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30/09/2021 | FRANCE | N°20LY02860

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 septembre 2021, 20LY02860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les arrêtés du 29 octobre 2019 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de ces mesures d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsid

iaire, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de leur situation, et so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les arrêtés du 29 octobre 2019 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de ces mesures d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de leur situation, et sous astreinte.

Par un jugement n° 2000646-2000650 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a joint ces demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2020 M. et Mme D..., représentés par Me Vernet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de leur situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, à verser à la SCP Robin Vernet sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- Mme D... ne peut bénéficier de manière effective de la prise en charge médicale nécessaire à sa santé dans son pays d'origine ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire sont illégales en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- ces décisions méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- et les observations de Me Beligon, représentant M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants tunisiens, nés respectivement en 1979 et 1988, sont entrés en France en 2016, sous couvert d'un titre de séjour italien B... M. D... et d'un visa court séjour B... Mme D.... Par deux arrêtés du 29 octobre 2019, le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de ces mesures d'éloignement. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a joint leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et les a rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour opposé à M. et Mme D... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace B... l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir B... lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Dans leur avis du 31 mai 2018, les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

4. S'il ressort des pièces du dossier que Mme D... souffre d'une maladie immune chronique rare, nécessitant un traitement médicamenteux ainsi qu'une prise en charge spécialisée, les certificats médicaux produits, qui émanent de médecins français dont il n'est pas justifié de leur lien avec le système médical tunisien ou de leur connaissance particulière de celui-ci, ne suffisent pas, eu égard aux termes de leur rédaction, à établir la réalité des affirmations des requérants selon lesquelles, d'une part, les traitements ne sont pas disponibles, d'autre part, Mme D... ne pourra y avoir accès compte tenu de leur coût et de l'éloignement, en Tunisie, des centres de soins et ressources médicales. A cet égard, si la requérante se prévaut, B... contester le refus de titre de séjour, du certificat médical du docteur A...***, le traitement par biothérapie auquel il fait référence, dont il est allégué qu'il ne serait pas disponible en Tunisie, seulement envisagé à la date de ce certificat médical du 9 décembre 2019, ne peut être regardé comme le traitement approprié à l'état de santé de l'intéressée à la date de la décision attaquée. Par suite c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de Mme D....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. et Mme D... séjournaient en France depuis un peu plus de trois ans et demi avec leur fils aîné âgé de huit ans et leur deuxième enfant, né en France en 2017, sans faire état d'une intégration sociale particulière. Ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine, où elle dispose de solides attaches familiales, de la prise en charge médicale rendue nécessaire par sa maladie. L'ensemble des membres de la cellule familiale, formée par le couple D... et leurs deux enfants, pourra se reconstituer en dehors du territoire français, en particulier en Tunisie, dont ils ont tous la nationalité, et où aucune pièce du dossier ne permet de considérer que les deux enfants ne seront pas en mesure d'y poursuivre leur scolarité. Dans ces circonstances, contrairement à ce qui est soutenu, en refusant d'admettre au séjour M. et Mme D..., le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte excessive à leur vie privée et familiale ni n'a méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants. B... les mêmes motifs, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de titres de séjour sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

7. Les moyens invoqués à l'encontre des décisions de refus d'admission au séjour ayant été écartés, M. et Mme D... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire français.

8. B... les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions alors en vigueur du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 -1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ni davantage qu'elle seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

9. Les moyens invoqués à l'encontre des décisions portant refus de titres de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. et Mme D... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme D... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, leurs conclusions à fin d'injonction, puisque le présent arrêt n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

No 20LY028602


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 30/09/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY02860
Numéro NOR : CETATEXT000044172411 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;20ly02860 ?
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