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19/04/2022 | FRANCE | N°20LY02428

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 19 avril 2022, 20LY02428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 avril 2018, par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté son recours gracieux à l'encontre de sa décision refusant de lui délivrer le récépissé de déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin, et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et de 105 000 euros au titre de son préjudice économique à raison de l'illégalité

fautive de ces décisions.

Par un jugement n° 1803831 du 5 mars 2020, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 avril 2018, par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté son recours gracieux à l'encontre de sa décision refusant de lui délivrer le récépissé de déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin, et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et de 105 000 euros au titre de son préjudice économique à raison de l'illégalité fautive de ces décisions.

Par un jugement n° 1803831 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 août 2020, M. C..., représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2018 du préfet de l'Isère ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral subi et une somme de 165 000 euros en réparation du préjudice économique résultant de l'illégalité de cette décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, entaché d'une insuffisance de motivation, est irrégulier ;

- la décision préfectorale est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet a méconnu la procédure réglementaire applicable ;

- faute d'avoir sollicité la production de pièces complémentaires concernant notamment son expérience professionnelle, tout en déclarant son dossier complet, le préfet n'était pas en mesure d'apprécier l'existence d'une différence substantielle de qualification professionnelle ;

- le préfet a la charge d'apporter la preuve de l'existence d'une différence substantielle de qualification professionnelle ce qu'il ne fait pas ; il n'a pas explicité les critères de référence de la qualification requise et notamment les exigences de sécurité requises pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski ;

- sa formation étant réglementée en Grande-Bretagne, aucune différence substantielle n'existe entre sa qualification et celle requise pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski en France, alors que le préfet de l'Isère dispose de longue date des éléments établissant l'équivalence de la formation réglementée existant au Royaume-Uni et celle requise en France ; sa qualification est supérieure à celle requise en France ; il n'avait pas à faire état de son expérience professionnelle ; celle-ci ne pouvait être regardée comme insuffisante ;

- en renversant la présomption de qualification professionnelle, le préfet a dérogé au principe de reconnaissance institué par la législation communautaire ;

- il n'a pas saisi l'administration d'une demande dérogatoire d'accès partiel à l'activité de moniteur de ski et n'était pas tenu de le faire ;

- l'illégalité fautive du refus du préfet est à l'origine du préjudice moral dont il est demandé réparation ; le préjudice économique subi est établi et justifie le versement d'une indemnité ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

- la législation européenne matérialisée par la directive portant sur la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants de l'Union européenne n'est pas un dispositif de reconnaissance automatique ; l'Etat membre d'accueil peut vérifier les qualifications professionnelles des déclarants afin d'éviter des dommages graves quant à la santé ou à la sécurité du destinataire du service ;

- le préfet n'a pas méconnu la procédure applicable et il est tenu de vérifier s'il existe une différence substantielle dans la qualification requise constatant l'absence de compensation par l'expérience professionnelle du déclarant, c'est sans erreur de droit ni d'appréciation que le préfet a rejeté le recours gracieux de M. C... ;

- en l'absence d'illégalité fautive, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les préjudices dont il allègue auraient été causés de manière directe par la décision attaquée, prise sur recours gracieux, et seraient imputables à l'autorité administrative compétente.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;

- l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;

- le code du sport ;

- le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif ;

- l'arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d'Etat de ski - moniteur national de ski alpin ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Planes, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant britannique et résident français, titulaire de la qualification " Alpine ski teacher ISIA " et " Alpine Level 4 Europeen Mountain Security " délivrée par la British Association of Snowsport Instructors (BASI), a transmis le 24 janvier 2017, à la préfecture de l'Isère, une déclaration de libre établissement aux fins d'exercer l'activité réglementée de moniteur de ski alpin sur le territoire national en application des dispositions des articles R. 212-88 et suivants du code du sport. Par courrier du 17 février 2017, le préfet de l'Isère a accusé réception de cette déclaration en informant M. C... qu'en application de l'article 29-3 du titre XV de l'arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d'Etat de ski - moniteur national de ski alpin, celle-ci avait été transmise pour avis aux membres de la section permanente du ski alpin du Conseil supérieur des sports de montagne. Par un courrier en date du 11 août 2017, dont il a été accusé réception le 4 septembre 2017, le préfet de l'Isère l'informait qu'après réception de l'avis rendu par la section permanente du ski alpin du conseil supérieur des sports de montagne, il avait décidé de saisir pour avis la Commission de reconnaissance de qualifications, avant de statuer sur sa demande de délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, considérant que la profession de moniteur de ski n'était pas réglementée au Royaume-Uni, et qu'il existait une différence substantielle au sens de l'article R. 212-90-1 du code du sport, entre sa qualification professionnelle et celle requise sur le territoire national, qui n'était pas entièrement couverte par son expérience professionnelle. Par une décision du 18 janvier 2018, notifiée le 22 janvier 2018, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer la carte professionnelle autorisant son établissement en France pour l'exercice de la profession de moniteur de ski alpin, au motif que sa qualification professionnelle présentait une différence substantielle avec celle requise sur le territoire national, notamment en matière de sécurité, différence non couverte par les connaissances acquises dans le cadre de son expérience professionnelle. Par cette décision, l'autorité administrative compétente rappelle que le ski est une activité s'exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l'article L. 212-7 du code du sport, la sécurité des personnes étant en jeu. Pour ce motif, le préfet de l'Isère l'invitait à se soumettre à l'épreuve d'aptitude constituée du test technique de sécurité dit " eurotest ". Par courrier reçu le 20 avril 2018, M. C... a saisi le préfet de l'Isère d'un recours gracieux à l'encontre de sa décision de refus du 18 janvier 2018, en l'assortissant d'une réclamation indemnitaire. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 26 avril 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté son recours gracieux et sa réclamation indemnitaire et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices moral et économique.

Sur les conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne la décision attaquée :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la requête de M. C... doivent être regardées comme dirigées, non à l'encontre du rejet de son recours gracieux, mais contre la décision du 18 janvier 2018, objet de ce recours gracieux. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le bien-fondé du moyen soulevé par le requérant tiré de l'insuffisance de motivation de la décision préfectorale litigieuse ne peut être apprécié qu'en ce qui concerne le rejet initial du 18 janvier 2018.

En ce qui concerne les dispositions applicables :

4. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l'Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l'Union européenne, en tenant compte de la date d'entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.

5. Les dispositions applicables au cas d'espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 par l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n'apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.

6. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d'enseignement, animation, ou encadrement d'une activité physique ou sportive ou d'entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne qualifiés pour les exercer dans l'un de ces Etats, titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions de l'article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l'Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l'encadrement du ski qui s'assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l'emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.

7. En application des dispositions de l'article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l'article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d'éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l'article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, est réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l'article R. 212-90, lorsqu'il établit être titulaire d'une attestation de compétences ou d'un titre de formation requis par un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans lequel l'accès à l'activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s'il établit être titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 et consistant en un cycle d'études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.

8. L'article A. 212-185 du même code précise que l'existence d'une différence substantielle au sens de l'article R. 212-90-1, susceptible d'exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d'Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu'elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

9. Aux termes de l'article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 : " La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d'un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d'aptitude ou de lui faire accomplir un stage d'adaptation, cette décision est motivée. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 18 janvier 2018, le préfet de l'Isère a rappelé, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article R. 212-90-2 du code du sport, que le ski alpin est une activité s'exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l'article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, pour laquelle la sécurité des personnes est en jeu, et a refusé de délivrer l'attestation de libre établissement et la carte professionnelle d'éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. C... aux motifs que le diplôme obtenu au Royaume-Uni n'était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national notamment en ce qui concerne la capacité à maîtriser ses trajectoires à une vitesse soutenue sur une certaine durée en tenant compte d'une dénivelée significative. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.

En ce qui concerne le vice de procédure :

11. Dans le cadre de la liberté d'établissement, l'article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l'emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l'encadrement du ski et de l'alpinisme, qu'il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l'article R. 212-84, en joignant au dossier l'avis de la section permanente. Après s'être prononcée sur l'existence d'une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l'épreuve d'aptitude prévue à l'article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l'article A. 212-188, à vérifier la capacité du déclarant à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L'épreuve de l'eurotest prévue au titre VII et à l'annexe V de l'arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d'Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l'annexe VII-3 de l'arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d'Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d'échec à l'eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l'eurosécurité. L'attestation de réussite à l'eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l'article A. 212-192 lorsque, comme en l'espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.

12. L'attestation de libre établissement et la carte professionnelle d'éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu'il n'existe pas de différence substantielle ou lorsqu'une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l'épreuve d'aptitude, portant mention des conditions d'exercice prévues à l'article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l'article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l'objectif poursuivi, refuser d'accorder l'accès partiel à l'une des activités mentionnées à l'article L. 212-1, lorsqu'il estime que l'accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.

13. Au cas d'espèce, après réception du dossier de M. C..., après avis de la section permanente du ski alpin, instance visée par les dispositions de l'article R 212-90-1 du code du sport, le préfet a considéré que la formation de M. C..., obtenue au Royaume-Uni, n'était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu'elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. C... soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l'accusé réception finalement délivré par l'autorité administrative compétente, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de saisir, pour avis, la section permanente du ski alpin, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d'aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l'équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l'annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d'échapper, totalement ou en partie, à l'obligation éventuelle d'accomplir une épreuve d'aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 13 avril 2018, le préfet de l'Isère a informé M. C... qu'il estimait que sa formation n'était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu'elle présentait, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d'Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l'article A. 212-185 du code du sport. Dans ce contexte spécifique, il appartenait à M. C..., informé de la position de l'administration d'apporter tous les éléments, qu'il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu'il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d'une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. C... ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d'un vice de procédure.

En ce qui concerne la présomption de qualification :

14. Le requérant se prévaut de ce qu'en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise en application de l'article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu'il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d'une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l'avoir obligé à se soumettre à l'épreuve d'aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée au Royaume-Uni et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.

15. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée au Royaume-Uni. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. C... est titulaire de la qualification " Alpine ski teacher ISIA " et " Alpine Level 4 Europeen Mountain Security " délivrée en 2013 par la British Association of Snowsport Instructors (BASI) ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l'exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l'article L. 212-7 du code du sport et garantirait effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité de moiteur de ski alpin conformément au 1° du I de l'article L. 212-1 du code du sport.

16. Le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l'article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Autriche sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l'exercice de cette activité, d'un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l'article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l'activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l'Isère était dès lors tenu de vérifier l'éventuelle existence d'une différence substantielle entre la qualification de M. C... et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l'article R. 212-90-1 du code du sport.

En ce qui concerne l'existence d'une différence substantielle :

17. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l'article L 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s'exerçant en environnement spécifique au sens de l'article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l'exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l'aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours.

18. M. C... soutient que l'autorité administrative compétente n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l'exercice en France de l'activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisantes par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.

19. Toutefois, la décision litigieuse rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin, n'est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l'article L. 212-1 du code du sport, et qu'elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l'article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l'exercice de l'activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l'accès partiel à la profession d'éducateur sportif. En l'invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l'épreuve d'aptitude définie à l'article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l'Isère lui permettait, en cas de réussite à l'épreuve d'aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l'article A. 212-192 du même code.

20. Si le requérant conteste l'existence d'une différence substantielle entre sa qualification obtenue au Royaume-Uni et la qualification requise en France, il n'apporte aucun élément concernant sa capacité à maitriser ses trajectoires à une vitesse soutenue sur une certaine durée en tenant compte d'une dénivelée significative, alors que cette compétence est requise pour l'exercice de la profession de moniteur de ski en France et est vérifiée par un test dénommé " eurotest " prévu par l'article 2 de l'arrêté du 11 avril 2012.

En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :

21. De manière générale, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

22. M. C... soutient qu'en l'obligeant à se soumettre à l'épreuve d'aptitude technique dans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l'Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, en portant atteinte à la liberté d'établissement, et commis une erreur d'appréciation. Le requérant soutient qu'en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d'établissement et n'est pas fondé.

23. Toutefois, d'une part, dès lors que M. C... n'établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, à la qualification professionnelle requise pour l'exercice sur le territoire national de l'activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est pour ce seul motif fondée. D'autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'activité d'éducatif sportif en environnement spécifique à l'instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l'espèce, pour l'appréciation de la qualification des ressortissants de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen qualifiés dans l'un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l'exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. C..., n'apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l'Union européenne.

24. Enfin, si M. C... soutient que, nonobstant l'absence de production de l'attestation de réussite aux tests auxquels il a été invité à se soumettre, il a acquis, par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie, des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l'activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste, il n'apporte pas des éléments circonstanciés à l'appui de ses allégations. Dès lors, il n'établit pas que l'administration lui aurait proposé de se soumettre à des épreuves non prévues par la réglementation ou inadaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d'appréciation. En tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l'article 14 de la directive n° 2005/36/CE.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.

Sur les conclusions indemnitaires :

26. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée à l'égard de M. C.... Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu'il soutient avoir subis doivent être rejetées.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02428
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Liaison du contentieux postérieure à l'introduction de l'instance.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PLANES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-19;20ly02428 ?
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