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16/12/2021 | FRANCE | N°19LY02513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 16 décembre 2021, 19LY02513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA Strand Cosmetics Europe a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires d'un montant de 17 411 euros correspondant au remboursement d'une créance de crédit d'impôt en faveur de la recherche obtenu pour l'année 2015, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800608 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser

à la SA Strand Cosmetics Europe les intérêts moratoires portant sur la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA Strand Cosmetics Europe a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires d'un montant de 17 411 euros correspondant au remboursement d'une créance de crédit d'impôt en faveur de la recherche obtenu pour l'année 2015, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800608 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à la SA Strand Cosmetics Europe les intérêts moratoires portant sur la somme de 435 264 euros, pour un montant ne pouvant être supérieur à 17 411 euros, à compter du 12 avril 2016 (article 1er), et a rejeté le surplus de ses demandes (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) d'ordonner le remboursement par la SA Strand Cosmetics Europe des intérêts moratoires dont le paiement a été ordonné.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que la circonstance que le droit au remboursement du crédit d'impôt recherche ne procèderait pas, à l'origine, d'une erreur de l'administration était sans incidence sur le droit au paiement d'intérêts moratoires, alors que ce crédit d'impôt est une aide publique dont le versement peut se faire par imputation sur l'impôt dû ou, dans certaines hypothèses, par un remboursement immédiat, que les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne s'appliquent qu'aux réclamations prévues à l'article L. 190 du même livre tendant à la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, et non aux réclamations prévues au même article tendant au bénéfice d'un droit, et que le remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche ne peut être regardé comme le dégrèvement d'un impôt déjà versé ouvrant droit aux intérêts moratoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, la SA Strand Cosmetics Europe, représentée par Me Moisy, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Strand Cosmetics Europe a demandé le 12 avril 2016 à l'administration fiscale le remboursement immédiat d'une somme de 435 264 euros correspondant au crédit d'impôt en faveur de la recherche qu'elle avait déclaré au titre de l'année 2015, non imputable sur l'impôt sur les sociétés. Le remboursement de cette somme lui a été accordé par une décision du 10 février 2017, à l'issue d'une vérification de sa comptabilité. Par une réclamation du 29 septembre 2017, rejetée le 28 novembre 2017, la SA Strand Cosmetics Europe a demandé le versement d'intérêts moratoires, au motif que le remboursement du crédit d'impôt avait été obtenu plus de six mois après sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de l'article 1er du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon, saisi par la SA Strand Cosmetics Europe, a condamné l'Etat au paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 435 264 euros, dans la limite de la somme réclamée par la contribuable.

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes du I de l'article 199 ter B de ce code : " Le crédit d'impôt (...) défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) ". Le II du même article prévoit que ces créances sont immédiatement remboursables lorsqu'elles sont constatées par des entreprises appartenant à certaines catégories, notamment celles " qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ".

3. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts (...) ne sont pas capitalisés (...) ".

5. La demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Un remboursement accordé par l'administration à la suite de l'admission d'une telle réclamation, qui tend à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou règlementaire, n'ouvre pas droit au versement par l'Etat au contribuable d'intérêts moratoires. En revanche, un remboursement de créance de crédit d'impôt recherche qui intervient postérieurement au rejet, explicite ou né du silence gardé par l'administration au-delà du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la demande formée à cette fin a le caractère d'un dégrèvement contentieux de même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et ouvre en conséquence droit au versement d'intérêts moratoires à compter de la date de la demande de remboursement.

6. Dès lors que le remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche en litige n'est intervenu en l'espèce qu'après l'expiration d'un délai de six mois emportant rejet implicite de la réclamation formée par la SA Strand Cosmetics Europe, il présentait le caractère d'un dégrèvement contentieux prononcé par l'administration, ouvrant droit aux intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SA Strand Cosmetics Europe tendant au paiement d'intérêts moratoires.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'intimée et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SA Strand Cosmetics Europe une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SA Strand Cosmetics Europe.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.

4

N° 19LY02513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02513
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-06 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Dégrèvement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MOISY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;19ly02513 ?
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