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23/09/2021 | FRANCE | N°20LY03048

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20LY03048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003833 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, Mme A..

., représentée par Me Gillioen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003833 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Gillioen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 du préfet de la Savoie ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale ", à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à, titre très subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet de la Savoie n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale avant de lui opposer un refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors que le préfet ne mentionne pas avoir examiné sa situation au titre d'une éventuelle admission exceptionnelle au séjour compte tenu de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2021, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par 1'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, premier conseiller,

- et les observations de Me Muscillo substituant Me Gillioen, représentant Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante thaïlandaise née en 1990, est entrée en dernier lieu en France le 31 août 2015 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et a séjourné régulièrement sur le territoire national sous couvert de titres de séjour portant cette même mention puis d'un titre de séjour délivré le 24 octobre 2018 portant la mention " entrepreneur/profession libérale ". Par un arrêté du 22 juin 2020, le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté contesté précise les considérations de droit et de fait qui fondent le refus de renouvellement de titre de séjour et est ainsi suffisamment motivé. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que Mme A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour ni que le préfet s'est fondé sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui opposer un refus de titre de séjour, ne peut utilement soutenir que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé en fait au regard de ces dispositions.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, ni des pièces du dossier que le préfet de la Savoie n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation tant professionnelle que personnelle avant de lui opposer un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...) ". Aux termes du III de l'article R. 313-36-1 de ce code : " Lorsque l'étranger sollicite le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée au titre des dispositions du 3° de l'article L. 313-10, il doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-4-1, les pièces suivantes : / 1° En cas de création, tout document établissant qu'il a réalisé son projet et que les ressources qu'il en tire sont d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a créé, le 18 février 2019, une société par actions simplifiée unipersonnelle, dénommée Thaï Lao Street Food, dont l'objet est la préparation et la vente, sur place ou à emporter, de plats cuisinés asiatiques. L'intéressée en est la présidente et perçoit à ce titre une rémunération. Pour refuser à Mme A..., le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Savoie a considéré que les ressources que l'intéressée avait tirées de son activité, entre août 2019 et janvier 2020, étaient inférieures au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein et que la viabilité économique de sa société n'était pas justifiée.

6. Pour contester ce refus, Mme A... fait valoir que sa société, dont la création est récente, est économiquement viable et lui permet de tirer des ressources supérieures au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'intéressée, le bilan comptable de sa société de l'exercice clos le 31 décembre 2019 ne permet pas de justifier qu'elle aurait perçu un salaire de 26 249 euros au titre de cet exercice et ce alors qu'il ressort des pièces du dossier que la société employait d'autres salariés et, en particulier sa sœur, dont elle produit au demeurant les bulletins de paie à l'appui de sa requête. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des bulletins de salaire établis à son nom, que si Mme A... a, depuis mai 2019, perçu, certains mois, des salaires mensuels équivalents au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein, elle n'a perçu que 402,48 euros par mois entre août et décembre 2019, 546,24 euros en mars 2020 et aucun salaire en avril et mai 2020, sans que l'intéressée n'apporte à la cour d'éléments d'explication. Il en résulte que, par les pièces qu'elle produit, Mme A... n'établit pas que les ressources qu'elle tire de son activité sont au moins d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Par suite, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit dans l'application du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. Par ailleurs, si l'arrêté en litige mentionne à tort ses revenus déclarés en 2018 alors que sa société n'avait pas encore été constituée ainsi que la circonstance qu'elle a perçu un salaire en décembre 2019 en qualité de serveuse au sein d'une autre entreprise alors qu'il s'agissait d'indemnités de licenciement accordés par le conseil des prud'hommes de Lyon par jugement du 16 décembre 2019, le préfet de la Savoie aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif tiré de ce que Mme A... ne justifie pas tirer de son activité des ressources d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Mme A... se prévaut de sa présence régulière en France depuis six ans, de sa vie commune avec M. C..., de nationalité laotienne, depuis fin 2014, et de leur mariage en septembre 2019, ainsi que de la naissance de leur enfant en 2018 et de la naissance à venir du second. Il est constant que l'appelante a été autorisée à séjourner en France depuis le 31 août 2015, date de sa dernière entrée en France, pour y poursuivre des études, puis pour y créer sa société de restauration sur place ou à emporter. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son époux fait lui aussi l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du préfet de la Savoie du 22 juin 2020 dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. Mme A... se prévaut également de ce qu'elle et sa fille sont de nationalité différente de celle de son époux et soutient qu'il existe un risque d'être séparé l'un de l'autre et, pour leur enfant, d'être séparé de l'un de ses parents. Elle n'établit toutefois pas l'existence d'obstacles à la reconstitution de la cellule familiale hors de France et notamment en Thaïlande, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où elle ne conteste pas disposer d'attaches personnelles et familiales, ou au Laos, pays d'origine de son époux. Ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Savoie n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise ni méconnu l'intérêt supérieur de son enfant. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée et ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

2

N° 20LY03048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03048
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : GILLIOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;20ly03048 ?
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