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23/09/2021 | FRANCE | N°19LY03521

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 19LY03521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu, des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700178 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à l'article 1er, prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. A... a été assujetti au titre des

années 2011 et 2012, en tant qu'ils étaient assis sur des sommes rattachées à la ca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu, des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700178 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, à l'article 1er, prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. A... a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, en tant qu'ils étaient assis sur des sommes rattachées à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et, à l'article 2, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2019 et le 17 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

3°) de remettre à sa charge les compléments d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et les majorations correspondantes, à hauteur de la somme de 144 379 euros.

Il soutient que :

- il demande que la base légale de l'article 92 du code général des impôts soit substituée à celle de l'article 34 initialement retenue ;

- la nouvelle base légale retenue ne prive M. A... d'aucune garantie, dès lors que la procédure mise en œuvre est celle de l'évaluation d'office, en l'absence de dépôt de déclaration ;

- l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas de nature à entacher la procédure d'imposition d'irrégularité, dès lors que la procédure mise en œuvre est celle de l'évaluation d'office ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- l'activité de prestation de services informatiques déployée a généré des produits d'un montant de 33 115 euros et 109 248 euros au titre des années 2011 et 2012, et a nécessité l'engagement de charges d'un montant de 2 000 euros et 9 682 euros ; l'intimé n'établit pas que les produits et les charges en cause auraient été inexactement évalués ;

- M. A... ne pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article 44 quindecies du code général des impôts, dès lors qu'il n'avait pas déclaré son résultat ;

- les majorations de 80 % pour activité occulte sont justifiées.

Par un mémoire, enregistré le 3 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Rebinguet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les revenus en cause relevaient de la catégorie des traitements et salaires ;

- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées, dès lors qu'elles ne font pas mention de la nouvelle base légale invoquée par l'administration ;

- une nouvelle proposition de rectification aurait dû être notifiée ;

- l'administration a refusé à tort de soumettre le désaccord persistant à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration a inclus dans ses revenus imposables la somme de 8 502 euros qui avait été remboursée à ses clients ; en outre, les charges à prendre en compte doivent être évaluées à 500 euros mensuels ;

- il pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article 44 quindecies du code général des impôts ;

- il ne peut être assujetti aux prélèvements sociaux, dès lors qu'il a déjà été recherché en paiement des cotisations sociales par le régime social des indépendants ;

- les majorations de 80 % pour activité occulte ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui était employé en qualité d'informaticien par la SAS EMC Computer systems, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2013 ainsi que d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 à 2013 après que l'administration a été informée, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, de ce qu'il avait été reconnu coupable d'exécution de travail dissimulé entre le 1er janvier 2011 et le 1er mai 2013, par un jugement du tribunal de grande instance de Moulins du 22 octobre 2014 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Riom du 25 février 2016 devenu définitif. A l'issue de ces contrôles et de la mise en œuvre d'un droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a, d'une part, par notification du 3 juillet 2015, soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices réalisés par M. A... à raison d'une activité occulte de maintenance et de développement de sites internet en application de la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 73-1° du livre des procédures fiscales et, d'autre part, par proposition de rectification du même jour, rehaussé, suivant la procédure contradictoire, les revenus fonciers du foyer fiscal qu'il formait avec son épouse. Les compléments d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquels les intéressés ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 à raison de l'activité non déclarée de M. A... ont été assortis de la majoration de 80 % prévue au c) à l'article 1728-1 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte. Par un jugement du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant constaté que ces revenus provenaient de l'exercice d'une profession non commerciale imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. A... au titre des années 2011 et 2012 " en tant qu'ils étaient assis sur des sommes rattachées à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux " ainsi que des contributions sociales et des majorations correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement et conclut au rétablissement de ces impositions et pénalités.

Sur les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu :

2. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, M. A... a effectué, en plus de son activité salariée d'informaticien pour le compte de la SAS ECM Computer systems, des prestations de service informatique consistant, notamment, dans la conception, la gestion et la maintenance en tant que webmaster de sites internet, pour le compte de différentes sociétés situées en France et à l'étranger, qu'il n'a pas déclarées. M. A..., qui, souffrant d'une maladie chronique, bénéficiait, de la part de la SAS ECM Computer systems, d'un aménagement de ses conditions de travail lui permettant d'effectuer l'intégralité de ses fonctions en télétravail, a ainsi exercé l'activité de webmaster à son domicile, situé La Taillanderie à Pouzy-Mesangy (Allier), en utilisant un ordinateur lui appartenant. Il résulte de l'instruction que M. A... avait notamment recours à des applications numériques de mise en relation de prestataires de services informatiques et de clients, telles que la plateforme odesk.com, devenue upwork.com et la plateforme placeforpeople.com, que les sommes qui lui ont été versées en rémunération de cette activité étaient constituées, à hauteur de 128 069 euros, de virements issus de comptes Paypal ouverts à son nom crédités par ses clients, à hauteur de 82 111 euros et 4 620 euros, par des virements directs des plateformes odesk.com et placeforpeople.com, à hauteur de 5 400 euros, par des virements de la société italienne Il quadrifolgio, et qu'il a enfin perçu des paiements en dollars sur son compte bancaire. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des majorations auxquels M. A... a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 au motif que les revenus tirés de son activité de webmaster relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux et non de celle des bénéfices industriels et commerciaux retenue par l'administration.

En ce qui concerne la demande de substitution de base légale :

3. Dans la présente instance, le ministre de l'action et des comptes publics demande que l'imposition des bénéfices réalisés par M. A... soit rétablie dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

4. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".

5. Aucune pièce du dossier ne permet d'estimer, ainsi que M. A... le soutient sans apporter toutefois aucune précision ni aucun justificatif, que la plateforme odesk.com aurait fixé tant le montant de sa rémunération que ses horaires de travail, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que cette plateforme se borne à référencer, contre le versement d'une commission d'un taux variable selon le montant des prestations facturées, les prestataires " freelance " qui indiquent sur l'application correspondante le type de prestations qu'ils offrent et le montant de leur tarification horaire, et à les mettre en relation avec les clients, lesquels définissent la nature et le contenu de la prestation et qui sont directement facturés par le prestataire. Ni les conditions de travail de M. A..., qui exerçait à titre personnel, en utilisant le matériel informatique lui appartenant, l'activité non déclarée à son domicile suivant des horaires dont il avait seul la maîtrise, ni la nature des relations le liant aux plateformes numériques de mise en relation, dont rien ne permet d'établir qu'elles auraient exercé un contrôle sur les travaux rendus ou un pouvoir disciplinaire à son égard, ni, enfin, ses modalités de rémunération, qui dépendaient uniquement des commandes effectuées par ses différents clients sans que lui soit assurée une rémunération minimale, ne permettent de caractériser, en l'espèce, l'existence d'un lien de subordination justifiant que les sommes perçues soient imposées dans la catégorie des traitements et salaires. En outre, il résulte de l'ensemble des éléments relevés au point 2 que l'activité de prestataire de services informatiques à laquelle s'est livré M. A..., qui ne donne pas lieu à l'accomplissement d'actes de commerce et n'implique pas l'utilisation de moyens humains ou matériels importants mais met principalement en œuvre, ainsi que l'intimé le reconnaît lui-même, les qualifications particulières qu'il a acquises en sa qualité d'ingénieur informaticien, ne peut être regardée comme ressortant à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Dans ces conditions, les gains provenant de l'activité à laquelle s'est livré M. A..., consistant dans la réalisation de prestations informatiques en ligne, qui ne se rattachaient pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus, devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, comme le soutient à bon droit le ministre en appel, et non dans celle des traitements et salaires ainsi que le demande l'intimé.

6. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.

7. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...). Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à une mise en demeure : (...) / Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 (...) " Aux termes du troisième alinéa de ce dernier article, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".

8. D'une part, il résulte de l'instruction que, faute d'avoir été déclarés, les bénéfices de M. A... ont été évalués d'office sans mise en demeure préalable sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, applicable aux revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, combiné à l'article L. 68 de ce livre. Compte tenu de la procédure d'office suivie pour établir les impositions, l'administration n'était pas tenue de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires alors même que le contribuable avait demandé qu'elle le fût sur la foi de la mention erronée figurant sur l'imprimé qu'il a reçu. L'intimé, qui ne conteste pas que son activité a été uniquement exercée depuis son domicile situé en France, n'établit pas que son omission de déclaration relevait, ainsi qu'il l'allègue, d'une simple erreur quant à l'étendue de ses obligations déclaratives s'agissant de revenus provenant de l'étranger, alors qu'il est constant qu'il n'a pas déclaré ses bénéfices dans un autre pays et que ceux-ci, fixés d'office à 31 115 euros en 2011 et 99 566 euros en 2012, n'ont pas été soumis à l'impôt dans un autre pays. M. A... a d'ailleurs déclaré exercer son activité en qualité d'autoentrepreneur à compter du mois de mai 2013. A défaut de s'être fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, M. A... était ainsi en situation de voir les bénéfices non commerciaux tirés de cette activité évalués d'office sans mise en demeure préalable en application des dispositions combinées du 2° de L. 73 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, qui excluent en outre l'intervention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dès lors que la procédure d'évaluation d'office est légalement encourue pour l'évaluation des bénéfices non commerciaux, la substitution de base légale sollicitée par le ministre n'est pas de nature à priver le contribuable de la garantie tenant à l'intervention de cette commission.

9. D'autre part, l'administration n'avait pas davantage l'obligation d'adresser à M. A... une proposition de rectification exposant le nouveau motif de droit servant de fondement à l'imposition.

10. Il en résulte que, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver le contribuable d'aucune garantie de procédure, l'administration est en droit de solliciter la substitution de l'article 92 à l'article 34 du code général des impôts comme base légale de l'imposition déchargée par le tribunal au motif d'une erreur commise par l'administration dans la catégorie d'imposition.

11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et devant la cour.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

12. En premier lieu, M. A..., dont les bénéfices non commerciaux étaient imposables selon une procédure d'office, ainsi qu'il vient d'être dit, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables. Au demeurant, il ressort de l'examen de la lettre de notification des bases d'imposition évaluées d'office du 3 juillet 2015 qu'elle mentionne les impôts concernés ainsi que les années et les bases d'imposition retenues avec les modalités de leur détermination, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales applicable à sa situation aux termes duquel : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ".

13. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.

14. La proposition de rectification du 3 juillet 2015 par laquelle l'administration a notifié à M. et Mme A..., selon la procédure contradictoire, des compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers et de contributions sociales au titre de l'année 2012, mentionne les impôts concernés ainsi que les années et les bases d'imposition retenues, et expose, s'agissant des impositions assignées selon la procédure contradictoire, les motifs pour lesquels l'administration a estimé que les primes d'assurance prêt habitat n'étaient pas déductibles des revenus fonciers. Par suite, les indications que comportent cette proposition de rectification étaient suffisantes pour éclairer M. et Mme A... et leur permettre de discuter utilement le bien-fondé des redressements envisagés, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en adressant au service, le 28 juillet 2015, des observations, auxquelles il a été répondu le 21 décembre 2015. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette proposition de rectification ne peut, par suite, qu'être écarté.

15. En dernier lieu, la seule circonstance que l'administration a sollicité, au stade contentieux, la substitution de la base légale de l'article 92 du code général des impôts à celle, initialement retenue, de l'article 34, n'implique pas, contrairement à ce que soutient M. A..., qu'elle soit tenue de lui adresser une nouvelle proposition de rectification.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

16. En premier lieu, aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts : " I. - Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) ".

17. II résulte de ces dispositions que le régime d'exonération institué en faveur des entreprises nouvelles par l'article 44 quindecies du code général des impôts n'est pas applicable aux bénéfices que le contribuable a omis de déclarer dans les délais légaux, quels que soient les motifs de cette omission. Par suite, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre à l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par ces dispositions.

18. En second lieu, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ".

19. D'une part, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". En vertu de ces dispositions, il appartient à M. A..., qui est en situation d'évaluation d'office compte tenu de la base légale invoquée à bon droit en appel par le ministre, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

20. M. A... soutient que c'est à tort que l'administration a inclus dans ses revenus imposables de l'année 2012 la somme de 8 205 euros, dès lors qu'il a reversé cette somme à ses clients. Toutefois, en se bornant à soutenir que ce remboursement a été opéré via son compte Paypal, sans assortir cette affirmation d'aucun justificatif, l'intimé n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions.

21. D'autre part, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.

22. Il résulte de l'instruction que l'administration a admis en déduction des recettes de M. A... des frais, correspondant à l'utilisation de locaux, à l'acquisition de mobilier et de matériel informatique, à la souscription d'abonnements aux réseaux de télécommunication ainsi qu'à la consommation d'eau et d'électricité exposés pour la réalisation de son activité, qu'elle a évalués, à défaut de production de tout justificatif, à 250 euros par mois. M. A..., qui se borne à affirmer que les dépenses qu'il a exposées à ce titre ne sauraient être évaluées à une somme inférieure à 500 euros par mois, ne justifie pas que l'administration aurait dû prendre en compte des dépenses supplémentaires.

Sur les contributions sociales :

23. D'une part, aux termes de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis : 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 136-3 du même code, dans sa version en vigueur : " Sont soumis à la contribution les revenus professionnels des employeurs et travailleurs indépendants au sens de l'article L. 242-11./ La contribution est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6. (...) ". Aux termes de l'article L. 131-6 du même code, dans sa version en vigueur : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié./Ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, sans qu'il soit tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des reports déficitaires, des exonérations et du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du code général des impôts.(...) ".

24. D'autre part, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur : " I.-L es personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie (...) des bénéfices non commerciaux (...) au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5. (...) III. La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes des dispositions, alors applicables, de l'article 1600-0 G de ce même code, relatives à la contribution pour le remboursement de la dette sociale : " I. Les personnes physiques désignées à l'article L 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du même code (...) ". Enfin, les dispositions de l'article 1600-0 F bis de ce code prévoient que le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, lequel renvoie, notamment, au I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale pour définir l'assiette du prélèvement.

25. Il résulte de l'instruction que les revenus, qui résultent de l'activité de conception, gestion et maintenance de sites internet et de prestations informatiques, exercée par M. A... de façon indépendante et habituelle au cours des années en litige et dont les gains, supérieurs à 30 000 euros en 2011 et 100 000 euros en 2012, lui ont permis d'assurer la majeure partie de son train de vie, constituent des bénéfices non commerciaux professionnels. Dans ces conditions, ces revenus doivent être regardés comme ayant été perçus par M. A... en qualité de travailleur indépendant. Par suite, l'intéressé se trouve assujetti, pour les revenus tirés de cette activité, à la contribution sociale sur les revenus d'activité et de remplacement prévue par les articles L. 136-1 et L. 136-3 du code de la sécurité sociale. Il s'en déduit que ces mêmes revenus ne peuvent être assujettis à la contribution sur les revenus du patrimoine définie par de l'article L. 136-6 de ce code ni, par suite, dans celles de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et du prélèvement social sur les revenus du patrimoine majoré de ses contributions additionnelles.

26. Il suit de là que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à demander le rétablissement des contributions sociales mises à la charge de M. A... au titre des années 2011 et 2012.

Sur les majorations :

27. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa version en vigueur : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

28. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2011 et 2012, M. A... a exercé depuis son domicile situé en France, à titre indépendant, une activité professionnelle de prestations de services informatiques, pour laquelle il a reconnu n'avoir déposé, jusqu'en 2013, aucune déclaration à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et n'avoir souscrit aucune déclaration fiscale à raison des revenus perçus. Si M. A... fait valoir qu'il n'a pas respecté ses obligations déclaratives en France dès lors qu'il estimait, de bonne foi, n'être imposable qu'aux Etats-Unis, où étaient domiciliés la plateforme de mise en relation à laquelle il avait recours ainsi que le plus grand nombre de ses clients, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas déclaré ses bénéfices dans un autre pays, que ceux-ci, d'un montant évalué à 31 115 euros en 2011 et 99 566 euros en 2012, n'ont pas été soumis à l'impôt dans un autre pays et que l'intimé a d'ailleurs déclaré exercer son activité en qualité d'autoentrepreneur à compter du mois de mai 2013. Dès lors et eu égard aux conditions décrites ci-dessus de l'exercice par M. A... de son activité en France, l'intimé n'établit pas qu'il aurait, de bonne foi, commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle. Dès lors, c'est à bon droit que le service a assorti les compléments d'impôt sur le revenu de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

29. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à ce qui a été dit précédemment concernant les contributions sociales, le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de M. A... en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2011et 2012 et les majorations correspondantes et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ainsi que le rétablissement des compléments d'impôt sur le revenu et des majorations assignés à M. A... au titre des années 2011 et 2012.

Sur les frais liés au litige :

30. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. A... a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 sont remis à sa charge ainsi que les majorations correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

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N° 19LY03521


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-02-01-02-06 Contributions et taxes. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Questions communes. - Pouvoirs du juge fiscal.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : REBINGUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 23/09/2021
Date de l'import : 05/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY03521
Numéro NOR : CETATEXT000044133881 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;19ly03521 ?
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