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17/03/2022 | FRANCE | N°21LY02606

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mars 2022, 21LY02606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 12 avril 2021 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or

de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer sous qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 12 avril 2021 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer sous quarante-huit heures une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2101207 du 4 mai 2021, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2021, Mme C... B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de la Côte d'Or ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer un document provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir,

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- à titre subsidiaire, l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendue et procède d'un défaut d'examen particulier ;

- à titre principal, l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'un défaut d'examen et d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'elle ne présente aucun risque de fuite ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et médicale ;

- la décision fixant l'Angola comme pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux risques qu'elle y encourt et à l'impossibilité d'y bénéficier d'un traitement adapté ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et de l'interdiction de retour entraînent, par voie d'exception, l'illégalité de l'assignation à résidence ;

- l'obligation de pointer quotidiennement au commissariat est excessive au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, le préfet de Côte d'Or conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante d'Angola née le 19 juillet 1997, est entrée en France le 20 octobre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mars 2018. Par un arrêté du 18 mai 2018, le préfet de la Côte d'Or a refusé de lui délivrer le titre de séjour auquel elle aurait eu droit si la qualité de réfugiée ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui avaient été reconnus. Par un second arrêté du 19 septembre 2018, dont Mme C... B... n'a pas obtenu l'annulation, le préfet de la Côte d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour motif médical, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé l'Angola comme pays de destination. Par un nouvel arrêté du 12 avril 2021, notifié le 27 avril 2021, le préfet de la Côte d'Or a fait obligation à Mme C... B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Angola comme pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du 12 avril 2021, également notifié le 27 avril, la même autorité préfectorale a ordonné son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Mme C... B... relève appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 avril 2021.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

3. Si la loi prévoit que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où la mesure d'éloignement fait suite à un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou retrait d'un tel titre, cette exception à l'obligation de motivation ne peut trouver à s'appliquer que si la mesure d'éloignement assortit une décision relative au séjour elle-même explicite et motivée.

4. En l'espèce, par l'arrêté attaqué du 12 avril 2021, le préfet de la Côte d'Or a fait obligation à Mme C... B... de quitter le territoire français sur le fondement exclusif du 3° précité du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se bornant, après avoir rappelé l'entrée régulière de l'intéressée et les décisions intervenues sur sa demande d'asile, à se référer à l'existence de deux précédentes décisions de refus de séjour, dont l'une assortie d'une mesure d'éloignement, intervenues les 18 mai 2018 et 19 septembre 2018, ainsi qu'à la décision juridictionnelle rendue sur saisine de Mme C... B.... Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la décision du 12 avril 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée et qu'elle doit, pour ce seul motif, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an et ordonnant son assignation à résidence.

5. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de la situation de Mme C... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sous 8 jours une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme C... B... D... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. Les mêmes dispositions du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée en défense au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101207 du tribunal administratif de Dijon du 4 mai 2021 et les arrêtés du préfet de la Côte d'Or du 12 avril 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de la situation de Mme C... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours.

Article 3 : L'Etat versera à Me Grenier, conseil de Mme C... B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B..., à Me Grenier, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Côte d'Or.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

2

N° 21LY02606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02606
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;21ly02606 ?
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