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28/06/2022 | FRANCE | N°21LY03124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 juin 2022, 21LY03124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 19 août 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2105624-2105625 du 24 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 19 août 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2105624-2105625 du 24 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 août 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 19 août 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai méconnait l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision d'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 15 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 25 décembre 1993 et de nationalité turque, est entré en France le 6 octobre 2017. Par décisions respectives du 21 décembre 2018 et du 3 juillet 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile. Par des arrêtés du 19 août 2021, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 24 août 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 6 octobre 2017. Il soutient résider en France depuis quatre ans auprès de sa famille composée de cinq oncles ayant bénéficié du statut de réfugié. Alors qu'il ne résidait sur le territoire français que depuis quatre ans à la date de la décision attaquée, il ne justifie pas être dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine, ni avoir noué en France des liens personnels d'une intensité particulière. Dans ces conditions, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré d'une violation des stipulations précitées doit être écarté.

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". Il ressort des pièces du dossier que, pour décider de priver de délai de départ volontaire M. B..., le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur son maintien en situation irrégulière à la suite de la mesure d'éloignement non exécutée du 1er août 2019, sur son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire et sur l'absence de représentation de garanties de représentation suffisantes faute de justifier de la possession de document d'identité ou de voyage. Si M. B... indique demeurer en France depuis quatre ans et soutient disposer d'un hébergement en France chez son oncle, il ressort des pièces du dossier qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 1er août 2019 et qu'il n'allègue même pas être en possession de documents d'identité. Par suite, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant se trouvait dans le cas que prévoient les dispositions du 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut prendre une obligation de quitter le territoire français sans accorder aucun délai de départ volontaire. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas légalement justifiée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B... soutient qu'il serait menacé en cas de retour en Turquie du fait de ses actions militantes au sein de mouvements en faveur de la cause kurde mais il n'apporte toutefois aucun élément probant au soutien de ses allégations qui ont au demeurant été écartées par les instances chargées de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de conclusions tendant à l'annulation de cette décision nouvelle en appel, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour :

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.

Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

7. M. B... n'ayant pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. En faisant interdiction à l'intéressé de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et alors même que ce dernier fait valoir qu'il justifie d'une présence de quatre années sur le territoire national et qu'il appartient à une famille d'origine kurde, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas entaché sa décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans d'une erreur d'appréciation.

Sur la décision d'assignation à résidence :

8. M. B... fait valoir que la décision d'assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours n'est pas motivée et est entachée d'une erreur d'appréciation. L'arrêté précise, après avoir visé la décision d'obligation de quitter le territoire prise le 19 août 2021, et après avoir rappelé l'existence d'une adresse dans le département de la Haute-Savoie, que le requérant " présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la présente obligation en attente de son exécution effective ". Ainsi, en prenant en compte l'ensemble de ces éléments, le préfet a suffisamment motivé sa décision. Compte tenu de la durée de la mesure d'assignation à résidence, alors que l'éloignement de l'intéressé demeurait une perspective raisonnable, et des effets de cette mesure, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces deux moyens nouveaux en appel à l'encontre de cette décision, les conclusions à fin d'annulation de cette décision doivent être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

François Bodin-Hullin

La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY03124


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 28/06/2022
Date de l'import : 12/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY03124
Numéro NOR : CETATEXT000046004773 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-28;21ly03124 ?
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