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27/01/2022 | FRANCE | N°19LY04434

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 janvier 2022, 19LY04434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Sigestel a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2012.

Par un jugement n° 1705002 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 décembre 2019 et le 6 ju

illet 2020, la SASU Sigestel, représentée par Me Lagneaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Sigestel a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2012.

Par un jugement n° 1705002 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 décembre 2019 et le 6 juillet 2020, la SASU Sigestel, représentée par Me Lagneaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rachat de la créance litigieuse répond à son intérêt économique propre ainsi qu'à celui du groupe ; c'est donc à tort que l'administration fiscale a considéré que ce rachat était constitutif d'un acte anormal de gestion et qu'elle a remis en cause la provision pour créance douteuse qu'elle a comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2012 ;

- concernant la détermination du montant de cette provision, elle s'est conformée à la réglementation comptable et a agi en conformité avec la doctrine administrative.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2021 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Sigestel, filiale de la SAS Groupe Sibuet, société holding qui détient également 50 % de participation dans la SAS Groupe Sibuet Développement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2014 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a considéré qu'elle avait acquis auprès de sa société mère, la SAS Groupe Sibuet une créance que cette dernière détenait sur sa filiale, la SAS Groupe Sibuet Développement, à un prix excessif, et a réintégré dans son bénéfice imposable la provision pour créance douteuse constituée au cours de l'exercice clos le 31 octobre 2012 en vue de faire face à la perte probable de 95 % de cette créance. En conséquence, la SASU Sigestel s'est vue notifier, selon la procédure contradictoire, une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 4 octobre 2019, dont la SASU Sigestel relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée notamment à la condition que les pertes ou charges tenues pour probables se rattachent à des opérations relevant d'une gestion financière et commerciale normale.

3. Le prix de revient d'un élément d'actif n'est opposable à l'administration, en particulier pour la constitution d'une provision en vue de faire face à des pertes probables, que dans la mesure où la décision d'acquérir cet élément d'actif, lorsqu'elle a été prise, ainsi que le prix alors consenti au vendeur, peuvent être regardés comme se rattachant à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise qu'il doit être apprécié si des charges assumées par une société en vue d'assurer certains avantages à d'autres sociétés correspondent à des actes de gestion commerciale anormale, et ce y compris lorsque les transactions en cause ont été effectuées d'une société filiale envers sa mère. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette opération constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que la société qui a consenti cet avantage n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

4. Il résulte de l'instruction que par acte du 31 octobre 2012, la société-mère SAS Groupe Sibuet a cédé à sa filiale, la SASU Sigestel, une partie de la créance en compte courant de 1 329 098 euros qu'elle détenait sur la SAS Groupe Sibuet Développement, à hauteur de 562 400 euros. L'acte de cession prévoyait que le prix de la créance était versé par compensation, à due concurrence, avec la dette de la SAS Groupe Sibuet inscrite au compte courant d'associé dans les livres comptables de la SASU Sigestel. Le même jour, la SASU Sigestel a constaté une provision pour créance douteuse d'un montant de 534 280 euros, correspondant à 95 % du montant de la créance acquise auprès de la SAS Groupe Sibuet. L'administration fiscale a considéré que le rachat de cette créance avait été opéré à un prix supérieur à la valeur vénale de cette dernière, qu'il procédait, à hauteur de l'écart constaté entre la valeur vénale et la valeur réelle, soit 28 120 euros, d'une opération étrangère à une gestion commerciale normale et a, par suite, réintégré dans le bénéfice imposable de la SASU Sigestel le montant de la provision comptabilisée au titre de l'exercice 2012.

5. En premier lieu, en relevant, sans être contredite, que la SASU Sigestel a, le jour même de la transaction, comptabilisé une provision pour créance douteuse correspondant à 95 % du montant de la créance acquise auprès de la SAS Groupe Sibuet, l'administration fiscale établit que la SASU Sigestel a acquitté un prix excessif pour le rachat de la créance détenue sur la SAS Groupe Sibuet Développement. La circonstance qu'en inscrivant cette provision en comptabilité, compte tenu des difficultés financières du débiteur, la SASU Sigestel s'est conformée à la réglementation comptable et fiscale, telle qu'interprétée par la doctrine administrative référencée BOI-BIC-PROV-40-20, est sans incidence sur le caractère excessif du prix acquitté.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que la SASU Sigestel ne peut utilement se prévaloir, pour justifier de son intérêt propre au rachat de la créance, de ce que cette opération aurait été avantageuse pour le groupe en général, et pour la société-mère en particulier qui a ainsi pu assainir sa situation financière et apurer sa dette envers sa filiale.

7. En dernier lieu, la SASU Sigestel fait valoir, pour justifier de son propre intérêt à l'opération, qu'elle n'a pas fait l'acquisition d'une créance irrécouvrable mais d'une créance douteuse et qu'il existait donc encore des perspectives d'en obtenir le remboursement. Elle fait valoir également qu'elle s'est départie d'une créance sur sa société-mère dont elle n'aurait pu obtenir le remboursement à court terme, en échange d'une créance dont le remboursement, certes incertain, est assorti du paiement des intérêts de retard. Toutefois, la SASU Sigestel n'établit pas que la SAS Groupe Sibuet était dans l'incapacité de rembourser sa dette et ce alors que l'administration fiscale relève que la société-mère a réalisé un bénéfice de 373 746 euros au titre de l'exercice clos en 2012, que le montant de ses capitaux propres s'élevait à 25 161 037 euros et qu'elle a effectué d'importants versements au profit de ses associés au titre de ce même exercice. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la SASU Sigestel était, au jour de l'acquisition de la créance litigieuse, informée des difficultés financières de la SAS Groupe Sibuet Développement, dès lors qu'elle a comptabilisé le jour même une provision en vue de faire face à une perte probable de 95 % du montant de sa créance. Elle ne justifie donc pas, compte tenu du risque de non-recouvrement qui s'attache à cette créance, que cette dernière serait plus rémunératrice que celle qu'elle détenait sur sa société-mère et qu'elle bénéficierait donc de contreparties, en retour de l'avantage qu'elle a consenti. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'un acte anormal de gestion lui permettant de remettre en cause la provision en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que la SASU Sigestel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. En conséquence, les conclusions de sa requête doivent être rejetées y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Sigestel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Sigestel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.

2

N° 19LY04434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04434
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-27;19ly04434 ?
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