La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2022 | FRANCE | N°21LY01150

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 04 mai 2022, 21LY01150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2020, par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001580 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions

présentées par Mme C... tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide jurid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2020, par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001580 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme C... tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 8 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour viole les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le Maroc comme pays de destination méconnaît la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie d'un titre de séjour italien longue durée - CE.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 10 mars 2021, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., épouse B..., ressortissante marocaine née le 23 janvier 1982, relève appel du jugement du 29 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 8 juin 2020, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 juin 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En énonçant dans son arrêté que Mme C... n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Saône-et-Loire a nécessairement envisagé l'admission au séjour de l'intéressée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante, alors même qu'elle ne démontre pas avoir demandé de titre sur ce fondement, peut donc utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions, ainsi que celle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Mme C... est entrée récemment en France, le 1er juillet 2018, munie d'un passeport marocain, qu'elle n'a pas présenté aux autorités françaises. Elle a sollicité le 27 août 2018, un titre de séjour portant la mention " salarié ", en se prévalant toutefois seulement à l'appui de sa demande d'un courrier d'une agence d'intérim. Son époux, de même nationalité, a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire national. Dans ces conditions, en l'absence d'obstacle avéré mettant les époux dans l'impossibilité de poursuivre leur vie privée et familiale hors de France avec leur fille née le 23 mai 2019, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus de titre de séjour sur la situation personnelle de la requérante.

4. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent du présent arrêt, le préfet de Saône-et-Loire, en refusant d'admettre Mme C... au séjour au titre de sa vie privée et familiale, n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

6. Pour les motifs énoncés plus haut, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision de délai de départ volontaire :

7. Comme indiqué ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision de titre doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. ".

9. En vertu des articles 12, paragraphe 1, et 22, paragraphe 3, de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 susvisée, un Etat membre ne peut prendre une décision d'éloignement du territoire de l'Union européenne à l'encontre d'un étranger résident de longue durée dans un autre Etat membre que lorsque l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.

10. Lorsqu'un étranger est résident de longue durée dans un Etat membre de l'Union européenne, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Dans le cas où le préfet décide, comme il lui est loisible, d'obliger un tel étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut désigner comme pays de destination un ou des pays n'appartenant pas à l'Union européenne qu'à la condition que l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... dispose d'un titre de séjour comportant la mention " résident longue durée-CE " en cours de validité à la date de la décision contestée. Le préfet n'établit ni même n'allègue que l'intéressée aurait représenté une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique. Dès lors, en désignant, ainsi qu'il l'a fait, les pays à destination desquels Mme C... pourrait être reconduite d'office, sans exclure, notamment, comme le relève l'intéressée, le pays dont elle a la nationalité, soit le Maroc, le préfet de Saône-et-Loire a commis une erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2020 du préfet de Saône-et-Loire en ce qu'il fixe le Maroc comme pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'annulation prononcée au point précédent n'emporte aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante tendant au prononcé d'une injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 8 juin 2020 du préfet de Saône-et-Loire est annulé en tant qu'il fixe le Maroc comme pays de renvoi.

Article 2 : Le jugement du 29 décembre 2020 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01150
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-04;21ly01150 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award