La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2021 | FRANCE | N°21LY00365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 21LY00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 31 décembre 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire s'est prononcé sur sa demande de titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à int

ervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 31 décembre 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire s'est prononcé sur sa demande de titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en lui donnant acte de ce que son conseil renonce en ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2000572 du 14 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision préfectorale précitée du 31 décembre 2019, a enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder à l'instruction de la demande de M. A... et de lui en délivrer récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat au profit de Me Grenier la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que le jugement contesté a considéré que sa décision du 31 décembre 2019 était entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il pouvait refuser d'enregistrer la demande de titre de séjour en raison de son caractère incomplet, que la carte d'identité consulaire ne constitue pas un document d'identité, que le jugement supplétif et l'acte de naissance présentés par M. A... n'ont pas été légalisés par le consul de Guinée en France et qu'il n'est pas démontré que Mme B..., attachée, dispose de la compétence pour légaliser un acte d'état civil guinéen, et qu'ainsi ces actes ne pouvant être considérés comme légalisés, ils étaient donc irrecevables au regard de l'article 47 du code civil ; l'identité de l'intéressé ne pouvant être établie, en méconnaissance de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait être procédé au refus d'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, M. A..., représenté par Me Grenier, conclut à titre principal au non-lieu à statuer sur la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision contestée dès lors que M. A... a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français auprès du préfet de la Vendée, qui a décidé de délivrer le titre de séjour sollicité ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- il justifie de son identité et de sa nationalité.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 ;

- l'arrêté du 3 septembre 2007 relatif aux conditions d'application du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2000572 du 14 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 31 décembre 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a indiqué à M. A..., ressortissant guinéen né le 22 septembre 2001, entré en France en février 2008 et confié dès le 1er mars 2018 aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, ne pas être en mesure de répondre favorablement à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable en indiquant vouloir poursuivre son apprentissage en CAP " peintre " au sein de la société Bâtiment Mauchamp. Le préfet de Saône-et-Loire relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu :

2. La circonstance, au demeurant non démontrée que le préfet de la Vendée aurait décidé de délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à M. A... n'a pas pour effet de priver d'objet la requête du préfet relative à l'annulation d'un précédent refus de séjour opposée sur autre fondement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. A... doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

5. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Le juge doit alors se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

8. La formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet. Cette formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est obligatoire notamment pour les Etats qui, comme la Guinée, ne sont pas signataires de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ou d'autres accords internationaux. Elle peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger. Il suffit, pour qu'un acte de l'état civil étranger soit légalisé et puisse être produit en France, que la signature de la personne ayant dressé l'acte ou délivré copie de cet acte soit légalisée par le chef de la chancellerie du ministère des affaires étrangères du pays où l'acte a été établi, et que le consul du pays où l'acte a été établi légalise lui-même en France la signature du chef de la chancellerie.

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise sur le fondement des dispositions précitées au point 5 de l'article R. 311-2-2 aux motifs que M. A..., qui a produit une carte d'identité consulaire, un jugement supplétif, et sa transcription, qui ne sont pas recevables au regard de l'article 47 du code civil, ne peut justifier de sa véritable identité. A l'appui de sa demande de titre de séjour, l'intéressé a en effet produit une carte d'identité consulaire, simple document à usage interne pour les services de l'administration guinéenne ayant pour vocation d'attester de la résidence à l'étranger d'un ressortissant et ne constituant pas un document d'identité valable sur le territoire français. En outre, M. A... a produit un jugement supplétif du 2 août 2018 du tribunal de première instance de Conakry II, tenant lieu d'acte de naissance, comportant une légalisation de la signature du juge ayant rendu ce jugement datée du 28 août 2018 et émanant de la directrice des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée et portant la signature de " Mohamed Camara, juriste ", ainsi qu'une transcription en marge des registres de l'état-civil de ce jugement, intervenue le 4 mars 2019 par un officier de l'état-civil de la commune de Ratoma, Conakry, comportant la légalisation de sa signature intervenue en décembre 2018 et émanant de Mme D... B..., attachée.

10. Toutefois, il n'est pas démontré, notamment, par une attestation du 9 juin 2020 de l'ambassadeur de la République de Guinée en France, dénuée de valeur probante, que ces signataires successifs étaient compétents pour procéder à une telle légalisation. En outre, l'intéressé n'a apporté aucune justification quant aux raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour établir son identité. Enfin, l'attestation en date du 19 décembre 2018 du consulat de l'ambassade de la République de Guinée en France produite par M. A... ne suffit à établir son identité. Dès lors, c'est à bon droit que le préfet de Saône-et-Loire, qui a opposé tant en première instance qu'en appel le défaut de légalisation régulière du jugement supplétif précité et de sa transcription en marge des registres de l'état-civil, a estimé que M. A... ne pouvait pas légalement justifier de son identité dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 311-2-2 précité et notamment sa minorité lors de son entrée en France. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif de Dijon a retenu que le préfet avait à cette occasion commis une erreur de droit.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 31 décembre 2019 et par suite à demander l'annulation de ce jugement. Dans ces conditions, les conclusions présentées par A..., en appel, au titre des frais liés au litige, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000572 du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées en appel dont celles au titre des frais du litige, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E... A.... Copie sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, présidente-assesseure,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

2

N° 21LY00365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00365
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-05;21ly00365 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award