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08/08/2022 | FRANCE | N°19LY01745

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 08 août 2022, 19LY01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Dekal a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2011 au 30 août 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803160 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SARL Dekal

des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Dekal a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2011 au 30 août 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803160 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SARL Dekal des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 août 2015, ainsi que des pénalités correspondantes (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Dekal les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ainsi que les pénalités correspondantes, pour la période du 1er juillet 2011 au 30 août 2015, à hauteur de 69 345 euros en droits et de 2 836 euros d'intérêts de retard.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mise en œuvre du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 268 du code général des impôts suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique à celle du bien acquis, la notion d'achat-revente de terrains à bâtir ou de bâtiments devant s'entendre comme excluant toutes les opérations de transformation ;

- ainsi, les opérations consistant en l'espèce en la revente comme terrain à bâtir, après division parcellaire, de terrains initialement acquis comme terrains d'assiette d'immeubles bâtis ne peuvent bénéficier du régime dérogatoire, d'interprétation stricte, mais doivent être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de cession.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2019, la SARL Dekal, représentée par Me Aubin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est, comme celle sur la revente de biens d'occasion notamment, conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction lors de l'acquisition, en raison de la qualité de non assujetti du vendeur, afin d'éviter tout risque de double imposition à la taxe sur la valeur ajoutée résultant d'une rémanence de cette taxe ;

- en exigeant une identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien revendu, l'administration fiscale ajoute une condition non prévue par la loi fiscale, et qui ne ressort pas davantage de la volonté du législateur, l'article 268 du code général des impôts ne comportant pas de référence aux caractéristiques juridiques ou physiques du bien acquis puis revendu.

Par courrier du 22 février 2022, les parties ont été invitées à actualiser leurs écritures à la suite de l'intervention des décisions de la CJUE C-299/20 du 30 septembre 2021 et C-191/21 du 10 février 2022.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Il fait en outre valoir que les terrains initialement acquis par la SARL Dekal étaient bâtis, de sorte que la condition d'identité juridique avec les terrains à bâtir ultérieurement revendus n'est pas remplie.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2022, la SARL Dekal conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Elle fait en outre valoir que les biens immobiliers en litige remplissaient, à la date de leur acquisition, les critères de la définition nationale de " terrains à bâtir " figurant au 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, de sorte qu'est remplie la condition de continuité de l'identité juridique, pour l'application de l'article 268 du même code.

L'affaire a été appelée à une première audience le 25 mai 2022, à l'issue de laquelle une note en délibéré concluant aux mêmes fins que précédemment, présentée pour la SARL Dekal et accompagnée de nouvelles pièces, a été enregistrée, le 1er juin 2022, et communiquée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Aubin, représentant la SARL Dekal ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dekal, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, entre le 18 mai 2011 et le 15 juin 2015, divers biens immobiliers au Chambon-Feugerolles, à Fraisses, à Bas-en-Basset et à Unieux. Entre le 1er mars 2012 et le 23 juillet 2015, elle a procédé à la revente de huit terrains à bâtir à différents acquéreurs, en assujettissant chacune de ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 31 août 2015, l'administration fiscale, selon proposition de rectification du 6 novembre 2015, a remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à ces opérations et procédé à des rappels pour l'ensemble de la période contrôlée, assis sur l'intégralité du prix de vente des terrains cédés et mis en recouvrement le 31 mars 2017, pour un montant de 69 345 euros en droits, assorti de 2 836 euros d'intérêts de retard. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler le jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge totale de ces rappels ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Selon l'article 12 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, (...) une seule des opérations suivantes: / a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation; b) la livraison d'un terrain à bâtir. / 2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme " bâtiment " toute construction incorporée au sol. (...) / 3. Aux fins du paragraphe 1, point b), sont considérés comme " terrains à bâtir " les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les États membres ". Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, définis en droit interne comme les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction applicable, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

4. Par une ordonnance du 10 février 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

5. Il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lyon, l'administration fiscale, pour remettre en cause l'applicabilité aux opérations litigieuses des dispositions de l'article 268 précité du code général des impôts, pouvait légalement opposer à la SARL Dekal la circonstance que les terrains revendus comme terrains à bâtir ne devaient pas avoir été préalablement acquis comme terrains bâtis. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, prononcé la décharge des impositions litigieuses.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Dekal tant en première instance qu'en appel.

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en opposant à la SARL Dekal la circonstance que les terrains revendus comme terrains à bâtir ne devaient pas avoir été préalablement acquis comme terrains bâtis, l'administration fiscale, qui ne s'est pas prévalue d'une directive européenne qui n'aurait pas été intégralement transposée en droit interne, n'a ni ajouté à la loi une condition issue de sa doctrine, ni procédé à l'interprétation d'un texte clair.

8. En deuxième lieu, dans son arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021, Icade Promotion SAS contre Ministère de l'action et des comptes publics, la Cour de Justice de l'Union européenne a aussi dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu'il permet d'appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de cette hypothèse, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée.

9. Il résulte de l'instruction que l'acquisition des terrains en litige par la SARL Dekal, effectuée auprès de vendeurs particuliers n'ayant pas la qualité d'assujettis, n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit justifié, eu égard aux mentions portées sur les actes, que le prix d'acquisition aurait incorporé un montant de taxe acquittée en amont par les vendeurs initiaux. Par suite, la SARL Dekal n'est pas fondée à soutenir que les rappels litigieux auraient pour effet de procéder à une double imposition.

10. En dernier lieu, dans son arrêt C-71/18 du 4 septembre 2019, Skatteministeriet contre KPC Herning, la Cour de Justice de l'Union européenne a également dit pour droit que l'article 12, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphes 2 et 3, ainsi que l'article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu'une opération de livraison d'un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifiée de livraison d'un " terrain à bâtir " lorsque cette opération est économiquement indépendante d'autres prestations et ne forme pas, avec celles-ci, une opération unique, même si l'intention des parties était que le bâtiment soit totalement ou partiellement démoli pour faire place à un nouveau bâtiment.

11. Dès lors qu'il incombe à la juridiction de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause, si les biens acquis par l'assujetti relèvent de la notion de " terrain à bâtir " au sens du 3 précité de l'article 12 de la directive et, ainsi, du champ d'application de l'article 392, et que les possibilités réglementaires de construction prévues par le droit interne sont susceptibles de varier au sein d'une même unité foncière, la prise en compte des règles dégagées par la Cour de justice de l'Union européenne implique que la qualification éventuelle de terrain à bâtir doit s'apprécier distinctement pour chaque parcelle constituant le bien immobilier initialement acquis par l'assujetti.

12. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SARL Dekal a d'abord acquis le

18 mai 2011 une unique parcelle au Chambon-Feugerolles supportant déjà une construction incorporée au sol, soit un terrain bâti, et non un terrain nu ou aménagé, quelle que soit la constructibilité résiduelle du terrain attenant à la maison d'habitation et aux blocs de garages, et qu'elle a d'ailleurs revendu le 1er mars 2012 " un terrain à bâtir viabilisé (...), sur lequel était édifié un ancien garage aujourd'hui démoli ", issu de la parcelle initialement acquise. La SARL Dekal n'est, dès lors, et en l'absence d'opération unique, pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un terrain pouvant partiellement recevoir la qualification de terrain à bâtir.

13. La SARL Dekal a ensuite acquis, le 7 juin 2013, trois parcelles à Fraisses supportant une maison d'habitation avec terrain autour. Contrairement à ce que soutient la société dans ses dernières écritures, il résulte de l'instruction que les deux parcelles ultérieurement revendues comme terrain à bâtir sont intégralement issues de la parcelle initiale cadastrée AI 308, et non de l'étroite parcelle AI 309 de 17 centiares séparant les parcelles 308 et 310. Cette parcelle 308 supportant la maison d'habitation existante, soit une construction incorporée au sol, était ainsi constitutive d'un terrain bâti, et non d'un terrain nu ou aménagé, quelle que soit la constructibilité résiduelle du terrain attenant à la maison. La SARL Dekal n'est, dès lors, et en l'absence d'opération unique, pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un terrain pouvant partiellement recevoir la qualification de terrain à bâtir.

14. La SARL Dekal a également acquis, le 2 juillet 2014, deux parcelles à Bas-en-Basset, comprenant une maison d'habitation, un appentis et du terrain autour. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'admet la société dans ses dernières écritures, que ces parcelles, dont sont issus les terrains à bâtir ultérieurement revendus, supportaient la maison d'habitation existante, soit une construction incorporée au sol, et étaient ainsi constitutives de terrains bâtis, et non de terrains nus ou aménagés, quelle que soit la constructibilité résiduelle du terrain attenant. La SARL Dekal n'est, dès lors, et en l'absence d'opération unique, pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un terrain pouvant partiellement recevoir la qualification de terrain à bâtir.

15. La SARL Dekal a aussi acquis, le 31 juillet 2014, deux parcelles au Chambon-Feugerolles comportant une maison, une cour supportant des hangars et boutiques et du terrain à la suite en nature de jardin. Il résulte de l'instruction que chacun des deux terrains ultérieurement revendus comme terrains à bâtir est pour l'essentiel issu de celle des deux parcelles initiales supportant des bâtiments, soit des constructions incorporées au sol. Cette parcelle initiale dont sont issus les terrains à bâtir était ainsi constitutive d'un terrain bâti, et non d'un terrain nu ou aménagé, quelle que soit la constructibilité résiduelle. La SARL Dekal n'est, dès lors, et en l'absence d'opération unique, pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un terrain pouvant partiellement recevoir la qualification de terrain à bâtir.

16. En revanche, il résulte également de l'instruction que la SARL Dekal a acquis le 15 mai 2014 quatre parcelles à Fraisses, cadastrées section AC n° 316, 317, 318 et 319, comportant deux maisons d'habitation, cour et jardin, et qu'elle a revendu le 9 janvier 2015 la parcelle AC 319 en qualité de terrain à bâtir, ainsi qu'un tiers indivis de la parcelle AC 317 en nature de chemin d'accès, sans procéder à une nouvelle division parcellaire. Il est par ailleurs constant que les deux maisons existantes ont été revendues séparément les 16 et 31 mai 2014. Par suite, la parcelle AC 319, elle-même dépourvue de constructions incorporées au sol lors de l'acquisition initiale et sur laquelle il n'est pas contesté que des constructions pouvaient être autorisées en vertu du plan local d'urbanisme, répondait, à la date de son acquisition par la SARL Dekal, à la qualification de terrain à bâtir définie à l'article 257 du code général des impôts. Par suite, la SARL Dekal est fondée à soutenir qu'elle a acquis puis revendu un terrain à bâtir à l'occasion de cette opération et pouvait en conséquence appliquer à la vente en litige le régime, prévu à l'article 268 du code général des impôts, de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

17. La SARL Dekal a également acquis le 15 juin 2015 deux parcelles cadastrées AK 309 et 311 à Unieux comprenant une maison d'habitation et le terrain attenant. Elle a revendu le 23 juillet 2015 une parcelle de terrain à bâtir cadastrée AK 521 provenant de la division de la parcelle AK 311, dont il résulte de l'instruction qu'elle ne supportait aucune construction, la maison d'habitation acquise initialement étant édifiée sur la parcelle 309. Il suit de là, même si l'acte notarié ne le précise pas explicitement, que la parcelle initiale AK 311, elle-même dépourvue de construction incorporée au sol et sur laquelle il n'est pas contesté que des constructions pouvaient être autorisées en vertu du plan local d'urbanisme, répondait, à la date de son acquisition par la SARL Dekal, à la qualification de terrain à bâtir définie à l'article 257 du code général des impôts. La circonstance que ce terrain ait fait l'objet, entre le moment de son acquisition et celui de sa revente par l'assujetti, d'une division parcellaire, ne lui a pas fait perdre cette qualification et ne fait dès lors pas obstacle à l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Par suite, la SARL Dekal est fondée à soutenir qu'elle a acquis puis revendu un terrain à bâtir à l'occasion de cette opération et pouvait en conséquence appliquer à la vente en litige le régime prévu à l'article 268 du code général des impôts.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge de l'intégralité des droits et majorations en litige. Il y a lieu en conséquence de limiter la décharge prononcée par le jugement attaqué au profit de la SARL Dekal à la fraction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la différence entre une imposition sur le prix total de cession de 40 000 euros et 61 000 euros retiré de la vente d'un terrain à bâtir à Fraisses le 9 janvier 2015 et d'un terrain à bâtir à Unieux le 23 juillet 2015 et une imposition sur la marge, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et de remettre à la charge de la société le surplus des impositions en litige, ainsi que les intérêts de retard correspondants.

Sur les frais liés au litige :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décharge prononcée par le jugement n° 1803160 du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon est limitée à la fraction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Dekal au titre de la cession de biens immobiliers à Fraisses le 9 juin 2015 au prix de 40 000 euros et à Unieux le 23 juillet 2015 au prix de 61 000 euros, correspondant à la différence entre une imposition sur le prix total de cession et une imposition sur la marge, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 2 : Le surplus des impositions en litige est remis à la charge de la SARL Dekal, ainsi que les intérêts de retard correspondants.

Article 3 : Le jugement n° 1803160 du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Dekal une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi qu'à la SARL Dekal.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY01745

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01745
Date de la décision : 08/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Application du droit de l’Union européenne par le juge administratif français - Prise en compte des arrêts de la Cour de justice - Interprétation du droit de l’Union.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : AUBIN EMMANUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-08-08;19ly01745 ?
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