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13/01/2022 | FRANCE | N°21LY02122

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 13 janvier 2022, 21LY02122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler notamment l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ou, à titre subsidiaire, de diminuer la durée de cette interdiction.

Par jugement n° 2103230 du 25 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a,

dans un article 4, rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler notamment l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ou, à titre subsidiaire, de diminuer la durée de cette interdiction.

Par jugement n° 2103230 du 25 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 4, rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Djinderedjian, demande à la cour :

* d'annuler l'article 4 du jugement précité ;

* d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;

* de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

* l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

* elle ne pouvait être prise au visa du 2° et du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

* elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

* l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'interdiction de retour sur le territoire français aurait dû faire l'objet d'une motivation distincte de l'obligation de quitter le territoire français ;

* elle n'est pas motivée eu égard aux critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante kosovare née le 8 janvier 2000, a déclaré être entrée en France le 7 mai 2017, accompagnée de ses parents et de son frère. Elle a vu sa demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 octobre 2018. Elle a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 15 février 2019 puis d'une deuxième obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'un an le 19 mars 2020. Par arrêté du 18 mai 2021, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé sa destination d'éloignement et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme B... relève appel de l'article 4 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, dès lors, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger (...) n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". En outre, l'article L. 423-23 du code précité prévoit que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " L'article L. 435-1 du code précité indique que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) "

4. D'une part, si, en sa qualité de ressortissante de la République du Kosovo, Mme B... n'était pas soumise à l'obligation de visa, il est constant qu'elle s'est maintenue en France postérieurement à la période de trois mois ayant suivie son entrée sur le territoire, sans bénéficier d'un titre de séjour. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie était fondé, pour ce seul motif, à édicter à son encontre, en vertu du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français. L'intéressée ne peut donc soutenir que le préfet aurait ainsi méconnu les dispositions précitées.

5. D'autre part, un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

6. Si Mme B... se prévaut de sa durée de séjour en France de quatre années, elle ne se maintient sur le territoire français qu'en raison du délai d'examen de sa demande d'asile et de l'absence d'exécution de plusieurs mesures d'éloignement. Elle ne justifie en France d'aucune attache privée et familiale alors que ses parents et son frère y résident également de manière irrégulière. Elle n'établit pas que sa mère aurait bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé pour lequel un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 avril 2021 a estimé que l'intéressée pouvait bénéficier de manière effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, et alors même que Mme B... est scolarisée en terminale STMG, elle ne justifie pas remplir les conditions pour obtenir de plein droit le titre de séjour mentionné à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle ne peut se prévaloir de la violation des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, qui reprend désormais les anciennes dispositions de l'article L. 313-14 du même code, dès lors que cet article ne régit pas un cas de délivrance de titre de séjour de plein droit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance par la décision portant obligation de quitter le territoire français des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. En troisième lieu, si Mme B... soutient que l'obligation de quitter le territoire français en litige a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été auditionnée le 30 avril 2021 par un agent de police judiciaire de la gendarmerie de Scionzier au sujet de sa situation personnelle, audition qu'elle a refusée de réaliser. Par suite, le moyen soulevé manque en fait et ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de la Haute-Savoie a procédé à un examen préalable de sa situation et a pris en compte l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il avait connaissance à la date de sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté.

10. En sixième lieu, contrairement à ce qu'allègue Mme B..., les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ledit territoire ont fait l'objet de la part du préfet de la Haute-Savoie d'une motivation distincte dans l'arrêté attaqué.

11. En dernier lieu, Mme B... réitère en appel le moyen dirigé contre l'interdiction de retour prononcée à son encontre tiré de ce que cette décision n'est pas motivée eu égard aux critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu pour la Cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 14 de son jugement.

12 Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 18 mai 2021 par le préfet de la Haute-Savoie portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 janvier 2022.

5

N° 21LY02122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02122
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-13;21ly02122 ?
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