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12/01/2022 | FRANCE | N°21LY00319

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 janvier 2022, 21LY00319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire à trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2006527 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te enregistrée le 29 janvier 2021, M. B..., représenté par la SELARL BS2A - Bescou et Sabatier, agi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire à trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2006527 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021, M. B..., représenté par la SELARL BS2A - Bescou et Sabatier, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 17 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'un vice de procédure, d'erreur de droit et d'absence d'examen sérieux de sa demande, dès lors qu'il a saisi le préfet d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié ; il appartenait au préfet de saisir la Direccte de la demande d'autorisation de travail de son employeur et d'examiner sa demande au regard des critères d'appréciation fixés par les dispositions de l'article R. 5221-11 du code du travail ;

- ces décisions méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions violent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces décisions procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont privées de base légale par suite de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 3 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- et les observations de Me Guillaume, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1985, déclare être entré en France en 2015. Le 6 juin 2019, il a été interpellé par les services de police en possession d'une fausse carte d'identité portugaise. Par des décisions du même jour, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 13 juin 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Par un nouvel arrêté du 17 août 2020, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire à trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 août 2020 :

En ce qui concerne le refus d'admettre M. B... au séjour :

2. En premier lieu, l'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais impose seulement au préfet, en application des dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Si, au terme de ce nouvel examen de la situation de l'étranger, le préfet refuse de délivrer un titre de séjour, il peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation, assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. L'arrêté du préfet du Rhône du 17 août 2020, par son article 1er, refuse la délivrance d'un titre de séjour à M. B.... Il ne vise toutefois aucune demande de titre de séjour en dépit de la production au dossier de première instance d'une fiche pour l'examen d'une demande de titre de séjour au titre de la " famille et du travail " datée du 23 octobre 2019, dont au demeurant aucune pièce n'atteste de la réception en préfecture. L'arrêté attaqué doit ainsi être regardé comme ayant été pris, non en réponse à une demande d'admission au séjour présentée par l'intéressé, mais en application des principes mentionnés au point 2 et de l'injonction prescrite par le jugement susmentionné du 13 juin 2019. Le préfet du Rhône, qui s'est prononcé sur la situation de M. B... au regard de son droit au séjour comme il était tenu de le faire, a considéré que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au titre des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile code et 7 quater de l'accord franco-tunisien et que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou exceptionnelles justifiant une admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ou travailleur temporaire " au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, quand bien même il aurait déposé en préfecture un cerfa de demande d'autorisation de travail rempli par son employeur, l'arrêté attaqué ne lui a nullement refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Dans ces conditions, les moyens tirés du vice de procédure en l'absence de saisine de la Direccte, de l'erreur de droit et du défaut d'examen sérieux de sa demande au regard des critères d'appréciation fixés par les dispositions de l'article R. 5221-11 du code du travail ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. M. B... fait état de la durée de sa présence en France où il a rencontré une compatriote qu'il a épousée en décembre 2017, dont les parents et le frère résident en France sous couvert de cartes de résident. Il se prévaut de la naissance sur le territoire national de ses deux enfants, les 15 octobre 2018 et 11 janvier 2020. Toutefois, le requérant est en situation irrégulière depuis son entrée en France. S'il soutient qu'il justifie, contrairement à ce qu'opposent le préfet et le jugement attaqué, de la réalité d'une communauté de vie avec son épouse, la cellule familiale peut se reconstituer en Tunisie dès lors que cette dernière, de même nationalité, fait également l'objet le même jour d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour aurait méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, compte tenu de la situation du requérant telle qu'elle vient d'être rappelée, le refus de titre de séjour ne peut davantage être regardé comme portant à l'intérêt supérieur de ses enfants une atteinte contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône, en refusant la régularisation de sa situation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

9. Nonobstant l'erreur de droit, relevée dans le jugement attaqué commise par le préfet ayant envisagé la délivrance à M. B... d'une carte portant la mention " salarié ou travailleur temporaire " au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions que le requérant persiste à invoquer dans ses écritures, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, le préfet du Rhône, en estimant que la situation de M. B... ne justifiait pas une admission exceptionnelle au séjour par le travail, a bien examiné l'opportunité d'une régularisation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Si M. B..., qui a utilisé une fausse carte d'identité portugaise pour exercer des activités professionnelles, soutient que son contrat de travail d'employé polyvalent de boulangerie n'aurait fait l'objet d'une rupture conventionnelle que pour éviter un rejet de sa demande d'autorisation de travail, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6, M. B... n'est pas fondé à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination devraient être annulées en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2022.

3

N° 21LY00319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00319
Date de la décision : 12/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-12;21ly00319 ?
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