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14/10/2021 | FRANCE | N°21LY01504

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 14 octobre 2021, 21LY01504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 5 avril 2021 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2102177 du 10 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé les décisions du 5

avril 2021 refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et l'assignant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 5 avril 2021 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2102177 du 10 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé les décisions du 5 avril 2021 refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et l'assignant à résidence, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 et 17 mai 2021, M. B..., représenté par Me Huard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2021, en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 5 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer sous huitaine un récépissé de titre de séjour dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est présent en France depuis douze années, il est locataire de son propre appartement et justifie de deux promesses d'embauche ; les décisions portant obligation de quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour sur ce territoire méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire ayant été annulée, l'interdiction de retour ayant été adoptée sur ce fondement devait également se voir annulée, se trouvant désormais dépourvue de base légale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ayant été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovar, né le 16 mars 1984, a déclaré être entré en France le 13 février 2009. L'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 18 novembre 2009. Ce refus a été confirmé le 18 juin 2010 par la Cour nationale du droit d'asile. Ses demandes de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides les 28 avril 2011 et 26 février 2014 et ces refus ont été confirmés par la Cour nationale du droit d'asile, les 25 mai 2011 et 2 avril 2014. Les 20 août 2010, 25 août 2011, 3 juillet 2013 et 19 juin 2014, il a fait l'objet de décisions l'obligeant à quitter le territoire français qui ont été confirmées par le tribunal administratif de Grenoble et par la cour. Après avoir été éloigné vers le Kosovo, le 19 juin 2015, il est revenu en France et le 20 septembre 2016, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 mars 2017. Le 25 avril 2019, il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour ainsi que d'une obligation de quitter le territoire français. Enfin, après avoir fait l'objet d'une interpellation par les forces de gendarmerie de la Haute-Savoie, le 5 avril 2021, le préfet de ce département l'a obligé à quitter le territoire français sans délai sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 10 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé les décisions du 5 avril 2021 refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et l'assignant à résidence, a rejeté le surplus de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. M. B... se prévaut de son indépendance matérielle en indiquant qu'il est locataire de son propre logement et qu'il justifie de deux promesses d'embauche. Il fait également valoir qu'il est présent en France depuis douze années, que sa sœur bénéficie d'un titre de séjour et que sa compagne est enceinte. Toutefois le requérant qui ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays d'origine à l'encontre de la décision en litige, n'établit pas qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Kosovo, pays dont sa compagne a également la nationalité et où il dispose d'attaches familiales. En outre, sa durée de présence en France a été acquise au prix de la soustraction à plusieurs précédentes mesures d'éloignement, ainsi qu'il a été dit plus haut. Dès lors, compte tenu en particulier de ses conditions de séjour, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

4. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre d'un étranger auquel est notifiée une obligation de quitter le territoire français sans délai, à moins que celui-ci ne fasse état de circonstances humanitaires avérées. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

5. Pour prendre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. B..., le préfet s'est fondé sur l'absence de délai de départ volontaire et de circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Toutefois, le refus d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire ayant été annulé par le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2021, en conséquence, la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile suscitées. Il s'ensuit, alors que le préfet ne demande aucune substitution de motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision, que le requérant est fondé à en demander l'annulation.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 avril 2021 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, l'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement d'une somme de 1 000 euros, à verser à M. B....

DECIDE :

Article 1er : La décision du 10 avril 2021 du préfet de la Haute-Savoie interdisant à M. B... le retour sur le territoire français pendant un an est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 2102177 du 10 avril 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

4

N° 21LY01504

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01504
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;21ly01504 ?
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