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30/09/2021 | FRANCE | N°20LY01859

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 septembre 2021, 20LY01859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par jugement n° 2001746 lu le 6 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 15 juillet 2020, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par jugement n° 2001746 lu le 6 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 15 juillet 2020, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2001746 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 6 mars 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative et dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt et, en cas d'annulation de l'interdiction de retour, de procéder à l'effacement de toute mention correspondante dans le Système d'informations Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale, dès lors qu'il doit demeurer en France auprès de sa fille dont l'état de santé nécessite des soins, et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- le refus de délai de départ volontaire est intervenu sans examen particulier de sa situation et elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence ;

- l'interdiction de retour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 8 décembre 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les observations de Me Vernet, pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant albanais né le 28 janvier 1980 à Bushkash (Albanie), est entré régulièrement en France muni de son passeport biométrique, le 25 mars 2017, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants mineurs, afin d'y solliciter l'asile mais sa demande, comme celle de son épouse, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 juillet 2017 puis par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 24 novembre 2017. Par un arrêté du 14 mai 2018, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 octobre 2018. Par une demande présentée le 5 juin 2018, il a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir l'état de santé de sa fille, B..., née le 24 mai 2005. Par un arrêté du 20 février 2019 le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 3 mars 2020, pris à la suite d'un contrôle routier effectué par les services de gendarmerie, le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020 du préfet de l'Ain.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. C... fait valoir que de l'état de santé de sa fille B..., qui nécessite des soins médicaux en France, rend nécessaire sa présence sur le territoire français à ses côtés. Toutefois, alors que, par un avis du 13 décembre 2018 dont le préfet du Rhône s'était approprié le sens pour refuser d'admettre au séjour M. C... par sa décision du 20 février 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé que, si l'état de santé de l'enfant de M. C... nécessite une prise en charge, l'absence d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort des pièces du dossier que le handicap neurologique et moteur de cet enfant nécessite avant tout un suivi régulier, des appareillages et une assistance socio-éducative, alors que semble n'exister aucune perspective de traitement médical curatif. Dans ces circonstances, dès lors que la pathologie de la fille du requérant ne peut être regardée comme nécessitant des soins médicaux ouvrant droit à la délivrance à ses parents d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la fille de M. C..., comme les autres membres de sa famille, dont aucun n'était titulaire d'un titre de séjour, n'avait pas vocation à séjourner de manière durable sur le territoire français à la date de la décision qu'il conteste. La présence en France du requérant et de sa famille était récente à la date de cette décision et il ne ressort pas des pièces du dossier que sa famille ne pourrait poursuivre son existence en Albanie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité et où ils ont vécu l'essentiel de leur existence. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuivait. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.

3. En second lieu, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de sa fille mineure dès lors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans le pays d'origine, cette décision n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être également écarté. Enfin, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Ain n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....

Sur le refus d'un délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....

5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a pas exécuté les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre le 14 mai 2018 et le 20 février 2019. Dans ces conditions, en l'absence d'une circonstance particulière, qui ne peut résulter de la nécessité de demeurer en France auprès de sa fille afin qu'elle y suive un traitement alors que la précédente mesure d'éloignement, prise un an avant la mesure contestée, avait été assortie d'un délai de départ volontaire, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il existait un risque que M. C... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et en refusant, pour ce seul motif, de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la fixation du pays de renvoi :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 qu'en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour :

8. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....

10. En second lieu, la séparation de M. C... d'avec son épouse, laquelle n'a pas fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement depuis celle prise à son encontre en 2019 par le préfet du Rhône, et leurs enfants, résulte A... la nécessité dans laquelle il se trouve de se soumettre à l'obligation de quitter sans délai le territoire, prise le 3 mars 2020 par le préfet de l'Ain, non pas de l'interdiction de retour qui ne peut prendre effet qu'à compter de l'exécution de l'éloignement. Il suit de là qu'il ne peut utilement se prévaloir de la situation de son épouse, soumise elle-même depuis plus d'une année à une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas davantage exécutée, comme d'une circonstance exceptionnelle dont n'aurait pas tenu compte l'interdiction de retour. Dès lors le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

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N° 20LY01859


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 30/09/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY01859
Numéro NOR : CETATEXT000044172391 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;20ly01859 ?
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