La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2022 | FRANCE | N°21LY00880

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21LY00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1806754 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2021 et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 2022 qui n'a pas été communiqu

é, M. A..., représenté par Me Duraffourd, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1806754 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2021 et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 2022 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Duraffourd, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions du a) du 1° d B du 1 quater du I de l'article 150-0 D du code général des impôts ont été méconnues ; l'objectif du législateur est de permettre à ceux qui ont créé une activité en souscrivant au capital de sociétés nouvelles de bénéficier de l'abattement renforcé de 85 % ; l'opération d'apport visée par les dispositions précitées est purement intercalaire ; le délai doit être décompté à compter de la création de l'activité sous forme d'entreprise individuelle ; c'est parce qu'une personne a pris le risque de créer une activité que le législateur a prévu de lui faire bénéficier d'un abattement renforcé pour le calcul de la plus-value réalisée lors de la cession des titres avec une durée de détention décomptée à compter de la création de l'activité apportée à la société ;

- il a créé une entreprise nouvelle le 12 avril 2007 qu'il a ensuite apportée le 23 février 2009 à l'EURL Bluecars ; cette société avait pour objet exclusif la poursuite de l'activité justifiant non seulement que la durée de détention des titres soit calculée à compter de la création de l'activité mais aussi qu'il bénéficie d'un abattement renforcé pour le calcul de la plus-value réalisée lors de la cession des titres de l'EURL Bluecars ; par conséquent les titres qu'il a reçus en rémunération de son apport correspondent bien à une activité nouvelle et non pas à une reprise d'activité préexistante ;

- dans la réponse ministérielle Laqhila du 13 août 2019, l'administration considère qu'au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, la cession des titres de société reçus en rémunération de l'apport d'une entreprise individuelle créée depuis moins de dix ans doit bénéficier de l'abattement renforcé ; cette réponse postérieure à la cession des titres permet d'éclairer l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 150-0 D du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui était le gérant et l'unique associé de l'EURL LEDPERF, créée en 2009 sous la dénomination d'EURL Bleucars, et qui avait pour activité la vente à distance de produits pour la personnalisation de l'automobile et de l'habitation, a cédé l'ensemble de ses titres pour un montant de 2 400 000 euros, par acte sous seing privé du 24 mars 2015. Dans sa déclaration de revenus de l'année 2015, M. A... a appliqué à la plus-value de cession de valeurs mobilières réalisée le régime de l'abattement dit renforcé prévu au 3° du 1 quater A de l'article 150-0 D du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a notamment remis en cause les abattements de 85 et 65 % pratiqués par l'intéressé auxquels elle a substitué les abattements de droit commun de 65 et 50 % prévus au 1 ter du même article au motif que l'EURL Bluecars, devenue LEDPERF, était issue de la reprise de l'activité préexistante auparavant exercée par l'intéressé à titre individuel. En conséquence de cette rectification des éléments déclarés, effectuée selon la procédure contradictoire, M. A... a été assujetti, au titre de l'année 2015, à des complément d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux contributions sociales. M. A... relève appel du jugement du 18 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des impositions procédant de ce chef de redressement.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. (...) Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. / (...) 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : / a) 50 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; / b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. / (...) 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / 1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession ; / 2° 65 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ; / 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. / B.- L'abattement mentionné au A s'applique :1° Lorsque la société émettrice des droits cédés respecte l'ensemble des conditions suivantes : a) Elle est créée depuis moins de dix ans et n'est pas issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes. Cette condition s'apprécie à la date de souscription ou d'acquisition des droits cédés ; / (...) 1 quinquies. Pour l'application de l'abattement mentionné au 1, la durée de détention est décomptée à partir de la date de souscription ou d'acquisition des actions, parts, droits ou titres, et : / (...) / 4° En cas de cession à titre onéreux d'actions, parts, droits ou titres reçus en rémunération d'un apport réalisé sous le régime prévu au I ter de l'article 93 quater, au a du I de l'article 151 octies ou aux I et II de l'article 151 octies A, à partir de la date à laquelle l'apporteur a commencé son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si une opération entre dans le champ d'un régime d'imposition particulier.

4. Il est constant que, le 12 février 2007, M. A... a débuté, en tant qu'entrepreneur individuel, une activité de vente à distance de produits pour la personnalisation de l'automobile et de l'habitation sous la dénomination commerciale Bluecars qu'il a exploitée à Echirolles (Isère) jusqu'au 28 février 2009. Le 23 février 2009, M. A... a constitué l'EURL Bluecars, qui a un objet social identique à celui qu'il exerçait en tant qu'entrepreneur individuel, au capital social de 20 000 euros divisé en 100 parts de 200 euros et à laquelle il a apporté, outre une somme en espèces de 1 000 euros, la clientèle commerciale dépendant de l'activité exercée à titre individuel évaluée par un commissaire aux apports. En contrepartie de l'apport de la clientèle commerciale, M. A... a reçu 95 parts sociales d'une valeur de 200 euros chacune de l'EURL Bluecars. Par une décision de l'assemblée générale du 23 décembre 2010, le capital de l'EURL Bluecars a été augmenté par un apport en numéraire de 20 000 euros sans création d'actions nouvelles portant le capital social à 40 000 euros divisée en 100 parts de valeur nominale de 400 euros.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que, d'après les statuts déposés auprès du service des impôts des entreprises de Grenoble, l'EURL Bluecars exerce une activité identique, à la même adresse, de vente à distance de produits pour la personnalisation de l'automobile et de l'habitation à celle exercée par M. A... dans le cadre de son entreprise individuelle créée le 12 février 2007 et que le traité d'apport précise que l'EURL Bluecars est créée " aux fins d'exploiter le fonds commercial de vente à distance (...) appartenant à M. A... ". Il résulte également de l'instruction que celui-ci a effectivement apporté en 2009 à l'EURL Bluecars la clientèle commerciale développée dans le cadre de son activité individuelle pour une valeur de 19 000 euros, évaluée à partir des chiffres d'affaires et des résultats de l'entreprise individuelle en 2007 et 2008, en échange de 95 parts sur les 100 parts du capital social de l'EURL Bluecars, que M. A... est le gérant et l'unique associé de l'EURL Bluecars, qu'il a cessé son activité exercée à titre individuel le 28 février 2009 et est devenu salarié de l'EURL Bluecars dès 2009. Dans ces conditions, l'EURL Bluecars doit être regardée comme ayant été créée pour la reprise de l'activité préexistante auparavant exercée par M. A... dans le cadre de son entreprise à titre individuel. Ainsi, à la date d'acquisition, par M. A..., des droits qu'il a cédés en 2015, il ne pouvait être regardé comme satisfaisant à la condition posée au a) du 1 quater B de l'article 150-0 D du code général des impôts, requise pour soumettre la plus-value réalisée sur ces cessions de titre au régime de l'abattement dit renforcé. C'est dès lors par une exacte application de ces dispositions que l'administration a estimé que M. A... ne pouvait prétendre qu'à l'abattement de droit commun prévu au 1 ter de l'article 150-0 D du code.

6. Le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut être utilement invoqué pour faire échec aux impositions en litige dès lors qu'elles ont été établies conformément à la loi fiscale.

7. M. A... ne peut pas davantage utilement se prévaloir de la réponse ministérielle Laqhila du 13 août 2019 qui est postérieure à la date à laquelle il a cédé ses parts de l'EURL LEDPERF.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00880
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Plus-values des particuliers. - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-21;21ly00880 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award