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28/10/2021 | FRANCE | N°21LY01922

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 octobre 2021, 21LY01922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert en Italie, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de l'admettre à présenter sa demande en France, subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par jugement n° 2102160 du 12 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 9 juin 2021, Mme B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert en Italie, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de l'admettre à présenter sa demande en France, subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par jugement n° 2102160 du 12 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 9 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai de huit jours, de l'admettre à présenter sa demande d'asile en France et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour sous astreinte journalière de 100 euros, subsidiairement de réexaminer sa situation sous astreinte journalière de 50 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle marquée par une grande vulnérabilité ;

- la décision de transfert est intervenue en méconnaissance des articles 3-2 et 17 du règlement UE n° 604/2013, de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par mémoire enregistré le 22 juillet 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité ivoirienne, née le 30 novembre 1978 à Kumasi (Côte d'Ivoire), entrée en France le 13 octobre 2020, selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 22 octobre 2020. Le système Eurodac a révélé qu'elle avait été identifiée en Italie, lors d'un franchissement irrégulier de la frontière, le 31 août 2020. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge de Mme B... le 17 novembre 2020, ont fait connaître leur accord implicite pour sa réadmission le 18 janvier 2021. Par un arrêté du 19 mars 2021, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui a, en particulier, mentionné dans l'arrêté en litige la durée de présence sur le territoire français de Mme B... et la présence à ses côtés de ses deux enfants mineurs, en précisant que les autorités italiennes avaient également accepté de prendre en charge ces enfants, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante, décrite par l'arrêté en litige.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Mme B... fait valoir que ses deux enfants mineurs, nés respectivement en 2015 et 2017, ainsi qu'elle-même ont vécu des événements traumatisants durant le parcours qu'ils ont suivi pour se rendre en France, et que l'aîné de ses enfants fait l'objet de soins en raison d'un état post-traumatique. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que son fils ne pourrait bénéficier en Italie de soins adaptés à son état de santé ni qu'elle et ses enfants seraient privés dans ce pays des garanties accordées par le droit d'asile en termes d'accueil, en particulier au regard de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, afin d'harmoniser les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en leur garantissant un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne, s'agissant en particulier des personnes vulnérables, nonobstant le souhait des autorités italiennes, confrontées à des problèmes d'accueil, d'être avisées à l'avance, pour l'exécution d'une décision de transfert, de situations sanitaires particulières par l'envoi d'un certificat médical. Il n'en ressort pas davantage qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un examen particulier de sa demande que les autorités italiennes se sont engagées à examiner en acceptant la demande de prise en charge de l'intéressée. Dès lors, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage, en l'espèce, de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

7. En dernier lieu, à la date de la décision en litige, Mme B... n'était présente sur le territoire français, où elle ne fait état d'aucune attache familiale ou amicale, que depuis cinq mois. Dans ces circonstances, le transfert de la requérante aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ne porte pas, au regard des buts poursuivis et compte tenu des effets d'une telle mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B... et il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que la décision en litige ne fait pas obstacle au maintien des relations entre la requérante et ses enfants qui l'ont accompagnée en France.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et de condamnation de l'État à verser une somme à son conseil au titre des frais du litige doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, première conseillère ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.

1

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N° 21LY01922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01922
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-28;21ly01922 ?
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