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23/09/2021 | FRANCE | N°20LY03045

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20LY03045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001356 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2

020 et le 14 avril 2021, Mme A... B... veuve C..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001356 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2020 et le 14 avril 2021, Mme A... B... veuve C..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain du 7 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation, et dans tous les cas, lui délivrer, dans les quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- en relevant qu'elle ne justifiait pas de la réalité et de l'intensité des liens avec ses enfants et que l'avis du collège des médecins de l'OFII du 17 décembre 2018 lui était défavorable, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de motivation en fait, d'une erreur d'appréciation des faits et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de délibération collective du collège des médecins de l'OFII ; pour établir la preuve du caractère collégial de l'avis, le préfet devra produire à l'instance les extraits Themis concernant son dossier ;

- en refusant le renouvellement de son titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 et le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement aux énonciations de la décision en litige, elle a bénéficié d'avis favorables du collège des médecins de l'OFII en août et décembre 2018 qu'il appartient au préfet de produire à l'instance ; il a en tout état de cause, entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- les décisions contestées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu de sa situation particulière, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... veuve C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, premier conseiller,

- et les observations de Me Paquet, représentant Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... veuve C..., ressortissante kosovare née en 1947, est entrée en France le 4 mai 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 juillet 2018. Elle a alors sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, en faisant valoir son état de santé. Le préfet de l'Ain, sur le fondement d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 17 décembre 2018, a délivré à Mme C... un titre de séjour d'une durée de six mois. Après avoir recueilli un nouvel avis du collège des médecins de l'OFII le 2 septembre 2019, il a rejeté la demande de l'intéressée tendant au renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination par un arrêté du 7 octobre 2019. Par un jugement du 2 octobre 2020, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, la décision sur le séjour vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les faits sur lesquels elle se fonde. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".

5. Mme C... invoque un vice de procédure tiré de ce qu'il n'est pas démontré que les médecins composant le collège visé par les dispositions citées ci-dessus se soient effectivement réunis et aient rendu leur avis de manière collégiale. Toutefois, il ressort des pièces produites au dossier que cet avis rendu le 2 septembre 2019 par le collège des médecins de l'OFII concernant l'état de santé de l'intéressée est signé par les trois médecins qui composent ce collège et indique expressément qu'il a été émis " après en avoir délibéré ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mention serait inexacte. La circonstance que les médecins composant le collège exercent leur activité dans des villes différentes ne suffit pas à établir qu'ils n'auraient pas délibéré de façon collégiale, au besoin au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle comme le prévoient les dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, ainsi que celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, et ce sans qu'il soit besoin pour le préfet de l'Ain de produire à l'instance des extraits de l'application Themis relatifs à l'examen du dossier de Mme C..., le moyen tiré du vice de procédure et de ce que l'appelante aurait été privée de la garantie tenant au débat collégial du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.

6. En troisième lieu, par son avis du 2 septembre 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme C..., qui souffre notamment de diabète et d'hypertension artérielle, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester le refus de renouvellement de son titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, décidés par le préfet de l'Ain au vu de cet avis, Mme C... soutient qu'elle est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine puisqu'elle est veuve, que trois de ses enfants résident en France et que les deux autres vivent respectivement en Allemagne et en Alaska. Elle soutient également qu'elle est hébergée chez l'une de ses filles, qui a obtenu le statut de réfugié en France, l'aide dans sa vie quotidienne et l'assiste dans sa prise en charge médicale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui ne conteste pas pouvoir effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies au Kosovo, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas y bénéficier également, le cas échéant, de l'assistance d'une tierce personne. Elle n'établit pas non plus qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine et ce alors qu'il ressort des pièces du dossier que son fils, de même nationalité qu'elle, vit irrégulièrement sur le territoire national à la date de la décision contestée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 11° de L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version alors en vigueur, dirigés respectivement contre la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme C... fait valoir sa présence en France depuis mai 2015, son âge, son état de santé et les attaches familiales dont elle dispose en France. Toutefois, l'intéressée est entrée en France à l'âge de soixante-huit ans, après avoir vécu l'essentiel de sa vie au Kosovo, pays dans lequel elle a nécessairement développé des attaches personnelles, et où elle ne conteste pas pouvoir effectivement bénéficier d'une prise en charge médicale de ses pathologies. Par ailleurs, elle s'est maintenue sur le territoire national en grande partie au bénéfice de ses démarches en vue de son admission au séjour au titre de l'asile. Si elle est hébergée chez l'une de ses filles, qui a obtenu le statut de réfugié et si l'un de ses fils vit régulièrement sur le territoire national, le troisième de ses enfants présents en France y vit, ainsi qu'il a été dit au point 6, de manière irrégulière. Par suite, malgré les relations affectives que Mme C... entretient avec ses enfants et petits-enfants, le préfet de l'Ain n'a pas, eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour en France, porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Il n'a par ailleurs, dans ces conditions, commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation.

9. En dernier lieu, si comme le soutient Mme C..., le préfet de l'Ain a, à tort, considéré qu'elle n'établissait pas entretenir des relations d'une particulière intensité avec ses enfants présents en France et plus particulièrement avec sa fille qui l'héberge, et s'il a mentionné, à tort, dans son arrêté litigieux que, dans un précédent avis du 17 décembre 2018, le collège des médecins de l'OFII avait estimé qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et ce alors qu'au vu de cet avis, le préfet lui a délivré un titre de séjour d'une durée de six mois, il résulte de ce qui précède qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les motifs énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt. Ces erreurs ne sont au demeurant pas suffisantes pour démontrer que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... veuve C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

4

N° 20LY03045

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03045
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;20ly03045 ?
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