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16/12/2021 | FRANCE | N°21LY01202

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 16 décembre 2021, 21LY01202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte à la préfète de l'Allier de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours, et de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2000...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte à la préfète de l'Allier de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2000923 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 avril 2021, M. B..., représenté par Me Habiles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 de la préfète de l'Allier ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'autorité préfectorale a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas sa situation " au regard d'un séjour à titre exceptionnel " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard au caractère réel et sérieux de ses études et à sa situation personnelle ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est inséré professionnellement et socialement ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'autorité préfectorale a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas sa situation " au regard d'un séjour à titre exceptionnel " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'éloignement est illégale dès lors que la préfète de l'Allier était tenue de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard au caractère réel et sérieux de ses études et à sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est inséré professionnellement et socialement ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2021, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;

- le moyen fondé sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'intéressé ne s'était pas prévalu, est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de Côte d'Ivoire né le 10 janvier 2001, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 3 juin 2017. Il a été confié provisoirement au service de l'aide sociale à l'enfance de l'Allier par ordonnance du 30 octobre 2017 du juge des enfants D... C..., et ce placement a été renouvelé à compter du 30 avril 2018 et jusqu'à sa majorité par un jugement en assistance éducative du 20 avril 2018. Il a demandé, à sa majorité, la délivrance d'un titre de séjour et relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 février 2020 de la préfète de l'Allier refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté du 18 février 2020 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, la préfète de l'Allier, qui n'était pas tenue de rappeler l'ensemble du parcours de l'intéressé depuis le départ de son pays d'origine, a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que M. B... ne pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit ainsi être écarté.

3. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète de l'Allier a examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir général de régularisation de la situation administrative de M. B... et ne s'est, dès lors, pas mépris sur l'étendue de sa compétence, alors même qu'elle n'a pas fait mention des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile, dont le requérant ne s'était pas prévalu au soutien de sa demande.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

6. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de seize ans révolus, a été inscrit à la rentrée de septembre 2018 dans l'unité pédagogique pour élèves arrivants allophones (UPE2A) du Lycée Paul Constans de Montluçon, qualifiée de " classe passerelle " permettant notamment aux élèves non scolarisés dans leur pays d'origine d'acquérir des bases en français afin, par la suite, de mieux suivre une formation professionnelle ou générale. Cette formation, eu égard à son contenu, ne peut être regardée comme destinée à apporter à M. B... une qualification professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, malgré la participation à des ateliers et l'organisation de stages en entreprise. Par suite, M. B... ne remplit pas l'une des conditions de délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, sans pouvoir utilement se prévaloir du caractère sérieux du suivi de la formation en cause. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, le refus de séjour opposé par la préfète de l'Allier, qui n'était nullement tenue de faire droit à la demande qui lui était présentée, n'a pas méconnu les dispositions précitées.

8. En dernier lieu, M. B... était présent sur le territoire français depuis moins de trois ans à la date de la décision de refus de séjour en litige, et les attestations versées aux débats, si elles soulignent ses qualités, ne font pas mention de la présence en France d'attaches personnelles suffisamment stables et intenses, alors qu'il ressort du rapport d'évaluation sur l'âge et l'isolement de M. B..., établi en juillet 2017, qu'il a notamment un jeune frère en Côte d'Ivoire, confié à un oncle paternel par le frère aîné du requérant. Par suite, le refus de séjour en litige ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux buts poursuivis par la mesure.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que la mesure d'éloignement, fondée en l'espèce sur le 3° précité du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, laquelle est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit précédemment.

11. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

12. En troisième lieu, les moyens de M. B... tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code sont inopérants au soutien de la demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, dès lors que seuls les étrangers susceptibles de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour peuvent se prévaloir d'une protection contre l'éloignement.

13. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Cette décision, qui vise les dispositions alors applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne la nationalité ivoirienne du requérant, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

6

N° 21LY01202


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 16/12/2021
Date de l'import : 28/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01202
Numéro NOR : CETATEXT000044553112 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;21ly01202 ?
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