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19/05/2022 | FRANCE | N°20LY01251

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 mai 2022, 20LY01251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer définitivement la dette de l'État à l'égard de M. B... A... à la somme de 26 970,38 euros et de condamner M. A... à rembourser la différence entre cette somme et celle qui lui avait été allouée à titre de provision par une ordonnance du juge des référés du 19 octobre 2017.

Par un jugement n° 1707304 du 30 janvier 2

020, le tribunal administratif de Grenoble a :

- fixé le montant définitif de la de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer définitivement la dette de l'État à l'égard de M. B... A... à la somme de 26 970,38 euros et de condamner M. A... à rembourser la différence entre cette somme et celle qui lui avait été allouée à titre de provision par une ordonnance du juge des référés du 19 octobre 2017.

Par un jugement n° 1707304 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Grenoble a :

- fixé le montant définitif de la dette de l'État à l'égard de M. A... à 26 970,38 euros, assortie des intérêts au taux légal pour la période courant du 23 novembre 2012 au 19 décembre 2017 ;

- condamné M. A... à rembourser à l'État la différence entre la somme de 84 639,17 euros qui lui avait été versée à titre de provision et intérêts et le montant définitif de sa créance.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mars 2020 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2021, présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1707304 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner l'État à lui verser une indemnité de 114 840,67 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'affiliation par l'État aux régimes général (Carsat) et complémentaire (Ircantec) de sécurité sociale pour les missions qu'il a effectuées au titre d'un mandat sanitaire, assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de l'administration s'abstenait de prendre en considération les années 1979, 1982 et 1984 à 1988 et retenait des montants de salaires erronés s'agissant des années 1980 et 1983, alors que le mandat sanitaire dont il était investi couvrait également cette période, de sorte qu'il y avait lieu pour l'administration, à tout le moins, de prendre en considération l'assiette forfaitaire visée à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, et la proposition de l'administration s'abstenait de prendre en considération, en outre, les salaires perçus au titre du mandat sanitaire exercé avant 1990, mais qui lui ont été versés postérieurement au 31 décembre 1989, et plus précisément au cours des années 1990 et 1991 ;

- il a droit, d'une part, au remboursement des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'État, son employeur, pour la période allant du 21 juillet 1978 au 31 décembre 1989, et d'autre part, au versement des pensions de retraite au titre de la période comprise entre le 1er juillet 2012, date de son admission à la retraite salariée, et la date du versement par l'État de la somme précédente, lui permettant de percevoir une pension au titre de son activité de vétérinaire sanitaire ; il appartient à l'administration de reconstituer le montant des salaires qui ont été perçus en sa qualité de vétérinaire sanitaire, au regard des documents dont l'État dispose nécessairement en sa qualité d'employeur ; il a produit des documents de nature à justifier non seulement de l'exercice d'un mandat sanitaire sur une période d'activité de plus de quatre-vingt-dix jours pour les années en cause mais également des salaires qu'il en avait tirés.

Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er décembre 2020 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 ;

- le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui a exercé la profession de vétérinaire jusqu'à son admission à la retraite, le 1er juillet 2012, a été, au cours de la période du 21 juillet 1978 au 31 décembre 1989, investi d'un mandat sanitaire dans le cadre duquel il a accompli des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux. Il a demandé à être indemnisé du préjudice résultant du défaut de versement par l'État des cotisations dues par l'employeur au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de cette activité. Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné l'État à lui verser une provision d'un montant de 75 545,61 euros, outre intérêts au taux légal, par une ordonnance du 19 octobre 2017, exécutée le 19 décembre 2017 par le versement d'une somme totale de 84 639,17 euros. Par un jugement du 30 janvier 2020, le même tribunal, saisi par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé le montant définitif de la dette de l'État à l'égard de M. A... à 26 970,38 euros, assortie des intérêts au taux légal pour la période courant du 23 novembre 2012 au 19 décembre 2017, et a condamné M. A... à rembourser à l'État la différence entre la somme qui lui avait été versée à titre de provision et intérêts et le montant définitif de sa créance. M. A... relève appel de ce jugement et demande à la cour de fixer le montant de la dette de l'État à la somme de 114 840,67 euros.

2. En vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 susvisée modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " [Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire] sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'État relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'État. A ce titre, l'État avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.

3. Le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M. A... correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à acquitter en lieu et place de l'État, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que de l'IRCANTEC afin de percevoir une pension de retraite complète et, d'autre part, à son droit d'obtenir une compensation du montant de la pension déjà perçue, minorée faute de cotisations pendant la période allant de la date de départ à la retraite à la date de versement de l'indemnité pouvant permettant la régularisation. Il lui appartient, dès lors, sans pouvoir utilement se prévaloir de ce que l'administration, alors qu'il avait été rémunéré de ses prestations sous la forme d'honoraires, ne lui a pas communiqué le montant des salaires dont il affirme qu'ils lui ont été versés par l'État, d'apporter les éléments permettant d'évaluer le montant des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation et, en particulier, de justifier de l'exercice effectif d'opérations au titre du mandat dont il avait été investi par l'État et du montant des rémunérations perçues à ce titre, en particulier au cours des années 1979, 1982 et 1984 à 1988 pour lesquelles l'administration a estimé, pour refuser de verser des sommes au titre des cotisations que M. A... affirmait devoir verser, qu'il n'apportait pas de telles justifications.

4. En premier lieu, dès lors que le montant des rémunérations perçues par les vétérinaires libéraux au titre du mandat sanitaire ne saurait se déduire de la seule existence de ce mandat, détenu par la quasi-totalité des vétérinaires à raison d'une activité qui ne revêtait au demeurant qu'un caractère accessoire et complémentaire, en sus de leur activité libérale, les arrêtés préfectoraux produits par le requérant, des 24 juillet 1978, 17 août 1979 et 12 avril 1991, attestant du fait qu'il bénéficiait d'un mandat sanitaire dans le département de l'Isère ne sont pas de nature à justifier de la réalité de l'exercice de son mandat sanitaire et des revenus qu'il en aurait tirés au titre des années en cause.

5. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement produire, pour justifier des rémunérations perçues au titre du mandat sanitaire au cours des années 1981 et 1984 à 1988, les déclarations de revenus de la SCP dont il était l'un des associés, ou des extraits des comptes (grand livre) de cette société, certifiés conformes par une association de gestion agréée, ou un certificat d'un cabinet d'expertise-comptable, qui ne permettent pas de distinguer sa propre activité au titre du mandat sanitaire. Il ne peut davantage produire à cette fin des déclarations de rémunérations ou d'honoraires, établies par la direction des services vétérinaires de la préfecture de l'Isère, au titre des années 1979, 1980, 1982 et 1983, qui comportent les sommes à déclarer au titre d'activités relatives à la santé animale sans toutefois permettre d'établir si les sommes versées l'ont été au titre d'activités de prophylaxie relevant du mandat sanitaire, en dépit de l'ajout, de manière manuscrite, sur les copies produites, de la mention " visées comme salaires de prophylaxie ". En l'absence d'élément de nature à justifier de l'existence même d'une rémunération à ce titre, il ne peut utilement, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles " lorsque le montant de la rémunération perçue par l'assuré n'est pas démontré (...), les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire, fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'agriculture (...) ". M. A... ne peut, dès lors, prétendre à aucune indemnité au titre des années en cause.

6. En dernier lieu, il résulte des dispositions issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 que l'ensemble des rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison d'un mandat sanitaire doivent être assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent. Par suite, contrairement à ce que soutient M. A..., il n'y a pas lieu d'intégrer à l'assiette de calcul des indemnités les rémunérations versées au cours des années 1990, 1991 et 1992 à raison d'activités réalisées dans le cadre du mandat sanitaire antérieurement au 1er janvier 1990.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande du ministre de l'agriculture et de l'alimentation en fixant la dette de l'État à son égard à la somme de 26 970,38 euros et en le condamnant à rembourser la différence entre cette somme et celle qui lui avait été allouée à titre de provision par une ordonnance du juge des référés du 19 octobre 2017. Par suite, il n'est pas davantage fondé à demander, en appel, la condamnation de l'État à lui verser une indemnité portée à la somme de 114 840,67 euros alors, au demeurant, qu'il ne peut se prévaloir, dans le cadre de l'action en responsabilité qu'il a engagée contre l'État en raison du défaut de versement par celui-ci des cotisations qu'il devait, d'un préjudice correspondant à la période postérieure au 19 décembre 2017, date d'exécution de l'ordonnance du juge des référés du 19 octobre 2017, les sommes mises à la charge de l'État par ladite ordonnance devant légalement lui permettre, s'il entendait les destiner à cet usage, de procéder lui-même au versement aux organismes gestionnaires des régimes général et complémentaire des arriérés de cotisations de retraite dues par l'employeur afin d'obtenir ses droits à la retraite.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige exposés par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 20LY01251

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01251
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Évaluation du préjudice. - Préjudice matériel. - Perte de revenus. - Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-19;20ly01251 ?
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