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13/01/2022 | FRANCE | N°21LY03170

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 janvier 2022, 21LY03170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 février 2021 par lesquelles le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101802 - 2101803 du 2 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée

le 27 septembre 2021, Mme C..., épouse B... et M. B..., représentés par Me Delbes, avocate, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 février 2021 par lesquelles le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101802 - 2101803 du 2 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2021, Mme C..., épouse B... et M. B..., représentés par Me Delbes, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement qui ne répond pas aux moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu est irrégulier ;

- les décisions d'obligation de quitter le territoire français ont été prises à l'encontre des requérants sans que leur demande de rendez-vous en préfecture n'ait été prise en considération alors même que celle-ci était justifiée par l'état de santé de Mme C..., épouse B... ;

- elles sont insuffisamment motivées, notamment en ce qui concerne les demandes de rendez-vous et sont entachées d'un défaut d'examen de leurs situations personnelles ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ;

- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et son épouse, de nationalité albanaise, nés respectivement, le 1er mars 1986 et le 16 mars 1989, sont entrés régulièrement en France le 19 septembre 2018. L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 18 décembre 2018 et ces refus ont été confirmés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 7 décembre 2020. Par décisions du 22 février 2021, le préfet du Rhône, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... et son épouse font appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions du 22 février 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Ainsi que le soutiennent les requérants, le tribunal a omis de statuer, sur les moyens, qui n'étaient pas inopérants, soulevés à l'encontre des obligations de quitter le territoire français prononcées à leur encontre et tirés de ce que le préfet avait pris ces décisions en méconnaissance de leur droit d'être entendu. Ces omissions rendent irrégulier sur ces points le jugement attaqué, lequel doit, par suite, être annulé. Par suite, il y a lieu d'évoquer de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, pour prendre les décisions obligeant les intéressés à quitter le territoire français, le préfet a mentionné les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il entendait faire application, ainsi que les éléments factuels sur lesquels il s'est fondé. Ce faisant, il a suffisamment motivé ses décisions au regard des exigences des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a procédé à un examen complet de la situation de M. B... et de son épouse.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que les décisions en litige ne mentionnent pas le fait que M. B... et son épouse ont obtenu un rendez-vous fixé au 18 mai 2021, auprès des services préfectoraux en vue de déposer une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de Mme B... ne révèle pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de leurs situations personnelles.

5. En troisième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés auraient été, à un moment de la procédure, informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet de mesures d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions le préfet du Rhône a entaché ses décisions d'irrégularité.

7. Toutefois, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.

8. Les certificats médicaux produits par les requérants n'établissent pas que Mme B... ne pourrait bénéficier effectivement en Albanie d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, l'irrégularité commise par le préfet du Rhône en privant M. et Mme B... de faire valoir l'état de santé de cette dernière, ne les a pas privés d'une garantie dans les circonstances de l'espèce et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens des décisions attaquées.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

10. Les requérants font état des risques de persécution encourus en cas de retour en Albanie ainsi que du suivi médical dont bénéficie Mme B... en France. Toutefois, les éléments produits au dossier ne permettent pas d'établir l'existence des menaces dont ils feraient l'objet en Albanie et ne permettent pas d'établir que Mme B... ne pourrait bénéficier dans ce pays, d'un traitement approprié à son état de santé. Par ailleurs, les intéressés ne sont en France que depuis un peu plus de deux ans. Rien ne s'oppose à ce que M. et Mme B... ainsi que leurs enfants poursuivent une vie normale en Albanie. Dans ces conditions, les décisions litigieuses n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à leurs motifs et n'ont, ainsi, pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

12. Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

13. M. et Mme B... soutiennent qu'un retour en Albanie les exposeraient à nouveau aux violences qu'ils ont subies dans ce pays, en raison du désir de vengeance d'une bande mafieuse à l'égard de la famille de Mme B.... Toutefois, ils n'établissent pas, par leur récit et les pièces produites, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans le pays dont ils possèdent la nationalité, alors qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées par les instances compétentes. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet du Rhône n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions attaquées. Dans les circonstances de l'espèce, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101802 - 2101803 du 2 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif et les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., épouse B..., à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.

3

N° 21LY03170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03170
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-13;21ly03170 ?
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