à la fin de l'année 2015, en qualité de maître d'ouvrage, des travaux par la société SOMEC sur le réseau public d'adduction d'eau. Dans la nuit du 14 au 15 juillet 2016, un bâtiment utilisé au rez-de-chaussée par la société Degroot à usage de restaurant et de bar, a subi un dégât des eaux. La société MMA IARD, assureur de la société Degroot et agissant comme subrogée dans les droits et actions de son assurée, recherche la responsabilité de la société SOMEC en sa qualité d'entrepreneur chargé de la réalisation d'une opération de travaux publics.

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".

3. Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat d'abonnement qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à l'usager, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés à ce dernier à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service du fait de la rupture du branchement particulier desservant l'usager, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l'exécution de travaux publics ou l'entretien d'ouvrages publics.

4. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, que le dégât des eaux dont a été victime la société Degroot trouve son origine dans le défaut de serrage d'un tuyau situé au niveau du raccordement de la canalisation publique refaite au réseau intérieur privatif de la société. Il doit être ainsi regardé comme survenu à l'occasion de la fourniture de l'eau à la société, du fait d'un vice affectant le branchement particulier de celle-ci. Le litige afférent ne relève dès lors pas de la compétence de l'ordre juridictionnel administratif, mais de celle de l'ordre judiciaire.

5. Par ordonnance en date du 7 mars 2019 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, devenue définitive, cette juridiction a décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer sur le litige entre les sociétés MMA IARD et SOMEC, au profit des juridictions de l'ordre administratif, au motif que les dommages en litige trouvaient leur origine dans une opération de travaux publics.

6. Par application des dispositions précitées du décret du 27 février 2015, il y a lieu de renvoyer l'affaire au Tribunal des conflits pour qu'il tranche la question de compétence. Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête dans l'attente de la réponse donnée par le Tribunal des conflits sur cette question de compétence.

D E C I D E :

Article 1er : La question de compétence exposée aux points 3 à 5 du présent arrêt est renvoyée au Tribunal des conflits et il est sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché cette question.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Tribunal des conflits, à la société MMA IARD, à la société Moderne Entreprises Canalisation (SOMEC), au syndicat intercommunal des eaux Veyle-Reyssouze-Vieux-Jonc, à la société Aqualter et à la société HDI Global SE.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au préfet de l'Ain, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00302
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Travaux publics - Dommages de travaux publics.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Problèmes particuliers posés par certaines catégories de services publics - Service public industriel et commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-29;21ly00302 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award