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12/05/2022 | FRANCE | N°20LY02323

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 12 mai 2022, 20LY02323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes, et ont présenté à l'administration une réclamation tendant aux mêmes fins qui a été transmise d'office au tribunal en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales.

Par un jugem

ent nos 1803712 et 2001008 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes, et ont présenté à l'administration une réclamation tendant aux mêmes fins qui a été transmise d'office au tribunal en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement nos 1803712 et 2001008 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 janvier et 7 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu ;

- au 31 décembre 2013, M. B... ne pouvait être le maître de l'affaire dès lors que, le 11 mars 2013, il a eu un accident du travail l'obligeant à se placer en arrêt de travail du 11 mars 2013 au 31 décembre 2014 ; M B... n'a jamais été le seul maître de l'affaire en 2013 ou 2014 ; il était co-gérant avec M. D..., gérant minoritaire ; les deux gérants avaient accès aux moyens de paiement ; par suite, la présomption d'appréhension des revenus ne peut s'appliquer ;

- au 31 décembre 2014, M. B... ne pouvait pas être considéré comme le bénéficiaire des revenus distribués compte tenu de ce qu'il n'était plus ni associé ni gérant de la société Euro Autos ; le maître de l'affaire ne peut être que le gérant de droit ; les revenus en cause, dont la date de paiement n'est pas connue, sont présumés distribués à la clôture de l'exercice, soit le 31 décembre 2014 ;

- l'administration n'établit pas que les revenus ont été appréhendés par M. B....

Par des mémoires, enregistrés les 30 décembre 2020, 15 février 2021 et 11 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- il est en droit de demander à la cour de procéder à une substitution de base légale et de juger que la taxation des revenus distribués au titre de l'exercice clos en 2014 doit être fondée sur le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par une lettre du 25 février 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré, s'agissant du champ d'application de la loi, de l'inapplicabilité du c) de l'article 111 du code général des impôts, à l'imposition des revenus distribués entre les mains de Mme B..., dès lors que les bénéfices reconstitués à raison de l'activité d'une société ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar, représentant Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 31 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Euro Autos, qui a été créée le 15 novembre 2012 et exerce une activité de commerce de véhicules d'occasion et dont M. C... B... était le co-gérant jusqu'au 9 avril 2014 et l'associé majoritaire jusqu'au 12 septembre 2014, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Les sommes réintégrées dans le bénéfice de la société ont par ailleurs été regardées comme des revenus distribués entre les mains de M. B... sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts à concurrence de la somme de 2 883 euros au titre de l'année 2013 et de 46 241 euros au titre de l'année 2014. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Par un jugement du 17 juillet 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Dijon, après les avoir jointes, a rejeté les demandes des époux B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. L'obligation faite à l'administration fiscale, qui découle de la première phrase de cet article, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. La méconnaissance par l'administration de ces dispositions, qui constituent une garantie pour l'intéressé, demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie.

4. Mme B... soutient que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors, d'une part, que M. B... n'a pas été informé, avant la mise en recouvrement, de l'absence de production alléguée par le Crédit lyonnais, d'une copie de la carte d'identité de M. D... authentifiant sa signature auprès de l'établissement bancaire et lui permettant d'avoir accès aux comptes de la société et, d'autre part, que l'administration s'est fondée pour établir que M. B... assurait la gestion des comptes sur des cartons de signature qu'elle a sollicités auprès du Crédit lyonnais sans les mentionner dans sa proposition de rectification.

5. Toutefois, il résulte des termes de la proposition de rectification du 9 décembre 2016 que, lors des opérations de contrôle, l'administration a exercé ses droits de communication auprès des banques en charge des comptes bancaires de la SARL Euro Autos conformément aux dispositions des articles L. 81 , L. 83 et L. 85 du livre des procédures fiscales et que, selon les informations communiquées par les établissements bancaires teneurs des comptes bancaires de la société, M. B... était le seul titulaire du droit de signature sur les comptes de la société. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à M. et Mme B... de comprendre l'origine et la teneur des renseignements en provenance de tiers utilisés par l'administration pour fonder les rectifications et les mettre à même, le cas échéant, de demander communication des documents contenant ces informations avant la mise en recouvrement. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " Aux termes de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

7. Mme B... ne conteste pas ne pas avoir fait parvenir, à l'administration fiscale, d'observations dans le délai de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales à compter de la notification de la proposition de rectification du 9 décembre 2016, par laquelle l'administration a porté à sa connaissance les rehaussements apportés à ses revenus imposables au titre des années 2013 et 2014. Elle doit dès lors être regardée comme ayant accepté ces redressements et, de ce fait, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de son foyer fiscal.

En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :

8. Mme B... ne conteste ni l'existence ni le montant des distributions.

En ce qui concerne l'appréhension des distributions :

9. Mme B... fait valoir que M. D... exerçait conjointement la gérance de la SARL Euro Autos avec M. B....

10. En l'espèce, à la date de création de la SARL Euro Autos le 15 novembre 2012, M. C... B... et M. D... détenaient les 750 parts composant le capital de la société. M. B... a procédé, en qualité de gérant, aux formalités administratives de déclaration de création de la personne morale et le bail de location commerciale d'une durée de vingt-trois mois établi entre la SCI Le Phénix, dont M. et Mme B... sont les associés, et la SARL Euro Autos a été signé par M. B... en qualité de gérant de la société. Par ailleurs, M. B... était le gérant de la société jusqu'au 9 avril 2014 et l'associé majoritaire de la SARL Euro Autos jusqu'au 12 septembre 2014, date à laquelle M. B... a cédé à l'épouse de M. D... les 400 parts qu'il détenait de la SARL Euro Autos. En réponse au droit de communication exercé auprès du Crédit Lyonnais, l'établissement bancaire a indiqué à l'administration que la seule signature authentifiée pour le compte " souscription du capital " ouvert le 5 décembre 2012 et clôturé le 19 mars 2013 était celle de M. B.... Si M. D... a cosigné la demande d'ouverture du compte courant ouvert le 3 janvier 2012 et clôturé le 24 avril 2015 en qualité de cogérant, le document contractuel, établi à la suite de la production par M. B... des pièces justificatives nécessaires à l'ouverture du compte professionnel et à la délivrance des moyens de paiement, stipule que M. B..., en qualité de gérant, assure la gestion des comptes. Le 13 septembre 2014, le siège social de la société situé à Echirolles et correspondant à l'adresse personnelle de M. B... a été transféré à une adresse de domiciliation à Grenoble, l'administration fiscale relevant que cette date marque la fin de l'activité de la SARL Euro Autos en l'absence d'encaissements observée sur ses comptes bancaires à compter de cette date.

11. Il résulte de ce qui précède que l'administration a pu considérer que M. B... disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la SARL Euro Autos, si bien qu'il était en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui étaient propres, et qu'en sa qualité de seul maître de l'affaire, il devait être regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société au titre des années 2013 et 2014.

12. Mme B... fait valoir que M. B... était en arrêt maladie depuis le 11 mars 2013 à la suite d'un accident du travail et qu'il a perçu à ce titre des indemnités journalières. Toutefois, elle n'établit pas qu'il aurait été dans l'incapacité d'assumer la gérance de la SARL Euro Autos. Si Mme B... produit également quatre chèques des 15, 29, 30 avril et 2 juin 2014 émis au nom de la SARL Euro Autos, il n'est pas établi qu'ils seraient signés par M. D... par la seule production de la carte d'identité de ce dernier. Ainsi ces éléments sont insuffisants compte tenu de ce qui a été dit au point 10 pour renverser la présomption d'appréhension des revenus distribués par M. B... résultant de sa qualité de maître de l'affaire de la SARL Euro Autos.

13. Mme B... fait valoir, s'agissant de l'année 2014, que M. B... n'était plus ni gérant ni associé au 31 décembre 2014 et que les revenus en cause, dont la date de paiement n'est pas connue, sont présumés distribués à la clôture de l'exercice, soit le 31 décembre 2014.

14. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté par Mme B... que les encaissements sur le compte courant de la SARL Euro Autos ouvert le 3 janvier 2013 ont pris fin en septembre 2014, après la cession des titres détenus par M. B..., qu'aucune autre activité n'a été enregistrée sur le compte bancaire après cette date et que M. B... a seul bénéficié de la signature sur ce compte jusqu'à sa fermeture le 24 avril 2015. En se bornant à soutenir que M. B... n'était plus gérant ni associé de la SARL Euro Autos au 31 décembre 2014, Mme B... n'établit pas que les revenus regardés comme distribués n'auraient pas été appréhendés par M. B... au titre de l'année 2014.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

La présidente,

A. EvrardLa greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02323
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-12;20ly02323 ?
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