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23/09/2021 | FRANCE | N°20LY03457

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20LY03457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... et Mme E... B... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 8 janvier 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003110 et 2003111 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête e

nregistrée le 26 novembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... et Mme E... B... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 8 janvier 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003110 et 2003111 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de procéder, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, au réexamen de leur situation et de leur délivrer, dans un délai de sept jours à compter de cet arrêt, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en conséquence de l'annulation des obligations de quitter le territoire français, de procéder, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, au réexamen de leur situation et de leur délivrer, dans un délai de sept jours à compter de cet arrêt, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas été statué sur le moyen tiré de ce que le rapport médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne leur a pas été communiqué ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;

- les décisions portant refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 311-12 et le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les observations Me Cadoux, représentant M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants kosovars nés, respectivement, le 22 novembre 1986 et le 21 septembre 1990, sont entrés en France le 20 juin 2016, selon leurs déclarations, accompagnés de leur fils D..., né le 14 janvier 2014, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugiés. Leurs demandes ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 novembre 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 21 juin 2018. Le 21 mars 2018, M. et Mme A... ont sollicité leur admission au séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade compte tenu de l'état de santé de leur fils D.... Par des arrêtés du 8 janvier 2020, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français sur le fondement du 3° et du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a accordé un délai de départ de trente jours et a fixé le pays de destination. Ils relèvent appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., le tribunal administratif de Lyon a implicitement mais nécessairement écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne leur a pas communiqué le rapport médical établi par le médecin de l'Office. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit être écarté.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme A... avant de refuser de les admettre au séjour.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".

5. M. et Mme A... font valoir que leur fils D..., né le 14 janvier 2014, est atteint d'une encéphalopathie anaxo-ischémique, d'une atteinte motrice sévère bilatérale, d'épilepsie et d'une fragilité infectieuse rhinopharyngobronchique pour lesquels il bénéficie d'un traitement médicamenteux, notamment à base d'antiépileptiques et d'injections de toxines botuliques, de soins kinésithérapiques et orthophoniques ainsi que de la mise en place d'appareillages (verticalisateur, corset siège, motilo, attelles) qui ne peuvent lui être dispensés et fournis qu'en France.

6. Toutefois, consulté sur l'état de santé du jeune D..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a indiqué, par un avis émis le 10 décembre 2018, que si cet état de santé nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de cette dernière peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers ce pays.

7. Ni les certificats médicaux produits par M. et Mme A... établis le 30 mai 2017, le 16 mars 2018 et le 3 janvier 2020 par des médecins généralistes, le 16 janvier 2018 et le 1er mai 2021 par des médecins neuropédiatres, et le 11 mai 2021 par un praticien hospitalier en médecine physique et réadaptation pédiatrique, qui se bornent à décrire les pathologies de l'intéressé et la prise en charge qui a été mise en place en France et à indiquer, pour l'un d'entre eux, que cette prise en charge n'est, " à sa connaissance ", pas disponible au Kosovo, sans aucune autre précision, ni le rapport établi le 3 mars 2017 par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés sur les soins de santé au Kosovo et la résolution du 29 novembre 2018 du Parlement européen sur le rapport 2018 de la Commission concernant le Kosovo, dont les éléments sont très généraux, ni encore le rapport établi par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés le 26 juin 2018, lequel est relatif au traitement de l'arthrite juvénile idiopathique, affectation dont l'enfant n'est pas atteint, ne permettent de démontrer qu'une prise en charge médicale adaptée à l'état de santé du jeune D... ne serait pas disponible au Kosovo.

8. Si les requérants soutiennent que le préfet du Rhône n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que le traitement médicamenteux prescrit à leur fils ou un traitement de substitution serait accessible dans leur pays, ils n'apportent pour leur part aucun élément précis et probant de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office, selon lequel ce traitement est disponible dans leur pays d'origine. Enfin les certificats médicaux produits, qui se bornent à affirmer qu'il " serait délétère que la prise en charge de cet enfant soit interrompue " et que " son état de santé est peu compatible avec un long voyage de retour ", ne suffisent pas, dans les termes où ils sont rédigés, à établir que l'enfant ne pourrait voyager vers ce pays.

9. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de les admettre au séjour, le préfet a méconnu l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme A... avant de les obliger à quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... sont entrés très récemment en France et que leur séjour n'a été autorisé que pour l'examen de leur demande d'asile et celui de leur demande de titre de séjour. M. et Mme A... ne font état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'ils reconstituent leur cellule familiale avec leurs enfants dans leur pays d'origine, dont tous les membres ont la nationalité, où les requérants ont vécu jusqu'à l'âge de trente ans et vingt-six ans respectivement et où leur fils pourra bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet, en obligeant M. et Mme A... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

13. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. M. et Mme A... font valoir que l'intérêt supérieur de leur fils D... exige qu'il poursuive le suivi pluridisciplinaire engagé en France. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 5 à 9, la nécessité pour leur enfant d'être pris en charge en France n'est pas établie. En outre, les décisions litigieuses n'impliquent ni que cet enfant, ni que ses frères nés en France en 2017 et 2018, soient séparés de leurs parents. Enfin, rien ne fait obstacle à ce que ces enfants soient scolarisés dans leur pays d'origine. Par suite, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet du Rhône n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en prenant les décisions contestées. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

5

N° 20LY03457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03457
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;20ly03457 ?
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