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02/12/2021 | FRANCE | N°21LY01012

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 02 décembre 2021, 21LY01012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2021 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son assignation à résidence.

Par jugement n° 2101322 du 1er mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
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Par requête enregistrée le 31 mars 2021, M. A..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2021 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son assignation à résidence.

Par jugement n° 2101322 du 1er mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 31 mars 2021, M. A..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du 22 février 2021 susvisées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français qui ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors qu'il ne s'est pas maintenu sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été accordé en raison du fait que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne lui a pas été notifiée ;

- cette décision est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation, alors qu'il justifie d'une circonstance humanitaire faisant obstacle à son éloignement ;

- la décision portant assignation à résidence est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français qui ne lui a pas été régulièrement notifiée.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2021, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'appelant la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une décision du 19 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né en 1988, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2021 du préfet de la Côte-d'Or prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et de la décision du même jour du préfet du Rhône ordonnant son assignation à résidence.

Sur la légalité des décisions du 22 février 2021 :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 212-3, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ; (...) ". Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

3. M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français du 5 octobre 2020 du préfet des Deux-Sèvres, sur la base de laquelle a été prise l'interdiction de retour sur le territoire français en litige, ne lui a pas été régulièrement notifiée alors qu'il avait indiqué sa nouvelle adresse à la Cour nationale du droit d'asile, devant laquelle était pendant son recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile prise par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté du 5 octobre 2020, qui comportait dans une notice jointe la mention des voies et délais de recours, a été envoyé par pli recommandé à M. A... à l'adresse qu'il avait indiquée à l'administration lors du dépôt de sa demande d'asile à savoir " Association l'Escale CADA 79 Parc des Colonnes Rouges Boulevard François Arago 79 180 Chauray " et qui figure notamment sur l'attestation de demande d'asile délivrée à l'intéressé le 30 juin 2020. Il ressort de la copie d'écran produite par le préfet en défense du suivi du courrier recommandé envoyé le 5 octobre 2020 que le pli contenant cet arrêté a été retourné, le 7 octobre 2020, aux services de la préfecture des Deux-Sèvres avec la mention " retourné à l'expéditeur pour cause de boîte aux lettres non identifiable ". Si M. A... fait valoir que l'arrêté du 5 octobre 2020 a été notifié à son ancien domicile et qu'il ne lui a pas été régulièrement notifié, il ressort du relevé Telemofpra produit par le préfet que la mise à jour de la nouvelle adresse a été opérée le 15 février 2021 soit postérieurement à la décision concernée et que M. A... ne produit aucun élément démontrant qu'il aurait informé avant cette date la Cour nationale du droit d'asile et / ou le préfet de son changement d'adresse. Il ne se prévaut pas de la date de mise à jour au 15 septembre 2020 figurant également sur le relevé Telemofpra. Dans ces conditions, l'arrêté du 5 octobre 2020 du préfet des Deux-Sèvres doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à l'intéressé à la date du 7 octobre 2020. Il s'en suit qu'à la date de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contestée, le délai d'exécution de la mesure d'éloignement était expiré. M. A... n'est pas dès lors fondé à soutenir que l'interdiction de retour serait dépourvue de base légale.

4. En deuxième lieu, et en conséquence de ce qui a été dit au point précédent, M. A... ne saurait se prévaloir de l'absence de notification de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 5 octobre 2020 pour soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français édictée le 22 février 2021 serait entachée d'erreur de fait ou d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

6. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de la Côte d'Or a motivé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français par l'entrée récente en France de M. A... et l'existence d'attaches privées et familiales fortes dans le pays d'origine. Il résulte des principes visés au point précédent qu'il n'était pas tenu de faire figurer l'absence de menace à l'ordre public présenté par M. A... dans la décision édictée. Si M. A... n'a pas fait l'objet d'autres mesures d'éloignement que celle sur le fondement de laquelle a été édictée l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, les motifs relevés par le préfet justifiaient le prononcé de l'interdiction contestée et sa durée limitée à un an. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée, du défaut d'examen et de l'erreur de droit commise par le préfet de la Côte-d'Or.

7. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance que la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 août 2020 lui ait été tardivement notifiée est sans incidence sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre dès lors que celle-ci est fondée sur l'inexécution de la mesure d'éloignement du 5 octobre 2020 dans le délai de 30 jours imparti. Une telle circonstance ne saurait par ailleurs et alors qu'il ressort du relevé Telemofpra produit par l'intéressé que la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui a été notifiée le 16 septembre 2020, caractériser une circonstance humanitaire justifiant l'absence de prononcé de la mesure en cause.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré très récemment en France en octobre 2019 à l'âge de 31 ans. Son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée. L'intéressé ne saurait donc se prévaloir de la présence en France de son épouse, en situation irrégulière, et de leurs deux enfants. B... ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie dont tous les membres ont la nationalité et alors que M. A... y conserve de fortes attaches privées et familiales. M. A... ne fait en outre état d'aucune intégration socioprofessionnelle en France. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que, par la mesure contestée, le préfet de la Côte d'Or aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

11. M. A... soutient que l'assignation à résidence serait dépourvue de base légale dès lors que le délai de 30 jours imparti pour quitter le territoire français visé dans la mesure d'éloignement du 5 octobre 2020 ne pourrait être regardé comme expiré faute de notification régulière de cette mesure. Toutefois, ainsi qu'il a été précisé, l'arrêté du 5 octobre 2020 ayant été régulièrement notifié à M. A... le 7 octobre 2020, à la date de l'assignation à résidence en litige, il entrait bien dans le champ des dispositions du 5° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 février 2021 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son assignation à résidence. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par le préfet de la Côte d'Or au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2021.

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N° 21LY01012

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 02/12/2021
Date de l'import : 14/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01012
Numéro NOR : CETATEXT000044468523 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-02;21ly01012 ?
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