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23/09/2021 | FRANCE | N°20LY03620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20LY03620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2004284 et 2004286 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2020

, Mme D..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2004284 et 2004286 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée se fonde sur un refus de titre de séjour illégal ;

- la décision attaquée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée se fonde sur un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales.

Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Evrard ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante kosovare née le 9 novembre 1984, est entrée en France le 9 février 1995, selon ses déclarations, en compagnie de son époux et de leur fils B..., et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 novembre 2016. Mme D... a été admise provisoirement au séjour au regard de son état de santé du 13 septembre 2019 au 1er décembre 2019. Le 4 décembre 2019, Mme D... a, de nouveau, sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juin 2020, le préfet de l'Ain a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. Mme D... fait valoir qu'elle souffre d'un rétrécissement du canal médullaire qui a justifié une arthrodèse le 12 février 2020, d'une hernie discale lombaire, de migraines chroniques, d'un kyste synovial articulaire du poignet droit et d'un syndrome anxieux réactionnel, et qu'elle est astreinte à des séances de kinésithérapie et à des contrôles par radiographie lesquels ne peuvent pas être effectués dans son pays d'origine et rendent impossible tout voyage à destination de ce pays. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 18 février 2020, que si l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé et qu'elle pouvait voyager sans risque vers ce pays. Si la requérante produit des certificats médicaux établis par un masseur-kinésithérapeute le 29 novembre 2019, par un médecin généraliste le 29 novembre 2019 et le 9 juillet 2020 ainsi que des compte-rendu d'hospitalisation et des ordonnances de prescriptions médicamenteuses, ces pièces, qui se bornent à faire état des pathologies dont souffre l'intéressée et du traitement qui lui est prescrit, ne permettent pas d'établir que les soins rendus nécessaires par son état de santé ne pourraient lui être prodigués au C..., ni qu'elle ne pourrait voyager vers ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Mme D... fait valoir qu'elle vit en France depuis 2015 avec son époux et leurs deux enfants, B... né au C... en 2013 et Donat né en France en 2016, et que ces derniers sont scolarisés. Toutefois, Mme D... ne fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce que son époux, qui fait également l'objet d'une décision refusant son admission au séjour et qui se maintient irrégulièrement en France, et elle-même poursuivent leur vie privée et familiale avec leurs enfants au C..., où la requérante a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où elle pourra, ainsi qu'il a été dit au point 3, bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Mme D... fait valoir que l'intérêt supérieur de ses enfants exige qu'ils vivent auprès d'elle en France. Toutefois, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de A... D... de leurs parents. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante et son époux ne pourraient poursuivre leur vie familiale au C..., pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leurs enfants, âgés respectivement de sept et quatre ans à la date de la décision litigieuse, ni que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 3, que, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Si Mme D... se prévaut du caractère invalidant des douleurs dont elle souffre, les pièces qu'elle produit ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, elle ne pourrait voyager à destination du C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Ain aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le paragraphe 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de celle faisant obligation à Mme D... de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

3

N° 20LY03620

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03620
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;20ly03620 ?
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