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28/09/2021 | FRANCE | N°20LY03355

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 septembre 2021, 20LY03355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-d'Uriage a délivré un permis d'aménager à l'indivision F... en vue de la réalisation d'un lotissement de 10 lots à bâtir, ainsi que la décision du 8 février 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902333 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 novembre 2020, 10 mai 2021, 10 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-d'Uriage a délivré un permis d'aménager à l'indivision F... en vue de la réalisation d'un lotissement de 10 lots à bâtir, ainsi que la décision du 8 février 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902333 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 novembre 2020, 10 mai 2021, 10 juin 2021, 2 juillet 2021 et 18 août 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme D... A... représentant l'indivision F..., représentée par la SCP d'avocats associés Bergeras Monnier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal ou, subsidiairement, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 ou L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le tribunal a commis une erreur sur la déclivité de la voie ; il convient de tenir compte des accotements de la voie et de la longueur sur laquelle elle sera empruntée, en l'espèce moins de 100 mètres ; elle ne sera utilisée que pour sortir du lotissement, hormis par les habitants du lot n° 10 ; la dangerosité de l'accès n'est pas établie et la visibilité des automobilistes est assurée des deux côtés ; il n'y a aucune difficulté d'accès pour les engins d'incendie et de secours ; en tout état de cause, le projet d'élargissement de l'impasse revêt un caractère certain ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu que l'absence de plan coté dans les trois dimensions faisant apparaître la composition d'ensemble du projet et les plantations à conserver ou à créer a été de nature à induire en erreur le service instructeur alors que le document graphique d'insertion, les autres plans en coupe et topographiques, les plans cadastraux et la notice permettaient au maire d'être pleinement informé ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu que l'avis du gestionnaire des déchets avait été émis dans des conditions irrégulières, sans rechercher si cette irrégularité était susceptible d'influencer la décision prise par le maire de Saint-Martin-d'Uriage ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les vices qu'il a retenus n'étaient pas régularisables ; en particulier, les travaux d'élargissement de la voie pouvaient être considérés comme suffisamment certains à la date du jugement pour que le juge prononce un sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation ;

- la cour pourra prononcer ce sursis puisque les travaux d'amélioration de la sécurité ont un caractère certain compte tenu de la convention de cession conclue le 4 mai 2021 qui permet de libérer et de mettre à disposition un terrain privé pour le croisement des véhicules et comporte une obligation d'entretien de la parcelle AC n° 157 améliorant considérablement la visibilité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mai 2021, 10 juin 2021 et 3 août 2021, M. B..., représenté par la SELAS Cabinet LEGA-CITE, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les motifs d'annulation retenus par le tribunal, tirés de la méconnaissance de l'article UD 3 du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, doivent être confirmés ;

- ni le principe de la réalisation des travaux d'élargissement de l'impasse Sansaret, ni la date de leur réalisation, ne sont certains ; la convention produite devant la cour, dénuée de sérieux, ne vient pas régulariser le vice qui entache le permis d'aménager dès lors qu'elle ne peut légalement pas avoir pour effet l'élargissement de l'impasse Sansaret qui relève de l'exécution de travaux public pour lesquels seule la commune est compétente ; cette convention ne garantit nullement un élargissement à 4,62 mètres aux endroits visés ; en tout état de cause, un tel élargissement bien en deçà de l'emprise de l'emplacement réservé au PLU ne serait pas suffisant pour permettre une circulation fluide et sécurisée ;

- les différentes autorités consultées sur le projet de lotissement se sont prononcées au vu d'un dossier incomplet ;

- le dossier de demande de permis d'aménager est incomplet au regard du 1° de l'article R. 441-4 du code de l'urbanisme et du d) de l'article R. 442-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en observations, enregistré le 20 mai 2021, la commune de Saint-Martin-d'Uriage, représentée par CLDAA, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 septembre 2020 et demande à la cour de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article UD 3 du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu le caractère incomplet du dossier de demande ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu que l'avis du gestionnaire des déchets avait été émis dans des conditions irrégulières, une telle irrégularité n'ayant pas eu d'influence sur le sens de la décision du maire ni privé l'intéressé d'une garantie.

La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 août 2021 par une ordonnance du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Bergeras pour l'indivision F..., celles de Me Le Priol pour M. B... ainsi que celles de Me Montoya, substituant Me Duraz, pour la commune de Saint-Martin-d'Uriage ;

Considérant ce qui suit :

1. L'indivision F... relève appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, faisant droit à la demande de M. B..., a annulé le permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de 10 lots à bâtir que lui avait délivré le maire de Saint-Martin-d'Uriage par un arrêté du 8 novembre 2018.

Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le jugement attaqué :

En ce qui concerne le caractère incomplet du dossier de demande de permis d'aménager :

2. Il y a lieu d'adopter les motifs par lesquels les premiers juges ont retenu le caractère insuffisant du dossier de permis d'aménager au regard des dispositions du 2° de l'article R. 441-4 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la régularité des consultations :

3. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de commune Le Grésivaudan, gestionnaire des déchets, a rendu un avis favorable le 3 août 2018, en tenant compte de l'existence d'une zone de conteneurs prévue au document graphique PA9. Si, à la demande de la commune, cette zone de conteneur a été supprimée, la notice de présentation mentionne ainsi que les ordures ménagères et le tri seront emmenés au point de proximité qui sera créé entre l'impasse du Sansaret et la route de Pinet. Il résulte de ce qui précède que le service instructeur a été en mesure de porter son appréciation sur ce point. Alors que les demandeurs de première instance n'alléguaient la méconnaissance d'aucune disposition du règlement du PLU sur ce point, c'est à tort que le tribunal a estimé devoir annuler le permis d'aménager en litige au motif que l'avis, purement consultatif, de la communauté de commune Le Grésivaudan a été rendu dans des conditions irrégulières.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UD 3 et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

4. Aux termes de l'article UD 3 du règlement du PLU : " (...) Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de nature et de l'intensité du trafic. La délivrance des autorisations d'urbanisme peut être subordonnée (...) b) A la réalisation de voies privées ou de tous autres aménagements particuliers nécessaires au respect des conditions de sécurité mentionnées au deuxième alinéa ci-dessus (...) Les accès sur les voies publiques qui présenteraient une gêne ou un risque pour la circulation sont interdits. (...) ". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le lotissement projeté est desservi par l'impasse de Sansaret, débouchant sur la route départementale n° 280. L'étroitesse de cette voie rend difficile le croisement de deux véhicules. Elle est du reste classée par le PLU parmi les voies dites difficiles, c'est-à-dire celles rendant problématique, pour ne pas dire impossible, l'accès à des habitations par des engins de secours courants dans certaines circonstances. Comme l'ont également retenu les premiers juges, il ressort notamment des photographies versées au dossier que la visibilité des automobilistes à l'intersection entre l'impasse du Sansaret et la RD n° 280, que ne suffit pas à compenser l'installation d'un miroir, n'est pas bonne. Dans ces conditions, en dépit du fait qu'elle dessert déjà plusieurs propriétés et de l'erreur qu'auraient commise les premiers juges en retenant une déclivité de 13%, qui serait en réalité de 11%, c'est à bon droit que le jugement attaqué retient que les caractéristiques de l'impasse du Sansaret, qui constitue l'unique sortie du lotissement et également l'entrée des véhicules souhaitant accéder au lot n° 10, ne permettent pas de répondre à la circulation supplémentaire engendrée par les 29 logements que comporte le projet ni à des conditions de sécurité adaptées. Il n'apparaît pas, au vu du dossier et de l'instruction de la demande, que le maire de Saint-Martin-d'Uriage aurait pu légalement délivrer le permis d'aménager sollicité en l'assortissant de prescriptions spéciales sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande.

6. S'il ressort des pièces du dossier qu'en vertu d'une étude d'aménagement pour l'élargissement de l'impasse et la sécurisation du croisement avec la route départementale n° 280, la commune a engagé dès l'été 2017 des démarches auprès des différents propriétaires concernés pour les acquisitions nécessaires à cet élargissement, la réalisation de ces travaux ne peut être regardée comme certaine dans son principe comme dans son échéance à la date de délivrance du permis d'aménager en litige, comme l'a considéré le tribunal administratif de Grenoble.

7. Il résulte de ce qui précède que l'indivision F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a retenu, d'une part, l'insuffisance du dossier de permis d'aménager au regard des dispositions du 2° de l'article R. 441-4 du code de l'urbanisme, d'autre part, que le permis d'aménager en litige procédait d'une inexacte application des dispositions de l'article UD 3 du règlement du PLU de la commune et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre (...)un permis( ...) d'aménager estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

9. Au regard de l'importance du projet de modification de la voirie existante impliquant de nombreuses procédures pour lesquelles la commune n'a pas confirmé d'engagements suffisamment précis alors même que cette dernière n'est pas partie à la convention de cession conclue le 4 mai 2021 avec les consorts C..., visant à permettre l'acquisition de portions de parcelles en vue d'élargir la voirie sur une portion limitée, il ressort de l'ensemble des éléments présents au dossier que le vice mentionné au point 5 n'est pas régularisable dans un délai raisonnable. Dans ces conditions, l'indivision F... n'est fondée ni à reprocher aux premiers juges de ne pas avoir prononcé un sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ni à demander qu'il en soit fait application en appel.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'indivision F... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante. Ces dispositions font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Saint-Martin-d'Uriage, qui a été appelée en qualité d'observateur et n'a pas la qualité de partie. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'indivision F... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'indivision F... est rejetée.

Article 2 : L'indivision F... versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Martin-d'Uriage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... représentant l'indivision F... et à M. E... B....

Copie en sera adressée à la commune de Saint-Martin-d'Uriage.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

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N° 20LY03355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03355
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Lotissements. - Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-28;20ly03355 ?
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