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30/09/2021 | FRANCE | N°21LY00013

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 septembre 2021, 21LY00013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en lui interdisant de retourner sur le territoire national pendant un an, d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astre

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en lui interdisant de retourner sur le territoire national pendant un an, d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007160 du 3 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007160 du 3 décembre 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 29 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction d'y retourner pendant un an sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle en omettant d'indiquer la date d'entrée en France, la durée de son séjour, son état de santé et eu égard à la durée écoulée entre la transmission de la procédure d'enquête et la notification de la décision attaquée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit depuis bientôt six ans en France, travaille comme plombier et n'a plus aucune attache familiale en Algérie ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnait le 10° de l'article L. 511-4 et l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du suivi médical dont il a besoin qui est indisponible dans son pays d'origine ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an méconnait le III de l'article L. 511-1 du code précité, notamment en ne prenant pas en compte des circonstances humanitaires et alors qu'il ne présente aucune menace à l'ordre public ; elle méconnait également l'article 8 de la convention précitée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 10 février 2021, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que :

- la magistrate désignée a écarté à tort sa fin de non recevoir tirée de la tardiveté du recours de M. B... qui a été enregistré à 11:58 et non 10:44 ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 novembre 2020, le préfet de la Haute-Savoie a obligé M. A... B..., né le 25 septembre 1989 en Algérie, à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en lui interdisant de retourner sur le territoire national pendant un an. Par arrêté du même jour, le préfet a assigné à domicile l'intéressé. Par un jugement du 3 décembre 2020, dont M. B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de la Haute-Savoie a mentionné la date de naissance de l'intéressé et indiqué qu'il avait vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans dans son pays d'origine, attestant ainsi que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a bien pris en compte la durée de son séjour en France. En visant l'ensemble des textes applicables et en indiquant que l'intéressé n'était pas titulaire d'un titre de séjour, était célibataire et sans charge de famille, avait des attaches familiales en Algérie où vivent ses parents et cinq frères et sœurs, ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation et ne justifiait pas de circonstances humanitaires, le préfet a suffisamment motivé sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort nullement des pièces de la procédure de retenue que celles-ci n'aient été transmises au préfet que peu de temps avant l'édiction de la décision querellée. Il n'en ressort pas davantage que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Si M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2015 et travaille comme plombier, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dénué d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents et cinq frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu sur le territoire national malgré une décision de rejet de sa demande d'asile de l'office français de protections des réfugiés et apatrides du 2 mars 2015, confirmée par la cour nationale du droit d'asile du 7 juillet 2015, puis de deux refus de séjour assorties d'obligation de quitter le territoire français les 19 mai 2016 et 13 juin 2018. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision attaquée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) "

6. M. B... soutient que son état de santé nécessite un suivi médical indispensable et indisponible dans son pays. Toutefois, si M. B... a mentionné au cours de son audition par la police présenter quelques troubles psychiatriques pour lesquels il suit un traitement médicamenteux, il n'a fait part d'aucun risque particulier pour sa santé en cas de non prise des médicaments qu'il a indiqué prendre de temps en temps. Il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour pour raisons médicales auprès du préfet des Bouches-du-Rhône, celui-ci a refusé de lui accorder un tel titre selon décision du 13 juin 2018 en se fondant sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 mai 2018 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne l'empêche pas de voyager sans risque vers son pays d'origine. M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir une évolution de son état de santé depuis cette décision. Par suite, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code précité alors applicable.

7. Il découle des points précédents que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.

9. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté querellé que le préfet a visé l'article précité et a estimé que la décision attaquée, notamment par sa durée, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale, même si sa présence ne représente pas une menace à l'ordre public. Comme indiqué au point 2, le préfet a bien pris en compte la durée de son séjour et n'a pas estimé que l'intéressé pouvait se prévaloir de circonstances humanitaires. Ce faisant, le préfet de la Haute-Savoie a suffisamment motivé sa décision.

10. D'autre part, il découle du point 4 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaitrait son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention précitée. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Enfin, il découle du point 7 que M. B... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

12. Bien que visées dans sa requête, M. B... n'articule aucun moyen dirigé contre les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire ou fixant le pays de destination, ou contre l'arrêté du même jour portant assignation à domicile.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Haute-Savoie, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 29 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ou présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition par le greffe le 30 septembre 2021.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00013
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;21ly00013 ?
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