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18/05/2022 | FRANCE | N°20LY02733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 mai 2022, 20LY02733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération nationale des chasseurs a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes portant composition du groupe national loup et activités d'élevage, ainsi que sa décision du 7 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900089 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2020 et deux m

émoires enregistrés le 5 novembre 2020 et le 19 octobre 2021, la Fédération nationale des chasseu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération nationale des chasseurs a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes portant composition du groupe national loup et activités d'élevage, ainsi que sa décision du 7 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900089 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2020 et deux mémoires enregistrés le 5 novembre 2020 et le 19 octobre 2021, la Fédération nationale des chasseurs, représentée par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes portant composition du groupe national loup et activités d'élevage, ainsi que la décision du 7 novembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité comme principe général du droit, et est insuffisamment motivé quant au respect de ce principe d'impartialité ;

- l'arrêté en litige n'assure manifestement pas une représentation équilibrée des différents groupes d'intérêts, en n'accordant que deux sièges aux organismes de chasse, en s'abstenant de désigner les organismes les plus représentatifs concernés et en considérant que l'association des lieutenants de louveterie de France représente les intérêts cynégétiques ;

- l'arrêté en litige a été édicté en méconnaissance du principe d'impartialité, comme principe général du droit et principe protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle expose s'en remettre aux observations produites par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et, en outre, que les moyens soulevés qui soit sont inopérants, soit ne sont pas fondés, doivent être écartés.

Par une ordonnance du 21 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 22 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération nationale des chasseurs relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes portant composition du groupe national loup et activités d'élevage, ainsi que de la décision du 7 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". L'article R. 741-2 du même code prévoit en outre que : " La décision (...) contient (...) l'analyse des (...) mémoires (...) ".

3. Afin de satisfaire au principe de motivation des décisions de justice, rappelé à l'article L. 9 du code de justice administrative, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties auxquelles sa décision fait grief et qui ne sont pas inopérants.

4. Il résulte du paragraphe 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité, non seulement comme inopérant en ce qu'il résulte de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, mais aussi comme n'étant pas fondé, compte tenu de l'absence de déséquilibre manifeste affectant la composition du groupe national loup. Il ne saurait dès lors leur être reproché de ne pas avoir statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe en tant que principe général du droit, ni, les motifs de leur jugement ayant suppléé à cette carence, de ne pas avoir visé un tel moyen dans l'analyse des mémoires produits par la Fédération nationale des chasseurs. Enfin, en répondant au seul argument, tiré d'une composition manifestement déséquilibrée de l'organisme consultatif, soulevé par la requérante à l'appui de ce moyen, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse à celui-ci. Par suite, le jugement attaqué ne souffre ni d'une insuffisante motivation, ni d'aucune omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 411-3 du code de l'environnement : " Des plans nationaux d'action opérationnels pour la conservation ou le rétablissement des espèces visées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 (...) sont élaborés, par espèce ou par groupe d'espèces, et, après consultation du public, mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents et des organisations de protection de l'environnement lorsque la situation biologique de ces espèces le justifie. (...) Ces plans tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des impératifs de la défense nationale. (...) .

6. En application de ces dispositions, a été édicté un plan d'action national sur le loup et les activités d'élevage pour la période comprise entre 2018 et 2023, qui prévoit notamment, pour assurer sa gouvernance, la mise en place d'un groupe national loup. Il en ressort que ce groupe " constitue un lieu d'information et d'échanges sur la mise en œuvre du PNA. L'administration y présente les bilans issus de la mise en œuvre du plan national ainsi que les projets réglementaires qui s'y rapportent. Le groupe national est présidé par le préfet coordonnateur " loup " de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il est composé de représentants des organisations nationales socio-professionnelles et associatives concernées par le sujet, des administrations ainsi que des établissements publics de l'État et d'organisations à compétence scientifique et technique. Les élus seront représentés au sein du GNL [Assemblée Nationale, Sénat, Association nationale des élus de la montagne, Association des Régions de France]. Sa composition permettra d'assurer un équilibre entre les différents groupes d'intérêt, en privilégiant les organismes les plus représentatifs. Il ne s'agit pas d'un organisme qui délibère sur les projets qui lui sont présentés. Il doit faciliter les échanges de points de vue entre les acteurs du dossier afin de parvenir à un traitement équilibré du dossier au regard de ses différents enjeux. (...) ".

7. En premier lieu, en application de ces dispositions, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a, par l'arrêté en litige, fixé la composition du groupe national loup, en définissant sept collèges représentant les différents groupes d'intérêts concernés. Parmi eux, sont représentés les organismes professionnels agricoles et autres structures agricoles, les associations de protection de la nature et les organismes cynégétiques, qui comptent respectivement huit, six et deux représentants, que sont, s'agissant de ces derniers, la Fédération nationale des chasseurs et l'association des lieutenants de louveterie de France. D'une part, il est constant que le plan national loup a pour principale finalité de définir différentes actions tendant à concilier la préservation de la biodiversité, en particulier des loups, et la protection des intérêts des éleveurs. Une telle finalité justifiait que les représentants de ces différents intérêts, que sont les organismes professionnels agricoles et les associations de protection de la nature, soient majoritaires au sein du groupe national loup. Si les organismes cynégétiques sont appelés à intervenir au titre de différentes actions prévues par ce plan, en participant au réseau d'observateurs de l'espèce, à des actions de formation et aux opérations dérogatoires telles que les tirs de prélèvement, leurs interventions, limitées à la mise en œuvre du plan, demeurent ainsi accessoires et leurs principaux intérêts étrangers à l'élaboration du plan national loup, cette espèce étant protégée et échappant ainsi au droit de chasse. D'autre part, et contrairement à ce que prétend la Fédération nationale des chasseurs, l'objet de l'association League française pour la protection des oiseaux ne se limitant pas à la seule protection des oiseaux mais s'étendant à celle de l'ensemble de la faune sauvage, elle a pu être considérée comme une association de protection de la nature représentative. Enfin, si, comme le soutient la requérante, les lieutenants de louveterie sont, en vertu de L. 427-1 du code de l'environnement, nommés par l'autorité administrative et concourent aux opérations de régulation de la faune sauvage, il résulte de ce même code, notamment de ses articles R. 427-1 et R. 427-3, que ceux-ci sont nommés en raison de leur qualité de chasseur et qu'ils font, à ce titre, office de conseillers techniques de l'administration en matière de destruction d'animaux susceptibles d'occasionner des dégâts. Ainsi, nonobstant les modalités de leur nomination et leur participation à une mission de service public, ils ont pu être considérés par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes comme représentant les intérêts des organismes cynégétiques, et non ceux de l'administration. Dès lors, et eu égard à la finalité du plan national loup et du groupe national loup et aux intérêts qu'ils tendent à concilier, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en nommant, pour assurer une représentation équilibrée des différentes groupes d'intérêts concernés au sein du groupe national loup, la Fédération nationale des chasseurs et l'association des lieutenants de louveterie de France comme seuls représentants des organismes cynégétiques.

8. En second lieu, la Fédération nationale des chasseurs ne saurait utilement se prévaloir de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le groupe national loup ne statuant ni sur des contestations relatives à des droits et obligations à caractère civil, ni sur le bien-fondé d'accusations en matière pénale. Par ailleurs, et comme indiqué précédemment, il n'est pas établi que la représentation des différents groupes d'intérêts concernés au sein du groupe national loup serait déséquilibrée. Enfin, et eu égard à la nature des attributions purement consultatives de ce groupe, la seule circonstance que le préfet ait désigné ses membres avant d'en présider les séances ne saurait, en elle-même, induire un manquement à l'impartialité de cette autorité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité, tel qu'issu de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ou d'un principe général du droit, doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la Fédération nationale des chasseurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la Fédération nationale des chasseurs.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération nationale des chasseurs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des chasseurs et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le mai 18 mai 2022.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02733


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP WAQUET-FARGE-HAZAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 18/05/2022
Date de l'import : 24/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY02733
Numéro NOR : CETATEXT000045819369 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-18;20ly02733 ?
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