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06/01/2022 | FRANCE | N°19LY03158

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 janvier 2022, 19LY03158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de mettre à la charge de la commune de Saint-Marcel une somme de 27 551 euros en réparation d'un préjudice financier et de troubles dans les conditions d'existence nés des conditions d'exécution de son contrat pour le manque à gagner résultant de la détermination de sa rémunération.

Par un jugement n° 1802341 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon, donnant par ailleurs acte du désistement de la requérante de ses conclusions

aux fins d'annulation, a notamment rejeté cette demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de mettre à la charge de la commune de Saint-Marcel une somme de 27 551 euros en réparation d'un préjudice financier et de troubles dans les conditions d'existence nés des conditions d'exécution de son contrat pour le manque à gagner résultant de la détermination de sa rémunération.

Par un jugement n° 1802341 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon, donnant par ailleurs acte du désistement de la requérante de ses conclusions aux fins d'annulation, a notamment rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 novembre 2019 et 7 avril 2020, Mme A..., représentée par Me Rodier, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Marcel à lui verser une indemnité de 27 551,51 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Marcel une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été engagée par le contrat du 24 octobre 2013 pour un volume annuel de 1 131h 50 d'enseignement musical sur un poste d'assistant territorial d'enseignement artistique non titulaire, correspondant ainsi à un temps complet hebdomadaire de 20 heures rémunérées sur la base de l'indice brut 516 majoré 443 ;

- en l'absence de mention d'un temps de travail hebdomadaire, elle a nécessairement, en application de l'article 3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, été recrutée à temps complet au grade d'assistant d'enseignement artistique ;

- son traitement doit par suite être liquidé par douzièmes du traitement annuel correspondant à l'indice brut 516 majoré 443 ;

- elle justifie d'un manque à gagner au regard des sommes effectivement perçues d'un montant de 27 551,51 euros ;

- son contrat ne pouvait prendre effet antérieurement à la délibération ayant créé l'emploi ; cet emploi permanent, sauf à méconnaître l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, devait être pourvu par un titulaire ; il en résulte que son contrat la soumet au régime statutaire des assistants territoriaux d'enseignement artistique déterminé par le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 et à une obligation de service hebdomadaire de 20 heures ; sa durée de service annuelle correspond à une durée hebdomadaire de 21,75 heures ; en l'absence de stipulations expresses, sa rémunération ne peut être annualisée ;

- faute de fixation expresse de sa durée hebdomadaire de service en fraction de temps complet exprimée en nombre d'heures conformément à l'article 3 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, elle justifie avoir été recrutée à temps complet pour une rémunération fixée par référence au grade d'assistant territorial d'enseignement artistique ; le contrat doit être présumé conclu pour un temps complet ;

- la commune ne peut déroger aux dispositions statutaires, implicitement contenues dans la délibération, en considérant avoir créé un poste par cette référence mais soumis à une durée hebdomadaire de service de 35 heures pour un temps complet.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 16 mars 2020, la commune de Saint-Marcel, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et de la demande de première instance de Mme A... et à ce que soit mise à la charge de celle-ci une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prescription est opposable aux conclusions indemnitaires de Mme A... portant sur des faits générateurs antérieurs au 1er janvier 2014 ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Garaudet, pour la commune de Saint-Marcel ;

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée en 1998 par la commune de Saint-Marcel, Mme A..., après une succession de contrats à durée déterminée pour exercer un emploi dans un centre social, a été affectée, à compter du 1er novembre 2013, dans un emploi d'assistant territorial d'enseignement artistique créé par une délibération du conseil municipal en date du 28 octobre 2013. Dans le contexte d'un différend avec la commune sur ses obligations de service hors des périodes scolaires, et le refus, opposé le 5 septembre 2018 par Mme A..., d'un avenant à son contrat proposé le 17 juillet 2018 par son employeur, Mme A... a saisi ce dernier, le 19 juin 2018, d'un recours gracieux contre une décision tendant à lui confier des attributions hors des périodes scolaires en même temps que d'une demande d'indemnisation, à hauteur de 25 000 euros, d'un manque à gagner résultant d'une différence entre les rémunérations qui lui avaient été versées depuis le 1er novembre 2013 et celles afférentes à un exercice à temps complet de ses fonctions en référence à l'indice majoré 443. Par un jugement du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, donné acte du désistement de Mme A... de ses conclusions aux fins d'annulation d'une décision modifiant ses obligations de service, d'autre part, rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de la commune de Saint-Marcel à lui verser une somme de 27 551,51 euros en réparation du manque à gagner et des troubles dans ses conditions d'existence qu'elle soutient avoir subis par les conditions de versement de sa rémunération. Mme A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense par la commune de Saint-Marcel :

2. Selon son intitulé, le contrat à durée indéterminée conclu le 24 octobre 2013 entre la commune de Saint-Marcel et Mme A... a été établi en application de l'article 21 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012. L'article 3 de ce contrat stipule que l'intéressée " reçoit une rémunération mensuelle sur la base de l'indice brut 516, indice majoré 443 ".

3. Aux termes de l'article 3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 dans sa rédaction applicable au litige : " L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du 26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi. Il indique les droits et obligations de l'agent. "

4. En premier lieu, il résulte de ses stipulations que, s'il y est fait référence notamment aux droits et devoirs des fonctionnaires et à l'échelle indiciaire des rémunérations de la fonction publique, et si y sont mentionnés la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et le décret n° 88-145 du 15 février 1988, le contrat du 24 octobre 2013 n'a pas pour effet, ce que d'ailleurs souligne la requérante dans ses écritures contentieuses, de classer celle-ci dans un grade relevant d'un corps de la fonction publique territoriale.

5. En deuxième lieu, la circonstance que le contrat porte effet, en vertu de son article 1er, à compter du 1er novembre 2013, bien qu'il ait été signé le 24 octobre 2013, avant la date de la délibération du 28 octobre 2013, qu'il vise néanmoins et a pour objet le recrutement de Mme A... pour occuper le poste, précisément défini au contrat, que cette délibération créait à compter de la même date, établit, contrairement aux affirmations de l'intéressée qui au demeurant se prévaut des dispositions de cette dernière, qu'il trouve sa base légale dans ladite délibération et est intervenu en vue de son exécution.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) / Les agents non titulaires qui ne demandent pas leur intégration ou dont la titularisation n'a pas été prononcée, les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées aux articles 3 et 25 de la présente loi ainsi que ceux recrutés dans les conditions prévues par la section II du chapitre III et par l'article 110 sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles 6, 7, 8, 10, 11, 17, 18, 20, premier et deuxième alinéas, 23, 25, 26, 27, 28, 29 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 susvisé, applicable à compter du 1er avril 2012 : " I. - Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique (...) / Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. / Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du fonctionnaire chargé de la direction de l'établissement dans lequel ils exercent leurs fonctions. (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'État ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 susvisé : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. " Enfin, l'article 7 de ce même décret dispose : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emplois. "

7. D'une part, si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. D'autre part, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 font obstacle à ce que la collectivité territoriale employant des assistants territoriaux d'enseignement artistique soumis à un régime d'obligations de service leur applique les textes pris pour la mise en œuvre, dans la fonction publique territoriale, de la réduction de la durée du travail et de l'annualisation du temps de travail.

8. Toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal, dès lors que les agents contractuels et les fonctionnaires ne se trouvent pas dans la même situation juridique au regard du service public alors même qu'ils exerceraient les mêmes fonctions, l'administration n'est pas tenue de soumettre les uns et les autres à la même réglementation, notamment en ce qui concerne les modalités de leur rémunération et de leur avancement. Il suit de là que Mme A..., dont le contrat fait expressément référence au décret n° 2012-437 du 29 mars 2012, ne saurait, pour tenter de démontrer qu'elle devait être rémunérée par douzièmes de la rémunération annuelle d'un assistant territorial d'enseignement artistique titulaire de la fonction publique, procéder au calcul de sa rémunération mensuelle moyenne sur la base de l'annualisation du temps de travail mise en œuvre dans la fonction publique territoriale.

9. Il ressort de l'article 1er du contrat du 24 octobre 2013 que Mme A... a été engagée en qualité d'assistant d'enseignement artistique, au visa de la délibération du 28 octobre 2013, par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Marcel a approuvé la modification du tableau des effectifs de la commune et a notamment créé, à compter du 1er novembre 2013, un poste " d'assistant territorial d'enseignement artistique non titulaire à temps non complet ". La même délibération précise que le volume horaire annuel des obligations de service attachées à ce poste (enseignement musical) est fixé à 1 131h 50. Dès lors, il ne saurait être inféré de la circonstance que le contrat du 24 octobre 2013, sans méconnaître notamment sur ce point l'article 3 précité du décret n° 88-145 du 15 février 1988, ne mentionne pas cette durée de service, que Mme A... a implicitement mais nécessairement été engagée à temps complet.

10. Il résulte enfin de ce qui vient d'être dit aux points 4, 7 et 8 que Mme A..., en sa qualité d'agent contractuel, ne peut utilement se prévaloir des dispositions statutaires du décret du 29 mars 2012 régissant le corps des assistants territoriaux d'enseignement artistique fixant la durée hebdomadaire de service à vingt heures et par suite tirer de ces dernières qu'en se voyant fixer une obligation annuelle de service de 1 131 h 50 pour le poste sur lequel elle a été recrutée elle exercerait ses fonctions à temps complet, alors même au surplus que la délibération du 28 octobre 2013 précise explicitement que ce poste est à temps non complet.

11. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des bulletins de salaire produits par Mme A..., que sa rémunération a été calculée, en application des stipulations de son contrat, sur la base de l'indice brut 516, indice majoré 443, au prorata de son temps effectif travaillé rapporté à un temps complet tel que défini par l'article 1er du décret du 25 août 2000 précité au point 6.

12. Il suit de là que Mme A... n'établit pas avoir supporté un manque à gagner dans sa rémunération depuis le 1er novembre 2013 ni avoir subi, par voie de conséquence, des troubles dans ses conditions d'existence.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'indemnisation et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 400 euros à verser à la commune de Saint-Marcel au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la commune de Saint-Marcel une somme de 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Saint-Marcel.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.

N° 19LY03158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03158
Date de la décision : 06/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-02 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-06;19ly03158 ?
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