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24/11/2022 | FRANCE | N°22LY00196

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 novembre 2022, 22LY00196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire pendant trois ans.

Par jugement n° 2106348 du 28 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire san

s délai, la fixation du pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire pendant trois ans.

Par jugement n° 2106348 du 28 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire sans délai, la fixation du pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire.

Par jugement n° 2106348 du 21 décembre 2021, le tribunal, statuant en formation collégiale, a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, M. A..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2021, ainsi que le refus de séjour du 30 août 2021 du préfet de l'Isère le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résidence ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; d'une part, c'est à tort que le tribunal a écarté l'exception de non-lieu à statuer sur sa demande, la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour quelques jours après la décision en litige ayant nécessairement eu pour effet d'abroger celle-ci ; d'autre part, le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 2° de l'article L. 511-7 ainsi que l'article L. 542-4 du même code ; dès lors qu'il conserve sa qualité de réfugié, il doit être admis au séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 432-1 du même code, est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de l'Isère n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure ;

- et les observations de Me Guillaume pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1995 est entré sur le territoire français en mai 2016. Il a demandé l'asile le 3 juin 2016. Par une décision du 31 mai 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a reconnu le statut de réfugié. Il a fait l'objet d'une condamnation pénale, le 23 août 2017, à vingt mois d'emprisonnement fermes pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans. A sa sortie de prison en novembre 2018, M. A... a bénéficié de récépissés de demande de carte de résident sans que cette carte ne lui soit délivrée. Par une décision de l'OFPRA du 7 juillet 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 30 avril 2021, le statut de réfugié lui a été retiré. Par arrêté du 30 août 2021, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi en application de l'article R. 776-17 du code de justice administrative de la décision relative au séjour, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la délivrance à M. A... d'un récépissé de demande de titre de séjour le 2 septembre 2021, soit postérieurement au refus de titre de séjour en litige mais avant l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal, n'a pas eu pour effet de rapporter ou d'abroger ce refus, lequel a continué de produire ses effets. Postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'a d'ailleurs pas renouvelé ce récépissé. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait droit à l'exception de non-lieu à statuer soulevée par le demandeur.

3. En second lieu, si le préfet a mentionné dans ses écritures en défense devant le tribunal que l'intéressé s'était vu retirer le statut de réfugié par décision de l'OFPRA prise sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, corrigeant ainsi une mention erronée de la décision attaquée faisant état de la perte de qualité de réfugié prévue par l'article L. 542-4 du même code, cette mention, qui vise à apporter des précisions sur la situation de l'intéressé, ne constituait pas une demande de substitution de motifs ou de base légale de la décision attaquée à laquelle aurait omis de répondre le tribunal, la décision litigieuse étant uniquement fondée sur l'article L. 431-2 du même code.

4. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté dans toutes ses branches.

Sur la légalité du refus de titre de séjour du 30 août 2021 :

5. Aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, codifié à l'article L. 711-6 dans la version antérieure au 1er mai 2021 : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. En premier lieu, M. A..., qui a perdu le statut de réfugié, ne bénéficie pas de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour attaché à la reconnaissance et au maintien de sa qualité de réfugié. Dans ces conditions, le refus litigieux n'a pas méconnu l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement invoquer la violation de l'article L. 542-4 du même code, cette disposition n'étant pas applicable à sa situation.

7. En deuxième lieu, les faits d'agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans pour lesquels le requérant a fait l'objet d'une condamnation pénale de vingt mois d'emprisonnement ferme par le tribunal correctionnel de Vienne et qui ont justifié le retrait du statut de réfugié, sont récents et constitutifs d'une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence d'éléments circonstanciés, notamment afférent à son suivi psychologique ultérieur, les éléments invoqués par le requérant tenant à l'absence de récidive, à son engagement associatif, à sa formation en langue française, à ses démarches en vue de son insertion professionnelle, laquelle demeure toutefois précaire, ne sauraient constituer des gages suffisants de sa réinsertion dans la société française et d'absence de risque de récidive. Le préfet a ainsi pu se fonder sur ces dispositions pour refuser un titre de séjour à M. A... sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, les tentatives de réinsertion de l'intéressé évoquées au point précédent depuis sa sortie de prison ne suffisent pas à établir que l'intéressé a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, où il n'a séjourné que cinq années dont dix-huit mois en y étant incarcéré. Le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être, par voie de conséquence, rejetées, de même que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 22LY00196


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 24/11/2022
Date de l'import : 04/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22LY00196
Numéro NOR : CETATEXT000046618518 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;22ly00196 ?
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