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21/06/2022 | FRANCE | N°21LY01381

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21LY01381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002167 du 12 avril 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions de la demande dirigées contr

e le refus de délivrance d'un titre de séjour ainsi que les conclusions accessoires don...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002167 du 12 avril 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions de la demande dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties, a annulé les décisions du préfet de la Côte-d'Or portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 7 juillet 2020, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée a prononcé l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, en se fondant sur le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est constant que les pathologies dont se prévaut M. A... peuvent faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressé devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2022, M. A..., représenté par Me Grenier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que la magistrate désignée a considéré que la mesure d'éloignement était entachée d'une méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est au demeurant entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, qui est entachée d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen de sa situation particulière et d'une méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, premier conseiller,

- et les observations de Me d'Ovidio représentant le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien né en 1961, est entré en France le 18 octobre 2011 selon ses déclarations. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen de sa demande d'asile ayant été rejetées, l'intéressé a sollicité à plusieurs reprises la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Si la légalité de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 4 juillet 2014 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 septembre 2014, l'arrêté du 26 janvier 2018 ayant le même objet a été annulé par un jugement du même tribunal du 3 mai 2018. Le préfet de la Côte-d'Or, après avoir réexaminé la situation de M. A... en exécution de l'injonction qui lui était faite, a délivré à ce dernier des titres de séjour successifs, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, depuis le 18 mai 2018 jusqu'au 9 octobre 2019. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet de la Côte-d'Or a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. En cours d'instance devant le tribunal administratif de Dijon, l'intéressé a été assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Côte-d'Or par un arrêté du 30 mars 2021. En application du dernier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 12 avril 2021, après avoir renvoyé le jugement des conclusions de la demande présentée par M. A... dirigées contre la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, à la formation collégiale de ce tribunal, a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 7 juillet 2020. Elle a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui souffre d'une cardiopathie ischémique, d'un diabète de type 2, de troubles neuropsychologiques et d'une dépression sévère avec anorexie, hallucinations, mutisme et insomnie, a été victime en 2019 d'un accident vasculaire cérébral ayant entraîné une hémiparésie du membre supérieur droit. Ses troubles neuropsychologiques posant des difficultés d'observance de la prescription de son traitement médicamenteux, il a fait l'objet d'un suivi médical régulier et a été hospitalisé à plusieurs reprises. Par un avis du 20 novembre 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois. Pour refuser le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur une fiche pays établie par le Federal Public Service Home Affairs de Bruxelles datée du 27 juin 2014 ainsi que sur un rapport de l'Organisation Internationale pour les Migrations, daté de 2017, selon lesquels la Géorgie offre un certain nombre de soins destinés à ses ressortissants dans le cadre d'un programme de soins de santé universel financé par l'Etat, les citoyens géorgiens en provenance de l'étranger sont automatiquement bénéficiaires de l'assurance publique et peuvent, le cas échéant obtenir une assistance de l'Organisation internationale des migrations et une prime lorsqu'ils ont des besoins spéciaux. Il en a déduit que les ressortissants géorgiens sont à même de trouver en Géorgie un traitement approprié à leur état de santé. Le préfet s'est également fondé sur un courrier du 17 juin 2020 du ministère de la santé géorgien selon lequel " le traitement contre la cardiopathie ischémique est disponible en Géorgie " et " les médicaments prescrits à M. A... sont enregistrés sur le marché pharmaceutique général ". Toutefois, en se bornant à faire état de documents rédigés par le Federal Public Service Home Affairs et l'Organisation internationale pour les migrations, eu égard à leurs termes généraux et relativement anciens, et en affirmant que M. A... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à la prise en charge de sa cardiopathie ischémique, le préfet de la Côte-d'Or n'établit pas que l'intéressé pourrait effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié de l'ensemble des pathologies dont il souffre. Ainsi, en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a annulé l'obligation de quitter le territoire français contenue dans son arrêté du 7 juillet 2021 ainsi que par voie de conséquence la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination.

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à Me Grenier, avocate de M. A..., sous réserve que Me Grenier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Grenier, la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01381


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 21/06/2022
Date de l'import : 28/06/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01381
Numéro NOR : CETATEXT000045952189 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-21;21ly01381 ?
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