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21/06/2022 | FRANCE | N°21LY01520

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21LY01520


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000898 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, Mme B..., représen

tée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000898 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 14 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas préalablement saisi la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- subsidiairement, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- consécutivement à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour et d'éloignement, il y aura lieu d'annuler les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2022, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les observations de Me D'Ovidio substituant le cabinet Centaure Avocats représentant le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1992, est entrée en France en 2012 selon ses déclarations. En conséquence du rejet de sa demande d'asile, le préfet de la Côte-d'Or a pris à son encontre, le 24 septembre 2014, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mai 2015. Mme B... s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire national et a demandé, le 14 mai 2019, la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir la naissance de sa fille, le 17 janvier 2016, reconnue de manière anticipée par un ressortissant français. Par un arrêté du 14 février 2020, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère d'une enfant française, née le 17 janvier 2016, reconnue par anticipation, le 3 septembre 2015, par un ressortissant français. Il ressort des énonciations de la décision en litige que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, le préfet de la Côte-d'Or s'est notamment fondé sur la circonstance que le père ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. S'il est constant que, par un jugement du 12 décembre 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dijon a fixé une pension alimentaire de 150 euros à la charge du père pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci se soit conformé à cette décision. Par ailleurs, ce dernier qui vit en région parisienne a, lors de son audition par les services de police, déclaré qu'il n'avait eu la garde de l'enfant que deux fois depuis sa naissance sans être en mesure de préciser la date. Ainsi, le préfet de la Côte-d'Or pouvait légalement, pour ce seul motif, refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... fait valoir la durée de sa présence en France, la circonstance qu'elle a travaillé lorsqu'elle était titulaire de récépissés de demande de titre de séjour ainsi que la présence du père de son enfant en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, entrée irrégulièrement en France, ne s'est maintenue régulièrement sur le territoire national qu'au bénéfice de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, rejetée en dernier lieu, par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 14 janvier 2015. Elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 24 septembre 2014 à laquelle elle n'a pas déféré et s'est maintenue depuis lors en situation irrégulière. Elle ne vit pas avec le père de son enfant et ne conteste pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses frères et sœurs. Par suite, eu égard à ses conditions d'entrée et de séjour en France, la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de la Côte-d'Or n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Si Mme B... fait valoir la présence du père de son enfant en France, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, que celui-ci vit en région parisienne, ne verse pas régulièrement la pension alimentaire décidée par le juge aux affaires familiales et n'a eu la garde de l'enfant que deux fois depuis sa naissance. Dans ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

12. Les conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination ont été rejetées pour irrecevabilité par le tribunal administratif au motif qu'elles n'étaient assorties d'aucun moyen soulevé avant l'expiration du délai de recours le 6 mai 2020. Dès lors que Mme B... ne critique pas ce motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges et alors qu'il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée à la requérante en première instance, ses conclusions reprises en appel doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les autres conclusions :

14. Les conclusions à fin d'annulation présentées pour Mme B... étant rejetées, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent en conséquence être rejetées.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01520
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-21;21ly01520 ?
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