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30/09/2021 | FRANCE | N°20LY02257

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 septembre 2021, 20LY02257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis le 14 avril 2017 par lequel la direction générale des finances publiques l'a constituée débitrice de la somme de 5 200,37 euros en recouvrement d'un indu de rémunération, ainsi que la notification de saisie à tiers détenteur du 3 juin 2019 d'un montant de 3 246,37 euros et la décision du 12 septembre 2019 portant rejet de son recours gracieux, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 3 246,37 eur

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Par jugement n° 1908686 lu le 10 juin 2020, le tribunal a rejeté ses ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis le 14 avril 2017 par lequel la direction générale des finances publiques l'a constituée débitrice de la somme de 5 200,37 euros en recouvrement d'un indu de rémunération, ainsi que la notification de saisie à tiers détenteur du 3 juin 2019 d'un montant de 3 246,37 euros et la décision du 12 septembre 2019 portant rejet de son recours gracieux, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 3 246,37 euros.

Par jugement n° 1908686 lu le 10 juin 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 10 août 2020, Mme B..., représentée par Me Bertrand-Hebrard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon, la décision d'indu sur rémunération de 5 200,37 euros ainsi que la décision de saisie à tiers détenteur du 3 juin 2019 d'un montant de 3 246,37 euros et la décision du 12 septembre 2019 portant rejet de son recours gracieux, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 3 246,37 euros ;

2°) d'enjoindre au directeur général des finances publiques de lui restituer la somme déjà recouvrée de 2 270 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision d'indu sur rémunération pour irrecevabilité dès lors que le délai raisonnable d'un an ne lui était pas opposable en ce que cette règle porte atteinte à l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et au principe à valeur constitutionnelle du droit au recours ; le titre de perception n'indiquait pas les voies et délais de recours ; il existe un texte particulier faisant obstacle à la jurisprudence relative au délai raisonnable et il n'y avait pas de mise en péril de la situation ; subsidiairement, il existait des circonstances particulières faisant obstacles à l'irrecevabilité retenue par le tribunal ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- la notification de saisine à tiers détenteurs méconnaît les dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et de l'article 81 du décret n° 62-1587 ;

- le titre de perception du 14 avril 2017 n'étant pas définitif, elle était recevable à en exciper l'illégalité ;

- la somme en litige n'était plus éligible au jour de la notification de la saisie à tiers détenteur, faute pour la direction départementale des finances publiques d'avoir agi dans le délai de prescription de deux ans conformément aux dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle avait un droit acquis au maintien de son demi-traitement jusqu'à son admission à la retraite en application de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 ;

- les sommes réclamées n'étaient plus éligibles à la date de la saisie à tiers détenteur.

Par mémoire enregistré le 1er mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de Mme B... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code civil ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bertrand-Hebrard, pour Mme B..., ainsi que celles de cette dernière ;

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que cette notification doit indiquer que le recours doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun dans le délai de deux mois. Lorsqu'elle ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.

2. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. En premier lieu, la règle énoncée ci-dessus, qui institue un délai raisonnable d'un an avec une possibilité de prolongation en cas de circonstances particulières, plus favorable que le délai de droit commun prévu par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ménage aux intéressés qui n'ont pas reçu une information complète une période suffisamment longue pour prendre conscience de leur droit au recours et ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations des articles 6, paragraphe 1, et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que les articles 118 et 119 du décret susvisé du 7 novembre 2012 instituent avant tout recours juridictionnel à l'encontre d'un titre de perception un recours administratif obligatoire auprès du comptable chargé du recouvrement de la créance dans les deux mois qui suivent le notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, puis un délai de recours contentieux à compter de la date de la décision prise sur sa réclamation, ces dispositions, au demeurant non mises en œuvre par l'intéressée, ne font pas obstacle à l'obligation d'exercer un recours dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de l'acte administratif par son destinataire.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que si l'intéressée s'est vu opposer plusieurs titres exécutoires concernant des versements indus de traitement de 2014 à 2017, elle a, dès le mois de mai 2017, reconnu sa dette. Par suite, elle ne peut utilement invoquer la mauvaise gestion de sa situation par l'administration ni même son état de santé pour soutenir qu'elle présentait des circonstances particulières lui permettant de contester le titre de perception en litige plus de deux années après son édiction dès lors que les pièces produites à l'instruction n'établissent pas l'impossibilité physique dans laquelle elle aurait été placée de contester ce titre de perception pendant ce délai d'un an.

6. En dernier lieu, si le ministre n'établit pas la date de notification du titre de perception émis le 14 avril 2017 à l'encontre de Mme B..., décision dépourvue de l'indication des voies et délais de recours, il résulte toutefois de l'instruction, ainsi qu'il a été retenu à bon droit par les premiers juges, que Mme B... a eu connaissance de ce titre de perception au plus tard le 4 mai 2017, date à laquelle elle a fait part à l'assistance de service social de son administration de la créance mise à sa charge par ce titre. Dès lors et, ainsi qu'il a été dit, en l'absence de circonstances particulières, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que les premiers juges ont rejeté les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 14 avril 2017, présentées plus de deux ans après la date à laquelle Mme B... en a eu connaissance, comme tardives car présentées au-delà du délai raisonnable d'un an.

Sur les autres conclusions :

En ce qui concerne la saisie administrative à tiers détenteur du 3 juin 2019 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 119 du décret susvisé du 7 novembre 2012 : " Les actes de poursuites, délivrés pour le recouvrement des titres de perception (...) peuvent faire l'objet de la part des redevables d'une contestation conformément aux articles L. 281 et R. 281-1 et suivants du même livre (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " /(...)/ Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° (...) sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un acte de poursuite diligenté pour la récupération par l'État d'un indu de traitement d'un agent public peut être contesté, d'une part, devant le juge de l'exécution, pour les contestations de la régularité formelle de cet acte et, d'autre part, devant le juge compétent pour connaître du contentieux du bien-fondé de la créance, pour les contestations portant sur l'obligation de payer, le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et l'exigibilité de la somme réclamée.

8. Compte tenu de ces dispositions et ainsi qu'il a été retenu à bon droit par les premiers juges, il n'appartient pas au juge administratif de connaître d'une contestation relative à la régularité en la forme de l'acte de poursuite, qui ressortit à la compétence du juge de l'exécution. Par suite, Mme B... ne peut utilement invoquer dans le cadre de la présente instance, l'insuffisante motivation de la saisie administrative à tiers détenteur qui lui a été notifiée le 3 juin 2019.

9. En deuxième lieu, Mme B... ne peut utilement soutenir que la notification de saisie administrative à tiers détenteurs méconnaît les dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et celles de l'article 24 du décret susvisé du 7 novembre 2012, dès lors, d'une part, que le décret du 29 décembre 1962 a été abrogé par le décret du 7 novembre 2012 et, d'autre part, que les dispositions de l'article 24 de ce dernier texte concernent soit la liquidation des recettes soit la détermination du montant de la dette, non pas les mesures de recouvrement forcé telle que la saisie administrative à tiers détenteur.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.

11. Aux termes de l'article 2240 relevant des dispositions du titre XX du livre III du code civil: " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. " Aux termes de l'article 2244 du même code : " Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. "

12. Il résulte de l'instruction que suite à émission du titre de perception, le 14 avril 2017, l'administration a adressé à Mme B... une lettre de relance datée du 12 juillet 2017 puis une mise en demeure de payer le 25 août 2017. Par ailleurs, l'intéressée ne conteste pas avoir reconnu sa dette par le paiement d'acomptes de 45 euros le 15 mai 2017 et de 2000 euros le 15 juin 2017. Enfin, sur sa demande, lui a été accordée, le 9 février 2018, une remise partielle de dette de 1 011,21 euros. Compte tenu de ces circonstances qui ont été de nature à interrompre le délai de prescription de la créance détenue par l'État à l'égard de Mme B... en raison d'indu sur sa rémunération suite au titre de perception du 14 avril 2017, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la notification de la saisie administrative à tiers détenteur du 3 juin 2019 concernerait une créance prescrite.

13. En dernier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales que les contestations relatives au recouvrement des créances de l'État ne peuvent porter sur un motif remettant en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Il résulte de l'instruction que le moyen tiré de ce que Mme B... avait un droit acquis au maintien de son demi-traitement jusqu'à son admission à la retraite en application de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 vise à remettre en cause l'assiette et donc le bien-fondé de celle-ci. Il est dès lors, par application des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, inopérant dans le cadre du contentieux de recouvrement.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions d'indus sur rémunération de 5 200,37 euros et de saisie à tiers détenteur du 3 juin 2019 d'un montant de 3 246,37 euros ainsi que la décision du 12 septembre 2019 portant rejet de son recours gracieux et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 246,37 euros. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera adressée à la direction générale des finances publiques de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

N° 20LY02257


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 30/09/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY02257
Numéro NOR : CETATEXT000044172397 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;20ly02257 ?
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